Il n’a pas hésité à rappeler que les lois de la République garantissaient la liberté de conscience et la pratique de cultes autres que musulman.
Mohamed Aïssa. Un nom qui semble être prédestiné à la fonction qu’il occupe. Inconnu du grand public jusqu’à ce mois de Ramadhan, il occupe désormais les feux de la rampe. Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs fait en effet couler beaucoup d’encre et de…salive en ce mois sacré. Et pour cause! Sans tabou ni langue de bois, il est monté au créneau pour clarifier et souvent rappeler certains principes immuables.
Sur les colonnes de la presse nationale, il explique avec une rare franchise, sa vision de la pratique religieuse en Algérie. Il n’a pas hésité en premier lieu à rappeler que les lois de la République garantissaient la liberté de conscience et la pratique de cultes autres que musulman. Ouvrant ainsi le débat sur les principes et les règles fondamentales gérant le culte des non-musulmans, non sans rappeler au passage l’existence en Algérie d’autres communautés religieuses, juive notamment. Dans ce sens, il a fait savoir que la loi algérienne permettait aux juifs d’Algérie de bénéficier de lieux de culte.
Ce qui soulève la question de la réouverture des synagogues. Une mesure conditionnée par leur sécurisation si elle venait à être prise. Une décision qui risque de faire hérisser les cheveux des fondamentalistes. Un contexte exacerbé de l’agression israélienne contre la bande de Ghaza.
Des réalités qui ont provoqué un tollé chez certains groupes intégristes qui ont manifesté dans la rue contre les déclarations du ministre. Comme ce fût le cas contre celle où il a souligné que le jeûne était une affaire d’ordre privé qui concerne l’homme et son Créateur. «Le jeûneur n’a pas à s’exhiber en public, de même pour le non-jeûneur qui doit faire preuve de discrétion aussi», a t-il précisé avant de se positionner contre les poursuites judiciaires des non jeûneurs, qui «ne se basent sur aucune référence juridique».
Le ministre des Affaires religieuses a aussi dénoncé le comportement de salafistes radicaux qui observent le coucher de soleil à l’oeil nu pour interrompre le jeûne sept à huit minutes avant l’appel du muezzin. «C’est aussi une autre manière de s’ériger contre la société», a t-il soutenu pour faire le parallèle entre ces deux pôles extrémistes. Mais malgré cela, et malgré les critiques de ces fondamentalistes qui veulent sa «tête», Mohamed Aïssa ne leur a pas tourné le dos.
Les invitant au dialogue pour aplanir leurs différends. «Seul le dialogue nous permettra d’arriver à des solutions», atteste- t-il pour ce qui semble être sa devise. Inaugurant du coup un mode de communication inconnu chez ses prédécesseurs. Il l’appliquera pour Ghardaïa où il a prôné le dialogue et l’acceptation mutuelle des deux communautés qui, au fond, se ressemblent. «Les malékites au même titre que les ibadites font la prière presque de la même façon.
Ils font la lecture du Saint Coran de la même façon et lisent la même version. Ce qui les unit est plus consistant que ce qui les désunit», a-t-il souligné avant de rappeler la source de la «fitna». «À Ghardaïa, l’instrumentalisation se passe au niveau de la Toile, à travers des ouvrages, des dépliants distribués aux jeunes et en se référant à d’autres mouvements comme le salafisme. La chaîne MBC, par exemple, a diffusé un discours haineux contre les ibadites», a-t-il dénoncé.
Bref, avec courage et détermination, Mohamed Aïssa tient à asséner à la société algérienne ses vérités auxquelles elle tente d’échapper pour un retour aux fondements de la pratique religieuse en Algérie. Ces sorties médiatiques semblent en tous les cas n’être que le début de la «révolution» qu’il compte mener pour changer les mentalités.
Plus de place aux pratiques d’un autre temps avec ce progressiste au long parcours au service de la religion. Même si son nom était méconnu du grand public, Mohamed Aïssa est une référence au niveau national, mais surtout international. Son impressionnant CV, ses ouvrages et ses publications dans des revues spécialisées sont là pour en témoigner.
Ce pur produit de l’Université algérienne a obtenu sa licence en sciences islamiques en 1986 à l’université d’Alger, avant de passer son magistère en 1993, et son doctorat d’Etat en 1998. Pour ce qui est de son parcours professionnel, il a été directeur des études – faculté des sciences islamiques- université d’Alger – 1993-1998, ensuite responsable des unités de recherche scientifique à la faculté des sciences islamiques- université d’Alger- 1999-2000.
Au début du nouveau millénaire, il intègre le ministère des Affaires religieuses en tant que directeur central, chargé de l’Orientation religieuse et de l’enseignement coranique, 2001-2012. Puis inspecteur général du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, poste qu’il a occupé de 2012 jusqu’à sa promotion à la tête du secteur.
Ce jeune natif de la banlieue Est d’Alger (Rouiba) est marié et père de quatre enfants. Il fait partie de la génération post-indépendance, il est né le 8 septembre 1963, que le président Bouteflika a voulu promouvoir lors de son quatrième mandat pour la préparer à prendre les destinées du pays. En à peine trois mois à la tête du secteur resté inerte depuis des années, il aura fait bouger les choses, secoué la société pour peut-être faire changer les mentalités? Cela ne peut faire que du bien à un pays qui a tant souffert des dérives religieuses. Qu’il se rassure, la «vendetta» menée contre lui est un signe qui ne trompe pas: Mohamed Aïssa est sur la bonne voie…