MJIC : Ces jeunes qui rêvent d’une Algérie débarrassée de ses caciques

MJIC : Ces jeunes qui rêvent d’une Algérie débarrassée de ses caciques

Ils ont moins de 30 ans. Etudiants, chômeurs ou jeunes cadres, ils ont grandi sous l’état d’urgence et ont vécu les années de terreur et de sang. A l’instar des Tunisiens et des Egyptiens, ils aspirent à faire leur « révolution » et changer de « régime ». Nouvelle génération de bloggeurs, ils ont créé le 9 mars le Mouvement des jeunes indépendants pour le changement (MJIC), une association indépendante pour réclamer un « changement du régime » en Algérie. DNA a donné la parole à trois de ses animateurs

Abdou Bendjoudi, 26 ans, cadre d’entreprise

Il avait 16 ans lorsque la Kabylie fut le théâtre d’événements sanglants au printemps 2001. Depuis cette répression qui a fait 126 victimes, Abdou, originaire de cette région, a décidé de s’investir dans le « militantisme associatif ». Les émeutes de janvier 2011 qui ont fait 5 morts ont provoqué une sorte d’électrochoc.

« Sur les forums internet et lors des rassemblements, nous échangions des idées, nous discutions de la situation en Algérie, en Tunisie et en Egypte. On s’est dit pourquoi ne pas faire quelque chose de solide : un mouvement de la jeunesse qui pourrait faire un travail de sensibilisation plus important que ce qui existe actuellement sur le terrain. C’est ainsi qu’est donc née l’idée de ce mouvement », raconte ce jeune blogueur.

Abdou n’en peut plus de voir de vieux caciques, installés depuis 1962, continuer à régenter l’Etat et la société. « Lorsque on voit le marasme populaire, des jeunes qui s’immolent, des harraga qui fuient à bord d’embarcations de fortune, le chômage, les agressions, l’insécurité, tout cela est révoltant. Toutes les politiques menées par le régime depuis 50 ans n’ont rien donné. Au contraire, on sombre de plus en plus. Nous avons vécu une guerre civile sanglante pendant dix ou quinze ans. Aujourd’hui, on est en train de payer ce qui est passé », confie amer Abdou.

S’il a rejoint le MJIC, c’est par « besoin d’agir pour réparer tout cela ». « Nous ne pouvons rester passifs devant une pareille situation. C’est de notre destin de jeunes algériens dont il s’agit », tranche Abdou.

Si la société civile algérienne bouge aujourd’hui, c’est grâce à « la révolte arabe », affirme celui qui se dit « émerveillé » par manière avec laquelle à été conduite la révolution égyptienne.

Lui aussi, comme beaucoup de jeunes algériens, rêve d’un changement. A la violence du régime, il oppose « un changement radical et pacifique ». Première étape : sensibiliser tout le monde « sans exception ». Le MJIC, dit-il fièrement, est déjà incrusté dans sept wilayas du pays : Alger, Djelfa, Annaba, Oran, Constantine, Bejaia et Tizi Ouzou. « Et ce n’est que le début », avertit Abdou

Sofiane Baroudi, 21 ans, étudiant en ressources humaines

Pour Sofiane, ce n’est guère une sinécure de vouloir investir l’espace public dans un pays, sous l’état d’urgence depuis 19 ans. « On essayait de tenir des rassemblements. On voulait investir l’espace public et la rue pour réclamer notre droit de contester ce que l’on juge comme des mesures oppressantes. Mais c’est difficile. N’oublions pas que notre jeunesse a vécu sous état d’urgence. Dans la violence. Ce qui explique en partie, le désengagement massif de la société » explique cet étudiant.

A l’instar d’Abdou, lui aussi a décidé de rejoindre le MJIC par rejet de la capitulation qui ligote la société algérienne.

« L’absurdité du système éducatif, le népotisme, la corruption, le vide culturel, El harga, les prisons, la violence, nous vivons tout cela au quotidien. Et cela devient intenable. Nous avons ressenti la nécessité et le besoin de faire émerger un mouvement qui portera la voix de la jeunesse», ambitionne ce jeune militant.

Comment ? « Tout le monde est conscient de la nécessité d’un changement en Algérie. Nous allons mener un travail de communication. L’essential est de trouver ce qu’on veut changer et vers quoi on veut aller », soutient cet étudiant en ressources humaines.

Taghzout Ghezali, 21 ans, étudiante

Sa première tentative d’investir la mouvance associative, Taghzout Ghezali en garde mauvais souvenir. « En 2006, j’ai essayé de mettre sur pied une association. A l’époque, il y avait ni association ni comité d’étudiants à l’Ecole supérieur du Commerce. C’est le recteur lui-même qui a opposé un refus à mon initiative. Il était impossible de faire quoi que ce soit », raconte cette étudiante 4e année à l’ESC.

Taghzout refuse d’adhérer aux multiples associations estudiantines. « Je ne me suis jamais engagé dans un mouvement de jeunes, parce que la plus part sont des associations satellites, sous la tutelle des partis politiques. Je ne leur fais pas confiance », précise-telle.

C’est en dehors de l’université qu’elle fera ses premiers pas. « J’ai milité indépendamment en participant à des rassemblements pour célébrer des dates symboliques comme le 5 octobre », confie cette jeune algéroise.

Comme ses deux compères au sein du mouvement, Taghzout aspire au changement en Algérie. « C’est révoltant de voir comment l’Etat gère les affaires du pays, de voir les mêmes têtes depuis des décennies. Je voudrais qu’on laisse la place aux jeunes», réclame-t-elle.

La faible mobilisation de la société pour réclamer ce changement tant désirée s’explique, pour elle, dans l’éparpillement des forces. « La société est divisée. Nous avons plusieurs petites sociétés : les harragas, les chômeurs, les femmes, les travailleurs, les jeunes, chacun bouge son coté, comme il peut», constate-t-elle.

« A l’université, les gens sont indifférents. Quand on leur parle, ils nous disent qu’ils ne font pas de politique. Ils ne savent même pas que faire une grève est un acte politique en ce sens qu’ils demandent l’annulation d’un décret présidentiel », souligne notre interlocutrice.

Comment sensibiliser les étudiants ? « On ne leur parle pas politique. Le mot leur fait peur. Alors, on essaie de nous inscrire dans leur démarche, de les encadrer. Ce n’est nullement de la récupération ou de la manipulation, il s’agit de les sensibiliser », affirme Taghzout.

Pour elle le MIJIC se veut un pont. « On essaie de mettre des ponts entre ces segments pour créer une seule société ou tout le monde s’unira. Nous voulons mobiliser toutes les forces, jeunes et moins jeunes, toutes les couches sociales», explique Taghzout.