Mme Eva Emnéus, ambassadrice de Suède, au JI : «C’est dans ses pays voisins qu’on fait…»

Mme Eva Emnéus, ambassadrice de Suède, au JI :	«C’est dans ses pays voisins qu’on fait…»
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Le Jeune Indépendant : Où en est la coopération entre les deux pays ?

Mme Eva Emnéus : Les relations entre la Suède et l’Algérie sont anciennes, plus précisément depuis le XVIIIe siècle. En certaines périodes, notamment les années 1970-1980, elles étaient plus dynamiques qu’aujourd’hui. La décennie noire a, en quelque sorte, freiné le développement économique et causé à l’Algérie du retard. Mais, heureusement, l’Algérie a amplement repris ses activités économiques. Je tiens a souligner que durant ces années-là, la Suède, n’a jamais fermé son ambassade. La société suédoise Ericsson, établie en Algérie depuis les années 1970, a poursuivi normalement ses activités dans le pays.

S’agissant du bilan des relations algéro-suédoises, je peux dire que, ces dernières années, les affaires ont repris. Nous avons enregistre une forte augmentation dans nos exportations vers l’Algérie. Par exemple, entre 2008 et 2009, nous avons enregistré une augmentation de 28 %.

Pour ma part, j’ai une ambition, celle d’être active. L’année dernière, j’ai pris l’initiative de créer un forum informel d’affaires algéro-suédois. En effet, il existe en Algérie une vingtaine de sociétés suédoises ou algéro-suédoises. Ce forum contribuera à un échange d’informations et d’expérience. Il permettra aussi de faire le point sur la situation actuelle et de discuter des perspectives d’avenir.

Vous avez déclaré que la Suède souhaiterait approfondir davantage la relation bilatérale avec l’Algérie. Dans quels domaines ?

Effectivement, l’industrie suédoise a beaucoup à offrir dans plusieurs domaines importants pour l’Algérie.

La Suède est, en effet, à la pointe dans plusieurs secteurs : travaux publics, santé, agriculture, télécommunications, industrie mécanique, automobile et, surtout, dans tout ce qui concerne le développement durable, le secteur de l’environnement…

Revenons, à la question du forum, que vous avez qualifié d’informel. Pourquoi informel ?

A ce jour, nous n’avons pas encore le nombre de sociétés suédoises exigé par la loi pour créer une chambre du commerce. Il nous faudrait 35 sociétés pour postuler à l’obtention d’un agrément par le ministère de l’Intérieur. Cela étant dit, il reste la possibilité de s’organiser sous le statut d’une association. Là encore, comme la nouvelle loi sur les associations n’était pas encore promulguée, nous avons commencé par une structure informelle, sans une assise juridique, certes mais cela viendra. J’espère que, durant mon mandat à Alger, qu’il sera possible d’établir un conseil d’affaires entre une association des chambres du commerce de la Suède et la chambre du commerce et de l’industrie d’Alger.

Lors de la présentation de vos lettres de créance au président de la République, quel accueil vous a-t-il été réservé ?

J’ai présenté mes lettres de créance en octobre 2008. Nous étions six ambassadeurs à le faire ce jour-là. J’ai été reçu en deuxième position et j’ai eu l’infime honneur de parler avec le Président 40 minutes durant. La discussion a été très amicale et l’ambiance sympathique. Effectivement M. Bouteflika connaît très bien la Suède. Il m’a même parlé de ses rencontres avec M. Olof Palme dans les années 1960. Le Président a exprimé son respect pour le rôle que M. Palme a joué dans la lutte contre la pauvreté et pour le droit des pays à l’indépendance. Depuis, ils sont devenus amis. M. le Président a aussi exprimé son appréciation du modèle économique et social que la Suède a établi au début des années 1960. Nous avons également parlé de la situation de la femme et des droits de celle-ci en général et également dans mon pays. Il avait aussi parlé de son intention d’introduire des réformes dans ce domaine. M. le Président est une personne très intéressante, bien informée, de mon pays ainsi que de la situation générale de l’Union européenne et du monde.

