Modeste, la petite marque française qui montre que la mode pudique n’est pas que musulmane

Modeste, la petite marque française qui montre que la mode pudique n’est pas que musulmane

original.jpgMODE – Leur showroom se trouve au cœur du sentier dans le 2e arrondissement de Paris. Sur les murs, des silhouettes très féminines qui courent les rues de New York et Paris. Sur les portants, des imprimés colorés, des matières nobles, des coupes longues. La toute jeune marque lancée en septembre 2015 s’appelle Modeste, un nom derrière lequel les clientes connaisseuses saisiront rapidement la référence.

« Modest » en anglais signifie pudique. La « modest fashion » ou mode pudique couvre de manière ample les épaules, le décolleté, les cuisses, bref, tout ce qui se trouve au-dessus du genou et du coude. On qualifie cette mode très couvrante de musulmane ou islamique mais elle a en fait séduit plusieurs franges très pratiquantes des trois grandes religions monothéistes comme les chrétiens évangéliques et les juifs ultra-orthodoxes. Des personnes revendiquant leur « liberté » de s’habiller comme elles le veulent.

On a assisté cette semaine à une véritable levée de boucliers contre Marks and Spencer mais aussi Uniqlo, Dolce&Gabbana, Mango ou encore Tommy Hilfiger. Ces marques qui se lancent sur le créneau de la mode pudique ou musulmane seraient « irresponsables » de l’avis de la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol.

Retenue, mystère et pudeur

Pas de voile ni de burkini dans les collections de Modeste mais un argumentaire qui se rapproche fortement de celui de Hana Tajima, la blogueuse anglaise et musulmane qui a signé la collection de « modest fashion » d’Uniqlo en 2015. La co-fondatrice de Modeste, Valérie Bénita, que Le HuffPost a rencontré en janvier 2016, avant cette polémique, ne veut pas se faire « enfermer » dans le créneau de la mode religieuse et entend « s’adresser à toutes les femmes ». Il ne s’agit pas de « couvrir » la femme mais plutôt de « renouer avec une certaine retenue », de « retrouver du mystère », explique-t-elle en choisissant ses mots avec beaucoup d’attention.

Valérie Bénita ne fait cependant pas secret de sa foi. Juive pratiquante, elle explique d’ailleurs que cette spiritualité l’a aidée quand elle s’est lancée dans entrepreneuriat après dix-sept ans passés dans l’optique. Fabrication made in France, parrainage de projets humanitaires au Cambodge, un projet de collection capsule avec Le Relais, la marque se veut aussi irréprochable dans son éthique et assure donner 10% de ses bénéfices « aux enfants défavorisés, aux familles monoparentales et aux femmes en difficultés ». La pudeur dans ces conditions a un prix, les créations Modeste coûtent en moyenne entre 70 et 100 euros.

Valérie Bénita et Izak, le directeur artistique de la marque, trouvent leur inspiration dans la mode des années 50. Les créations de Modeste privilégient donc des tailles marquées et des volumes. Ces vêtements, qui suggèrent, plutôt qu’ils ne dévoilent, permettraient aux femmes de ne pas être « confinées dans une image ». Ces robes, chemises, pantalons « ne prennent pas le dessus, qui peuvent s’effacer sont ainsi au service de la personnalité », précise-t-elle encore.

Une mode contre-culture

Comme d’autres stylistes qui se sont lancés dans cette mode, toutes les idées sont formulées de manière positive. Pas question de dire qu’il faut cacher telle ou telle partie du corps, que les femmes ne devraient pas se promener en mini-jupe ou avec un décolleté profond. Les concepts de pudeur, d’humilité, de mystère, d’harmonie remplacent dans le discours les interdits religieux.

modeste

Comme l’explique Hanna Woodhead, doctorante à la faculté de théologie de Genève qui travaille sur la mode religieuse et en particulier sur la notion de pudeur depuis deux ans, « cette mode pudique s’affirme comme une contre-culture face à une mode sexy, face à un corps féminin qu’on affiche complètement nu pour vendre des rouges à lèvres. Ces femmes entendent se réapproprier le vêtement. »

C’est tout à fait ce qui transparaît dans le discours de « Modestine », l’égérie dessinée de la marque qui explique dans l’un de ses billets d’humeur sur le site de Modeste: « À une époque un poil crispée où la notion de pudeur se pose et où il est normal de tout montrer de nos vies du haut de nos perches à selfie, il pourrait être tentant, voir totalement ‘new-age’ de vouloir se débarrasser de tous ces superflus qui nous encombrent et qui nous collent à la peau comme une gelée toxique ».