Mohamed El-Korso : “Il y a plus important que le problème des harkis”

Mohamed El-Korso : “Il y a plus important que le problème des harkis”

Le chercheur en histoire, Mohamed El-Korso, a réagi au rapport de l’historien français, Benjamin Stora, sur la mémoire entre l’Algérie et la France, la colonisation et la guerre d’Algérie. 

Dans un entretien accordé à nos confrères de Liberté, le chercheur en histoire, Mohamed El-Korso, a estimé que « la France veut faire de la question des harkis un problème fondamental, une espèce de nœud gordien entre les deux pays ».

« En mettant l’accent sur les harkis, on essaie, en fait, de nous mettre, nous Algériens, en position d’ « accusés », en ce sens que si demain le dialogue des mémoires traîne et n’avance pas, l’alibi sera vite trouvé du côté français, en pointant du doigt la responsabilité de l’Algérie qui aura refusé de « faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie », tel que le préconise le rapport Stora », a-t-il expliqué.

Le chercheur en histoire a indiqué que « dans le dossier de la mémoire, il y a plus important que le problème des harkis », rajoutant que « les véritables enjeux sont : la question des crimes contre l’humanité, des essais nucléaires, du rapatriement des corps et des crânes d’Algériens ».

En effet, M. El-Korso n’a pas manqué de souligner « le problème des disparus, en France, ou encore celui relatif aux archives ». « Il s’agit, en définitive, de toute notre mémoire et de notre patrimoine culturel qui doivent être discutés et soumis à débat », a-t-il affirmé.

« Il y a également le patrimoine matériel, et là, je voudrais parler du problème des monuments et de toutes les pièces des sites historiques, de l’époque romaine à l’époque musulmane, qui ont été déplacés par les Français et qui font aujourd’hui la richesse des musées de France, et principalement du Louvre », a-t-il encore indiqué en rajoutant « le problème de la « repentance », des excuses officielles ou encore de la reconnaissance par la France de ses crimes ».

« Il est dommageable que la France qui s’est excusée envers les juifs ne s’excuse pas auprès des Algériens. »

Lors de cet entretien, le chercheur en histoire a indiqué que « pour parvenir à un véritable dialogue sain et serein, capable de faire avancer les choses, il faudrait que la France reconnaisse de manière claire et franche qu’il y a eu crime contre l’humanité ».

« Il s’agit pour elle de faire le même pas que l’Allemagne a fait envers la France, en reconnaissant ses crimes durant la Seconde Guerre mondiale. Je crois qu’il est dommageable que la France qui s’est excusée envers les juifs ne s’excuse pas auprès des Algériens », a-t-il estimé.

Évoquant à nouveau la question des harkis, M. El-Korso a également souligné que « c’est un problème franco-français qui constitue, à ce jour, une plaie béante dans le corps de la cinquième République ».

Le chercheur en histoire a expliqué que cela revient à deux raisons, « d’abord, c’est la France qui a empêché les harkis de venir en France, et quand ils sont quand même venus en France, ils ont été installés dans des camps de concentration qui avaient servi, pendant la Seconde Guerre mondiale, à « parquer » les juifs dans les conditions que chacun connaît ».

« Il a fallu attendre la fin des années 1980 et le début des années 1990 pour que la deuxième génération des harkis fasse bouger les lignes et que la France prenne conscience qu’à côté des Français vivaient d’autres Français déclassés et minorisés », a-t-il rappelé.