L’heure est à la lune de miel entre le trône marocain et le CNT
En reconnaissant la légitimité de l’organe politique des insurgés libyens, Rabat compte faire d’une pierre deux coups.
L’occasion fait le larron. «Geotribune», un magazine généraliste axé sur les «questions stratégiques», animé par Antoine Barbizon, un ancien officier de la Légion étrangère française, qui a fait le coup de poing lors d’autres conflits, a amplifié la rumeur selon laquelle le gouvernement algérien aurait apporté son aide au colonel libyen dans le conflit qui oppose ce dernier au mouvement d’insurrection qui est en train de mettre fin à son règne, vieux de quarante-deux ans, avec l’aide décisive des forces de l’Otan.
«Dans les locaux de la chancellerie algérienne, les combattants anti-El Gueddafi auraient trouvé des documents particulièrement compromettants pour Alger, révélant un soutien massif au colonel El Gueddafi», écrit sur son site le magazine français dans un article daté du 24 août 2011 qui cite une source «anonyme» haut placée au sein du CNT (Conseil national de transition) et sans en avoir brandi la moindre preuve matérielle.
L’agence de presse officielle marocaine MAP ne s’est pas fait prier pour devenir la caisse de résonance de ce site spécialisé dans la propagande et la désinformation, surtout lorsqu’il s’agit de la diabolisation de l’Algérie. Pourquoi ne pas avoir dénoncé, dans ce cas, la violation subie par la chancellerie algérienne plutôt que de cautionner cet acte qui relève du vandalisme indigne d’un mouvement se targuant de mener une «révolution» pour installer la démocratie? L’Algérie a bon dos. Le geste n’a, en tous les cas, rien de civilisé.
Le meilleur reste sans doute à venir. Bref, Maghreb Arab Press s’est engouffrée dans ce petit trou de souris et s’en est donné à coeur joie pour remettre sur le tapis la question du Sahara occidental et jeter l’opprobre sur le Front Polisario, le faisant passer pour un mouvement terroriste.
«Des milliers de partisans d’El Gueddafi ont été arrêtés, parmi lesquels des centaines de mercenaires africains et ‘556 » mercenaires du Front Polisario, qui lutte face au Maroc pour l’indépendance du Sahara occidental», rapporte le site aiguillonné par le légionnaire français. MAP se lèche les babines et rajoute une couche.
Le CNT, souligne… que, mis à part les «556 éléments arrêtés», d’autres mercenaires du Polisario auraient été tués dans les combats ou bien se seraient évanouis dans la nature à la faveur de la confusion générale qui a suivi l’effondrement du régime», ânonne puis fabule l’agence de presse officielle marocaine dans une dépêche répercutée le 25 août.
Par contre, pas un mot sur les lynchages commis contre les Africains et les Libyens de couleur. L’heure est à la lune de miel entre le trône marocain et le CNT dont certains dirigeants actuels, encore fidèles au colonel libyen il y a à peine moins de 2 mois, avaient applaudi les deux tentatives de putsch, du 10 juillet 1971 et celui du 16 août 1972 contre l’avion royal de Hassan II à Skhirat, ville balnéaire du Maroc située entre la capitale Rabat et Casablanca. Le souverain marocain, qui a fabriqué une nouvelle virginité aux caciques du régime du dirigeant libyen, ne doit pas avoir la mémoire courte.
Mohammed VI a dépêché son ministre des Affaires étrangères, Taieb Fassi Fihri à Benghazi pour une reconnaissance de facto du CNT et surtout pour célébrer «l’enterrement» de Mouamar El Gueddafi. Rabat devrait garder en mémoire que la coalition occidentale, qui a grandement contribué à la chute du guide de la Jamahiriya, avait aussi déroulé le tapis rouge (la France en décembre 2007) à Mouamar El Gueddafi qu’elle avait (fini) par trouver fréquentable.
Les Etats-Unis qui ont intégré tous ces paramètres dans leur vision de la Libye post-El Gueddafi préfèrent voir à l’oeuvre les nouveaux hommes forts de Tripoli. Dans le doute… il n’y aura pas de blanc-seing de la part de Washington.