Mohamed Meziane sort de son silence et enfonce Chakib Khélil

Mohamed Meziane sort de son silence et enfonce Chakib Khélil

A moins d’un mois du procès Sonatrach1 celui, qui est considéré comme l’accusé principal, Mohamed Meziane, ex PDG de Sonatrach a décidé de rompre son silence. C’est un homme abîmé, après avoir perdu sa mère, sa femme, ses deux enfants en prison depuis cinq ans qui a décidé de parler. Pour dire juste un bout de la vérité, en promettant de tout déballer le jour du procès.

Mais dans ce qu’il a déjà dit c’est assez suffisant pour comprendre que l’homme par qui le scandale est arrivé c’est bien Chakib Khélil, l’ex ministre de l’Energie actuellement résidant aux USA. « Je n’ai jamais connu Farid Bédjaoui », « les vices-présidents étaient choisis, nommés et dégommés par le ministre », « tous les contrats que j’ai signés sont passés par la commission des marchés », « l’affaire Saipem dépasse de loin le niveau du PDG », le dossier Sonatrach2 dépasse de loin Sonatrach1 », « j’ai fait les frais d’une lutte d’intérêt », « le jeu était ailleurs, nous n’étions rien ».

Ce sont là quelques phrases choc de l’entretien mises en exergue par le journal El Watan. A propos de ses relations avec Chakib Khélil, il dit « je suis du genre qui respecte sa hiérarchie, même si je ne m’entendais pas avec le ministre , je lui vouait du respect. Je savais qu’il ne voulait pas de moi, puisqu’en 2008 on m’a clairement signifié qu’il avait l’intention de me remplacer, mais je faisais mon travail normalement, je recevais des directives, des instructions par écrit et par téléphone, il était informé de tous mes actes de gestion par les courriers que je lui adressais surtout par les compte-rendus que lui parvenaient de mon chef de cabinet Rédha Hemch ».

A en croire Meziane, Rédha Hemch, qui est un parent à l’ex ministre de l’énergie était là pour le surveiller personnellement ». Il était comme un électron libre, il agissait au nom du ministre. Farid Bédjaoui, l’intermédiaire de Chakib Khélil ? « je ne l’ai pas connu, j’ai lu son nom et j’ai vu son visage dans la presse ». M. Meziane évoque le marché GK3 avec Saipem : «Au début il y avait plusieurs offres, mais à la fin seules deux étaient restées, dont celle de Saipem, qui était de 60% plus cher. Il y avait une différence de l’ordre de 6 milliards de dinars. Fallait-il refaire l’avis d’appel d’offres ou continuer ? Nous étions devant un dilemme parce que le projet était urgent. J’ai demandé une négociation autour du prix en tablant sur une baisse d’au moins 25 à 30%. Le ministre n’était pas d’accord. Il a proposé par écrit un niveau de 12,5% de baisse de prix. J’ai dit au vice-président de l’activité transport que l’offre était trop chère et qu’il fallait arriver à une baisse. Tullio Orsi, le responsable de Saipem Algérie, a dit qu’il ne pouvait pas aller au-delà de 12% de rabais. Il a même menacé de se retirer en cas où nous insistions. Il était très sûr de lui. Pour nous, le projet était une urgence ».

Avec le recul et à la lumière des révélations qui parviennent d’Italie, Mohamed Meziane «pense» que « des choses auraient pu se passer à haut niveau» sans qu’il soit informé. Il révèle : «C’est vrai que j’avais quelques soupçons, rien que des soupçons, pas de preuves formelles sur des choses qui auraient pu se passer à plus haut niveau, à propos de certains contrats, mais rien de plus.

A propos des contrats «Tous les contrats passaient par des avis d’appel d’offres. Nous recevions de nombreux soumissionnaires, mais en cours de route, nombre d’entre eux disparaissaient. On se retrouvait avec seulement deux ou trois soumissionnaires. Parfois, nous étions obligés à ne pas refaire un autre avis d’appel d’offres en raison soit de l’urgence, soit de la complexité du marché. Souvent, c’était le ministre lui-même qui nous instruisait de ne pas refaire la procédure d’avis d’appel d’offres et de continuer avec les soumissionnaires qui restaient. Mais, je prenais cela comme une décision liée à l’urgence, pas plus.»