Mohamed Nadjib Djeghab, directeur technico-commercial à Alviar «Le marché de la viande rouge a besoin d’être redressé»

Mohamed Nadjib Djeghab, directeur technico-commercial à Alviar  «Le marché de la viande rouge a besoin d’être redressé»

Absence de régulation, de contrôle, flux informel… le marché national de la viande rouge évolue dans l’anarchie totale. Alviar aspire, à travers son programme, à apporter un plus qualité pour dispenser dans de meilleures condition ce produit de grande consommation. Il est prévu la construction de trois nouveaux abattoirs dotés de systèmes d’abattage et de contrôle.

L’Eco : l’abattage en Algérie est réputé pour son anarchie. Qu’apportent vos abattoirs pour assainir ce marché ?

Mohamed Nadjib Djeghab : Alviar est la société algérienne des viandes rouges, créée en 2010. Elle a pour mission principale la contribution à la régulation du marché des viandes rouges ovines et bovines en dotant les abattoirs de moyens modernes de production, d’abattage et de conditionnement. Nous faisons partie de la société de gestion des participations de l’Etat Proda. Alviar active avec un capital social de 100 millions de dinars et ouvre ses portes aux éleveurs particulièrement. Nous ne faisons que de la production animale. Alviar possède des centres d’élevage et d’engraissement à travers le territoire national, surtout dans les Hauts-Plateaux, ainsi que des abattoirs construits selon les normes internationales.

Certains sont en construction à l’instar de celui de Aïn Témouchent ; quant à celui de Annaba, il est en rénovation. Les nouveaux abattoirs sont implantés dans les Hauts-Plateaux, des régions où la production animale est accrue. Notre choix repose sur notre volonté et objective de nous rapprocher des éleveurs. La différence entre nos abattoirs et les autres est l’application des normes. Par obligation et conviction, nous nous adaptons aux normes internationales.

Nous voulons canaliser nos efforts en vue de combler la demande du marché car nous avons un déficit de production de viande rouge et nous recourons à l’importation à travers plusieurs intervenants. Nous importons à peu près 60% de la viande rouge. Pour cette raison, il faut qu’on s’adapte au marché et à ses normes pour assurer notre autosuffisance en la matière. Nous souhaitons développer l’activité des éleveurs avec d’autres formules et des partenariats. Cette démarche nous mène à signer des conventions pour assurer le soutien technique aux éleveurs, et ce, afin de maitriser la production de manière rationnelle.

Le rapport qualité/prix et la certification de l’origine de la viande préoccupent les consommateurs. Comment identifier l’origine de la viande avant l’achat ?

Il faut reconnaître que l’Algérie a, tant bien que mal, assuré son autosatisfaction en matière de viande blanche, mais en ce qui concerne la viande rouge, il y a du chemin à faire car le marché est déficitaire. La raison de cette faiblesse est due, en autres, à l’absence de normes et d’hygiène dans les abattoirs. L’Algérie manque d’abattoirs équipés et aménagés selon les normes internationales. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’améliorer l’état de nos abattoirs, tout en étant proches des producteurs, sans passer par les intermédiaires.

Dorénavant, au lieu de rapatrier les animaux vifs vers les centres urbains, nous optons pour rapprocher les abattoirs des éleveurs. Cela évite des dépenses. Il ne faut pas oublier que la spéculation, notamment durant le mois de ramadhan et les périodes des fêtes, influe sur les prix. La viande que nous commercialisons est identifiable étant donné que nous nous fournissons nous-mêmes. L’Algérie compte un cheptel de 25 millions de têtes, ce qui n’est pas négligeable. Par contre, le souci, peut-être, de l’origine des viandes doit être plus pris en charge lors des importations. Nous importons 60% des besoins du marché national en viande rouge. Nous espérons réduire ce taux prochainement. Quant à la cherté, elle est due, entre autres, aux prix des aliments, de l’élevage ainsi qu’aux frais d’intermédiation et sans oublier le rôle des maquignons qui influe sur les prix des bêtes.

Nous souhaitons intervenir pour la réduction de la chaine de distribution afin de réduire les dépenses en plus et amortir la hausse des prix de vente et d’achat. Il faut savoir que notre entreprise n’importe pas de viande, mais une autre entreprise affiliée à notre SGP s’occupe de la régulation et des importations de viande rouge. Nos avons des unités et des centres d’engraissement et d’élevage de l’Est jusqu’à l’Ouest. La qualité et l’origine de la viande est l’une de nos préoccupations. Le marché de la viande rouge a besoin de redressement.

Vu le volume des importations de la viande rouge, qui est censé contrôler et réguler ?

Parmi nos principaux objectifs, la surveillance et le contrôle des abattoirs afin d’éviter l’informel. Le contrôle est la mission des directions des services des autorités locales. C’est vrai que, ces derniers temps, le citoyen se préoccupe beaucoup plus de la provenance de la viande et non seulement des normes d’abattage. Nous reconnaissons que les systèmes de contrôle sont archaïques. Nous utilisons toujours le système du tampon où figure le nom de l’abattoir. Avec les nouveaux abattoirs, nous allons être plus exigeants quant à l’origine des viandes, le contrôle… et ce, afin d’avoir une traçabilité. Les viandes vendues chez les bouchers doivent passer, obligatoirement, par un abattoir agréé. Il faut que tout le monde travaille dans la légalité. D’abord encourager l’éleveur, ensuite réhabiliter les abattoirs. L’investissement dans ce domaine est lourd pour un producteur. Nous apportons un soutien technique aux éleveurs alors que l’Etat les accompagne avec le soutien financier et matériel. Différents dispositifs sont à la disposition de ces investisseurs, tels les crédits accordés par la BADR. Il y a cinq crédits que la banque accorde pour aider les éleveurs, dont la plupart sont à taux bonifié et d’autres à des taux d’intérêt symboliques. Il n’y a pas de limite pour soutenir l’investissement dans la production animalière. Donc, la régulation passe d’abord par la sensibilisation des éleveurs, des bouchers et des consommateurs afin d’éradiquer l’informel.

Vos projets, est-ce en partenariat ?

Nous avons lancé des appels d’offres pour la construction de trois nouveaux abattoirs. La construction sera confiée à une société mixte algéro-espagnole. L’étude du sol sera réalisée par des ingénieurs algériens, quant à la fourniture en matériel, nous recourrons à des entreprises étrangères. Nous envisageons la réalisation de quatre nouveaux abattoirs qui seront opérationnels dès le premier semestre 2014.

Ces laboratoires en construction sont basés dans les Hauts-Plateaux. L’Etat prend en charge tout le financement. Donc, nous visons la réalisation de trois complexes intégrés de viande rouge, qui répondent aux normes internationales, d’une capacité de 40 000 tonnes/an. Chaque complexe compte une chaîne d’abattage mixte ovine-bovine, des entrepôts frigorifiques, des tunnels de congélation, des ateliers de transformation et des aires de stabulation. Ces complexes auront à traiter 1 444 000 ovins et 60 000 bovins/an. Il y a également le projet de rénovation d’un quatrième complexe d’une capacité de 10 000 tonnes/an à Annaba et réhabilitation de la ferme pilote de Aïn El Bel, dans la wilaya de Djelfa.

Samira Bourbia