Lors d’un discours qu’il a prononcé, avant-hier, à l’occasion du dixième anniversaire de son intronisation, le roi Mohammed VI a affirmé que le Maroc exprime toute sa volonté «sincère» pour une normalisation des relations avec l’Algérie.
Elle s’inscrit «dans le cadre d’une vision prospective et constructive, qui tranche avec les positions anachroniques héritées d’une époque révolue».
Il faut dire qu’on ne peut rester insensible à cet appel pour une normalisation des relations entre les deux pays qui souffrent depuis maintenant 34 ans.
Déjà, bien avant ce discours, l’Algérie avait pris conscience d’une nécessaire refondation des relations, en témoigne le message fraternel adressé par le Président Bouteflika au Roi, à l’occasion de ce dixième anniversaire.
Car, à l’évidence, il n’ y a pas que le Maroc que cette ambiguïté des relations dérange, l’Algérie en souffre aussi.
C’est même une offense à l’histoire dans la mesure où il y a beaucoup plus de choses qui unissent l’Algérie et le Maroc.
La langue, l’histoire, la religion, les traditions et les liens familiaux, n’est-ce pas suffisant pour tisser des relations autrement plus sereines et solides ?
Restent les questions qui séparent les deux pays. Encore un effort Votre Majesté ! Il y a d’abord la question des frontières : «Attitude regrettable et injustifiée».
C’est en ces termes que le souverain marocain a qualifié la fermeture des frontières entre son royaume et l’Algérie.
Il ajoute: C’est une «attitude injustifiée et contraire aux droits fondamentaux des deux peuples voisins et frères, notamment celui d’exercer leurs libertés individuelles et collectives en matière de circulation et d’échanges humains et économiques».
A ce sujet, il faut rappeler que la décision de l’Algérie de fermer ses frontières avec le Maroc est venue à la suite de l’attentat survenu en août 1994 à l’hôtel Asni lors duquel 2 touristes espagnols ont été tués.
Les Marocains ont immédiatement accusé les services de renseignements algériens d’en être les instigateurs.
Puis on assista à une véritable chasse à l’homme, si bien que des touristes algériens ont été humiliés, injuriés et tabassés.
Ne s’arrêtant pas là, le Maroc a imposé des visas aux Algériens.
Evidemment, il fallait réagir et c’est ce qu’ont fait en toute légitimité les autorités algériennes en fermant les frontières.
Maintenant que la vérité a été dite sur ces attentats et que l’Algérie n’a rien à voir dans cette affaire, n’est-il pas plus judicieux de faire des excuses officielles aux Algériens ?
Le Makhzen n’a fait qu’accentuer la tragédie que vivait l’Algérie à l’époque. Celle-ci a réagi de même.
Le visa a été imposé aux Marocains désirant se rendre en Algérie. En 2005, le pays voisin avait décidé de lever cette mesure.
L’Algérie en a fait de même une année plus tard. Quant à la réouverture des frontières, l’Algérie ne s’y est pas opposée.
Elle est favorable, mais à quelques conditions. Pour l’Algérie qui souhaite «une ouverture globale», la réouverture des frontières n’interviendra pas sans les négociations à travers lesquelles le Maroc s’engagera à coopérer avec l’Algérie pour lutter contre les différents phénomènes.
L’Algérie souhaite une action commune dans la lutte antiterroriste, l’immigration clandestine et le trafic de drogue.
L’Algérie souhaite que le problème de la circulation aux frontières ne soit pas dissocié «d’une approche globale» du Maghreb.
«Il ne s’agit pas de construire un Maghreb où les uns gagnent et les autres perdent. Le Maghreb ne se limite pas seulement au Maroc et à l’Algérie», a répondu en 2008 Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur, à l’appel lancé à cette époque par le ministère marocain des Affaires étrangères.
Pour la construction du Maghreb, il faut rappeler également que c’est le Roi Hassan II qui a décidé, en novembre 1994, unilatéralement du gel des activités de l’UMA.
Mohammed VI incombe à l’Algérie la responsabilité de la situation de stagnation que connaît ce projet.
Sa Majesté a affiché son souhait de normaliser les relations avec l’Algérie pour la construction d’une Union maghrébine «stable, intégrée et prospère».
Le Maroc est «animé par une volonté sincère de contribuer à l’émergence des conditions nécessaires à la dynamisation de l’action maghrébine commune».
Les observateurs analysent que le souhait exprimé par le Maroc de rouvrir les frontières avec l’Algérie s’explique par des raison socio-économiques.
Les populations marocaines vivant le long des frontières algériennes ont enregistré des pertes considérables depuis la fermeture de celles-ci.
Ce qui a engendré une dégradation dans les conditions de vie de ces populations. L’économie marocaine a été étouffée par cette situation.
Enfin, le dernier point d’achoppement entre l’Algérie et le Maroc est le problème du Sahara occidental.
Le souverain marocain a réitéré jeudi dernier l’attachement de son pays à l’initiative d’autonomie.
L’Algérie continue à soutenir le principe d’autodétermination pour le peuple du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité dans ce sens, comme elle soutient de véritables négociations de paix entre les deux parties belligérantes, le Royaume du Maroc et le Front Polisario, dans le cadre des règles fixées par l’Organisation des Nations unies.