Le secteur éducatif est l’une des priorités du Président. N’a-t-il pas exprimé, lors de votre entretien avec lui, une volonté de coopérer avec un pays aussi coté à l’OSCDE que la Suède ?

Non, nous n’avons parlé d’aucune coopération dans ce domaine à ce moment-là, en 2008. Mais pourquoi pas aujourd’hui ? Même si je pense que le système éducatif suédois diffère énormément du vôtre. C’est difficile de les comparer. Vous avez un système qui a une base de culture latine, alors que nous avons un système plutôt anglo-saxon.

Aujourd’hui, notre système éducatif est très attentif aux différents besoins du pays. Les institutions universitaires et l’industrie travaillent en étroite collaboration. C’est le principe de l’éducation de base élevée qui gère. Même un artisan doit passer le bac. C’est un principe qui permet d’absorber le chômage, de se convertir rapidement d’un métier à un autre.

Quels sont vos projets en Algérie ?

Nous avons plusieurs projets en exécution. Au début d’avril, l’ambassade organise, en collaboration avec le Bureau du Conseil du commerce de Suède (Swedish Trade Council), une journée algéro-suédoise pour la promotion de l’efficacité énergétique, visant plus particulièrement le développement de systèmes efficaces de distribution et de contrôle de l’eau, du gaz et de l’électricité comme leviers du développement durable. Cet événement a pour objectif de rassembler les différentes parties, afin d’arriver à trouver ensemble des solutions dans ce domaine. Des entreprises supports seront présentes, notamment l’ABB et Ericsson, ainsi que différents acteurs comme les ministères algériens et les agences suédoises de l’eau et de l’énergie. L’ambassade voudrait démarrer, en étroite collaboration avec le Bureau du Conseil du commerce (Swedish Trade Council), d’autres projets, notamment dans le secteur de la santé et de l’agroalimentaire, et ce, en continuant la promotion du développement durable (gestion de résidus, énergies renouvelables, etc.). Des secteurs où la Suède et l’Algérie peuvent se complémenter mutuellement.

Vous avez aussi parlé de l’événement RSE (responsabilité sociétale des entreprises)

C’est une initiative de l’ambassade en vue de promouvoir les responsabilités sociétales des entreprises. Ce projet, avec la collaboration d’IANOR (Institut algérois de normalisation), visera à promouvoir les relations et conditions de travail sous la norme ISO 26000.

Qu’est-ce que l’ISO 26000 ?

ISO 26000 aborde sept questions centrales de responsabilité sociétale définies dans la norme : droits de l’homme, relations et conditions de travail, environnement, loyauté des pratiques, questions relatives aux consommateurs, communautés et développement local. Son application est volontaire et non certifiable, mais l’organisation qui l’applique peut faire valoir cette application à travers le Global Reporting System (système de bilan global) qui, lui, est certifiable.

C’est une conférence qui traitera en général des relations et des conditions de travail en particulier. Nous comptons inviter un public très large (représentants des ministères et administrations diverses, représentants du patronat et des syndicats ainsi que de la formation professionnelle et des universités).

La Suède a été partie prenante dans l’élaboration de la norme ISO 26000 et l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (ASDI) finance un projet d’implantation dans la région MENA à travers la formation des formateurs, la tenue des conférences et des projets pilotes. Le projet a commencé en 2011 où 4 formateurs algériens ont été formés, 2 conférences ont eu lieu à Oran et à Alger et 2 sociétés pilotes (1 privée et 1 publique) ont été suivies. La première phase de ce projet a été validée. Elle va durer jusqu’en 2014. IANOR est le coordinateur des activités en Algérie.

L’Agence suédoise de coopération internationale au développement (ASDI) organise aussi régulièrement d’autres activités. Il s’agit notamment de stages de formation pour la région MENA dans différents domaines. Sept personnes du ministère du Commerce, ALGERAC et IANOR vont ainsi partir à Stockholm pour la première partie d’un stage sur «quality infrastructure développement in support of World Trade» du 26 février au 23 mars prochains.

