Mohamed Mechati, membre du groupe historique des 22, à l’origine du déclenchement de la guerre de libération nationale, a dévoilé mercredi soir au Centre culturel algérien (CCA) de Paris, des pages inédites sur la phase préparatoire, militaire et politique de cette période de l’histoire de l’Algérie.
Lors d’une conférence-débat, articulée autour de la présentation de son livre « Militants de l’indépendance algérienne-mémoires 1921-2000 », paru aux Editions Tribord, Mohamed Mechati, acteur de premier plan du mouvement national algérien, jusqu’à son arrestation en 1958, mais aussi acteur essentiel du premier noyau du Front de libération nationale (FLN), de la future Fédération de France, a retracé, à travers son itinéraire politique et militant, l’évolution de la conscience nationale algérienne.
S’appuyant sur son livre, Mohamed Mechati, membre de l’Organisation spéciale (OS), structure clandestine armée du Parti du peuple algérien (PPA), a apporté son précieux témoignage sur cette période charnière du passage de l’action politique à l’option de la lutte armée, « devenue, a-t-il dit, une exigence après les massacres de Sétif, Guelma, Kherrata ».
« Le 1er novembre n’est pas un fait du hasard. Ses origines se trouvent dans le mouvement national. Si on ne connaît pas l’histoire de ce mouvement, on ne peut pas comprendre l’action du groupe des 22 », a-t-il souligné, lors de cette rencontre qui s’est déroulée en présence de Niels Anderson, éditeur suisse engagé en faveur de la cause algérienne.
Mohamed Mechati a souligné, devant un public nombreux, que les historiens font remonter l’histoire du mouvement national à l’Etoile nord-africaine (ENA), soulignant que pour lui l’apport de celle-ci a été « négatif pour le mouvement national ».
« C’était une déviation même, dans la mesure où cette structure était une création du pouvoir colonial, par l’entremise du Parti communiste français, pour saborder l’action de l’émir Khaled qui le dérangeait foncièrement », a-t-il affirmé.
L’émir Khaled réclamait déjà le droit à l’autodétermination
Il a également révélé qu’en 1919, au terme de la Première Guerre mondiale, l’émir Khaled réclamait déjà, pour les Algériens, le droit à l’autodétermination.
« Il est revenu en Algérie en 1923 ou 1924, en faisant une tournée à travers tout le pays dans le but de lancer un mouvement. Il s’adressait aux gens lettrés et aux conseillers municipaux. Cela a tellement bien pris que le pouvoir colonial a eu peur, allant jusqu’à l’expulser d’Algérie et réprimer ses partisans ».
S’agissant de l’ENA, il a ajouté que son apport au mouvement national « se résume à trois aspects : zaïmisme, populisme et activisme irréfléchi », ajoutant que les Algériens « ont perdu beaucoup de temps avec l’ENA qui était, au final, une tromperie et un frein ».
« S’il n’y avait pas eu l’ENA, le mouvement de l’émir Khaled aurait continué à évoluer pour aller à l’indépendance du pays », a dit Mechati qui a affirmé que « c’est le peuple algérien qui a porté la Révolution du 1er novembre 1954 ».
« C’est ce peuple magnifique, qui est historique, c’est grâce à lui que la révolution a été déclenchée », a-t-il dit. « Quant à nous, nous n’étions que des militants. Et ce n’est pas par hasard que Larbi Ben M’hidi avait lancé sa célèbre phrase : +Jetez la révolution dans la rue et le peuple l’étreindra+ », a-t-il ajouté.
Parmi beaucoup d’autres témoignages, Mohamed Mechati, est revenu sur la réunion du comité des 21, « et non pas des 22 » a-t-il dit, en juin 1954, à Alger,
Evoquant « les malentendus, les divergences et même les dissensions » au sein du comité, il a affirmé cependant que les participants à cette réunion historique ont accepté à « l’unanimité » le passage à la lutte armée, « convaincus que c’était le seul moyen de se libérer du joug colonial ».
Ce moudjahid, un des cinq membres encore en vie qui ont pris part à cette réunion aux côtés de Belouizdad Othmane, Zoubir Bouadjadj, Ammar Ben Ouda et Abdelkader Lamoudi, a révélé aussi que Mustapha Benboulaïd, qui faisait partie du noyau chargé des derniers préparatifs de la révolution, a été chargé de rencontrer Messali El Hadj pour le convaincre de se regrouper sous une seule autorité contre le colonisateur.
« Messali a catégoriquement rejetée » cette approche, a-t-il affirmé, arguant du fait que c’était à lui seul que revenait la décision de déclencher la révolution. Il (Messali) avait jugé que « le moment n’était pas opportun » pour le faire », a indiqué Mohamed Mechati.
Il a également évoqué la mise en place de la Fédération de France du FLN, ainsi que son itinéraire dans les geôles des prisons françaises, durant cinq ans, jusqu’à sa libération en 1961, à la faveur de la signature des Accords d’Evian, entre le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et le gouvernemen