Mohamed Bennour, porte-parole du parti Ettakatol, confiant dans l’avenir de la Tunisie
Les dés sont dès lors jetés et les sièges répartis. Arrivé en troisième position, le parti Ettakatol (Forum) veut jouer un rôle de premier plan dans la future Tunisie. Son porte- parole, Mohamed Bennour, s’explique.
L’Expression: Comment le parti Ettakatol se positionne-t-il sur l’échiquier politique?
Mohamed Bennour: Le parti Ettakatol appartient à une famille nationaliste tunisienne. Son ancrage est de centre-gauche. Nous avions commencé à militer pour le multipartisme, les droits de l’homme et la démocratie depuis le début des années 1970.
Nous nous sommes heurtés à la gauche tunisienne qui nous reprochait de réclamer le multipartisme et les libertés publiques qui, selon elle, sont des concepts capitalistes, bourgeois et des valeurs de l’Occident, qu’il valait mieux lutter uniquement pour l’égalité et le socialisme.
Nous nous sommes, également, heurtés au courant islamiste qui considérait ces concepts étrangers et appartenant à une culture étrangère à nos valeurs arabo-musulmanes.
Quelques années plus tard, avec la recrudescence de la répression en Tunisie, aussi bien la gauche que les islamistes, nous ont rejoints dans la lutte pour la démocratie. C’est une grande victoire pour notre famille politique et nous estimons aujourd’hui au parti Ettakatol, qui était en rupture totale avec le régime Ben Ali, que la démocratie et le respect des règles de la pluralité politique sont les seules garants pour toute société qui aspire au développement et au progrès. Sans démocratie et sans respect du pluralisme politique, aucune société ne peut ni avancer ni progresser.
Les partis politiques peuvent défendre et présenter des projets différents et contraires même, mais il faut que la voix du peuple, soit respectée par toutes les parties. C’est cela la légitimité démocratique et populaire. Aujourd’hui, Ettakatol, après la chute de Ben Ali, tend la main à tous les partis qui ont gagné des places avec lui au sein de la Constituante pour construire la démocratie et la future IIe République.
Où en êtes-vous dans les discussions entre les partis politiques en vue de la formation du gouvernement transitoire?
Le Dr Ben Jaâfar et la direction du parti ont commencé depuis lundi dernier les tractations avec tous les partenaires politiques y compris Ennahda majoritaire dans la future Constituante. Nous participerons à ce gouvernement qui aura la charge de réaliser les objectifs de la Révolution du 14 janvier et surtout de commencer le grand chantier, celui de s’attaquer aux problèmes du chômage d’une grande partie de la jeunesse qui sera un défi et qui déterminera la réussite ou l’échec de ce gouvernement. Il y a aussi les problèmes de développement et la précarité qui touche une bonne partie du peuple tunisien et, enfin, les problèmes des régions oubliées par l’ancien régime qu’on appelle les zones démunies.
Vous parlez de réussite ou d’échec. Quels sont pour vous les facteurs responsables d’un éventuel échec?
J’ai dis échec dans la foulé. L’action du prochain gouvernement dans ces domaines, doit se faire dans la transparence en faisant participer toutes les énergies pour essayer de réaliser des résultats et donner espoir à une jeunesse qui aspire à une vie meilleure et un avenir prospère.
Comment allez-vous créer des emplois pour résorber, un tant soit peu, le chômage?
C’est au gouvernement de créer des emplois en donnant espoir aux jeunes.
On a déjà avancé cinq noms de personnalités pour le poste de président de la République, entre autres, Ahmed Mestiri. Pensez-vous que ce dernier pourra aspirer à ce poste à l’âge de 86 ans?
Ahmed Mestiri est un grand leader et un grand militant de la première heure qui a participé activement à la lutte contre le colonialisme français. Il est le père de la démocratie tunisienne. Son combat est exemplaire. Si la Constituante le charge des attributs de la magistrature suprême, cela sera un acte justice historique pour cet homme qui n’a jamais fléchi et qui ne s’est jamais compromis avec Ben Ali et en se démarquant de Bourguiba dès 1971 lorsque ce dernier a commencé à donner des signes d’une dérive autoritaire en optant pour un culte de la personnalité exagérée et un désir manifeste pour garder à vie le pouvoir. Mestiri a créé le courant de lutte pour installer une vraie démocratie. Les élections du 23 octobre, les premières en leur genre, constituent une victoire pour les idées que M. Mestiri a toujours défendues.
Ennahda, qui sera majoritaire dans le futur gouvernement de transition, aura-t-elle l’autorité pour imposer ses ministres dans les postes-clés?
Le parti Ennahda n’a jamais manifesté une telle intention dans les déclarations de ses dirigeants. Il n’a aucune intention d’imposer quoi que se soit. Il s’est toujours dit favorable à une politique consensuelle et qui rassemble mais ne divise pas. Donc, nous nous en tenons à ce discours et tout va se passer avec Ennahda dans la concertation. Le seul objectif de tous, sera la réussite de la nouvelle phase que va traverser le pays et la réussite de la mise en place d’un régime démocratique réel qui ne va pas gérer le pays pour une petite période mais pour des décennies, voir des siècles.
M.Hachemi Haamdi de la liste «Al Aridha» a mis à exécution sa menace hier contre le futur Premier ministre nahdaoui juste après l’annonce des résultats. Quelle est votre position?
M.Hachemi Haamdi est un être mystérieux. Il a été, au départ, un jeune militant nahdaoui et après la venue de Ben Ali, il est devenu son agent secret en Grande-Bretagne et certains pays du Golfe. Dans une de ses interventions sur la chaîne qatarie Al Jazeera, il a qualifié Leila Ben Ali de mère honorable qui fait tous les jours ses prières et qui inculque à ses enfants les vrais préceptes de l’Islam.
Il a toujours défendu l’ex-président déchu et sa famille. Il n’est pas étonnant, aujourd’hui, qu’il entre en scène avec l’aide de ses acolytes restés en Tunisie pour semer le désordre et l’anarchie. La loi tunisienne interdit ceux et celles qui provoquent des appels incitant à la haine et la révolte et au désordre public. La justice doit donner son dernier mot et mettre fin aux manoeuvres criminelles de cet individu. Les anciens du RCD et les survivants du système Ben Ali sont aussi derrière ces manoeuvres».