Mohammed VI accuse Hollande de privilégier la coopération avec Alger

Mohammed VI accuse Hollande de privilégier la coopération avec Alger

Voilà plus d’une semaine, qu’une querelle diplomatique a éclaté entre la France et le Maroc, et la tension n’a cessé d’augmenter de crans. Rabat ne décolère pas : fin de semaine dernière, le Maroc suspendait ses accords de coopération judiciaire avec Paris et menace de prendre d’autres mesures de rétorsion.

A l’origine de la querelle diplomatique entre les deux capitales aux relations d’ordinaire très bien huilées, des plaintes pour complicité de torture à l’encontre du patron du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, qui accompagnait en France le ministre marocain de l’Intérieur en visite officielle.

Une demande d’audition musclée a même été effectuée, sans égards diplomatiques, dans la résidence parisienne, dans la banlieue huppée de Neuilly-sur-Seine, de l’ambassadeur marocain en France. Le juge français s’est défendu d’avoir agi en vertu du principe de compétence universelle et la France officielle a fait le dos rond, se contentant de messages à Mohammed VI qui exigeait des actes. Les ressentiments de celui-ci se sont aggravés avec la publication de propos tenus par l’ambassadeur de France aux Etats-Unis dans un documentaire sur la situation au Sahara occidental. L’ambassadeur François Delattre a affirmé dans ce film que le Maroc est une “maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n’est pas particulièrement amoureux, mais qu’on doit défendre”. Rabat, qui a jugé les propos du diplomate français “scandaleux et inadmissibles”, a exigé du gouvernement français de sanctionner l’ambassadeur à défaut de le désavouer.

Le coup de téléphone du président français à Mohammed VI n’a pas dissipé les malentendus, comme son assurance de l’amitié constante entre la France et le Maroc. Par contre, silence radio au Quai d’Orsay sur les exigences de sanctions contre le juge, les flics et l’ambassadeur. Qui ne dit rien, consent, a-t-on conclu au Maroc où des manifestations ont été organisées devant les représentations françaises.

Les relations entre les deux capitales ne sont plus au beau fixe. Rabat, friand de peoples et d’images publicitaires à l’étranger, a même annulé une visite de Nicolas Hulot, écologiste français emblématique et envoyé spécial du président français. Dernier coup de semonce du Maroc : Mohammed VI a rappelé le magistrat de liaison marocaine accrédité en France. La tension, qui n’a pas l’air de vouloir s’estomper, est, pour le moins, significative des exigences marocaines.

Selon des milieux diplomatiques à Paris et à Rabat, le climat entre Paris et Rabat a changé pour s’alourdir depuis l’arrivée de François Hollande à l’Elysée qui avait réservé sa première visite au Maghreb à l’Algérie au lieu du Maroc comme c’était traditionnellement le cas. Rabat est convaincu que “la coopération avec les Algériens est plus valorisée par Paris”, a expliqué un grand quotidien parisien, ajoutant que la réaction marocaine est d’autant plus vive que “le pays se considère comme un îlot de stabilité indispensable dans la région”. A ce propos, Mohammed VI n’a pas cessé de faire des offres pour placer sous sa couronne la problématique sécuritaire dans le Sahel saharien. Il a même placé sous ce thème sa récente tournée dans l’Afrique de l’Ouest, notamment au Mali où, selon les Mauritaniens, il a offert des prédicateurs et des corans. Il reste qu’il a été chassé sur le carré de la France et que certainement son incursion n’a pas fait plaisir à François Hollande dont l’opération anti-djihadistes Serval lancée début 2003, est toujours en cours. En outre, le courroux surprenant de Mohammed VI serait également en lien direct avec la Sahara occidental.

Les socialistes français seraient moins réceptifs sur les explications marocaines quant à l’occupation de ce territoire à décoloniser et dont le processus sous l’égide des Nations unies a toujours été battu en brèches par la partie marocaine.

François Hollande, qui est en communion avec son homologue américain sur la sécurité en Afrique, particulièrement dans le Sahel, partage la thèse d’Obama selon laquelle l’affaire du Sahara occidental a trop duré. L’ambassadeur américain Christopher, en charge du dossier des négociations entre le Front Polisario et les autorités marocaines, n’est pas en odeur de sainteté à Rabat.

D. B