En 2011, des Algériens ont pris part à différents stages en Suède. Ces derniers se sont déroulés en plusieurs étapes : 3-4 semaines d’internat en Suède,

6 mois de travail individuel/groupe sur un projet concret, 1 semaine de conclusions dans un pays du MENA.

Ces jours-ci, nous allons envoyer des invitations pour une nouvelle édition de la formation sur le Copyright qui aura lieu à la fin du mois août.

La sécurité routière est un autre domaine qui nous intéresse énormément.

La Suède a élaboré un concept «Vision zéro» qui vise à minimiser le nombre de victimes de la route partant du principe qu’aucune perte de vie n’est acceptable. C’est un concept holistique qui prend en compte tous les paramètres techniques, matériels et humains, et a permis à la Suède de réduire considérablement le nombre de décès causés par les accidents de la route.

Nous avons déjà organisé une conférence sur «Vision zéro» au mois de mai de l’année 2011. C’était un grand succès. Plus de 100 personnes de 8 ministères, d’ONG et autres sociétés diverses ont assisté à la conférence et une cinquantaine ont pris part aux ateliers.

La conférence a été organisée par l’ambassade de Suède à Alger, en étroite collaboration avec les sociétés suédoises, Sensys Traffic AB, qui en a pris l’initiative, mais aussi Vectura Consulting et Green Global. La délégation suédoise comprenait également l’Agence suédoise des transports (Svenska Transportstyrelsen), Volvo Group, Amparo Solutions et Transenergy. Du côté algérien, les partenaires étaient le Centre national de prévention et de sécurité routière, le CNPSR, qui évolue sous la tutelle du ministère des Transports, et la Chambre algérienne de commerce et d’industrie, la (CACI).

Avec toutes ses activités, quelle est la valeur des échanges commerciaux entre les deux pays ?

Actuellement, cette valeur est de 300 millions d’euros. Le marché maghrébin devient de plus en plus intéressant pour les sociétés suédoises. Nous sommes notamment présents dans les domaines des télécommunications, de la transmission d’électricité, pharmaceutique, de l’industrie mécanique, du transport et de la construction, et nous exportons énormément de bois vers l’Algérie. Les importations de l’Algérie vers la Suède sont de l’ordre de 100 millions d’euros par an, et concernent surtout ses produits pétrochimiques.

Alors que le plan quinquennal du président de la République a fait bouger les services commerciaux des ambassades pour améliorer leur chiffre d’affaires, quelques pays, comme la Suède, restent absents. Pourquoi ?

Souvent, ce sont les pays voisins avec lesquels on fait les affaires les plus fructueuses. C’est normal pour la plupart des régions au monde. Cela devrait aussi être le cas dans le Maghreb. Concernant l’Algérie, c’est le Bassin méditerranéen, France, l’Espagne, l’Italie… Chez nous, c’est autour de la mer Baltique : c’est-à-dire la Norvège, le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, la Pologne, la Russie…

Hélas, nous ne sommes que 9 millions d’habitants en Suède, et nous n’avons pas la même force que la France en Algérie. Mais je ne suis pas d’accord avec vous. La Suède n’est pas absente. La semaine prochaine, notre vice-ministre du Commerce sera à Alger pour des entretiens avec plusieurs ministères. La Suède est aussi présente à travers une vingtaine de sociétés suédoises et algéro-suédoises et d’autres vont venir, aussitôt que le climat des affaires en Algérie sera plus compréhensible. Depuis quelque temps, j’ai constaté qu’il y a de plus en plus de sociétés suédoises qui s’intéressent et voudraient participer aux appels d’offres lesquels, après une certaine accalmie, semblent redémarrer. L’Algérie, et tout le Maghreb d’ailleurs, sont prioritaires pour mon pays.

Par quel biais les sociétés suédoises entendent-elles parler de ces appels d’offres algériens ?

Il y a plusieurs sites auxquels on peut être abonné. L’ambassade est l’un de ces abonnés. Nous avons également le Bureau du conseil du commerce de Suède (Swedish Trade Council) qui récolte toutes les informations commerciales susceptibles d’intéresser les investisseurs suédois.

Entretien réalisé par Samir Méhalla