«LE MUR DE LA HONTE»
Les premières informations ont été fournies par la presse israélienne. L’Égypte serait en train de construire une barrière souterraine à la frontière avec la Bande de Ghaza.
Selon le quotidien Haaretz, cette barrière en acier serait déployée sur 10 km de long et pourrait aller jusqu’à 30 mètres sous terre. L’idée d’un canal ou d’un mur a émergé il y a quelques temps quand Tzipi Livni et Condoleezza Rice, ont discuté la question du contrôle des frontières de la Bande de Ghaza.
De fait Rice avait pris une longueur d’avance lorsqu’elle avait déclaré qu’Israël devait accepter de modifier le traité de paix de 1978 afin de permettre à un nombre supérieur de soldats égyptiens d’être postés le long de la frontière. L’Égypte a voulu doubler sa force en passant de 750 soldats à 1500, mais Israël s’y est à l’époque opposé. Aussitôt les États-Unis ont envoyé deux figures de premier plan, Robert Danin du département d’état et de Mark Kimmitt du département de la défense au Sinaï, pour qu’ils constatent par eux-mêmes l’engagement de l’Égypte sur cette question.
Les corps d’ingénieurs des États-Unis avaient également proposé la conception du mur de fer mise en oeuvre aujourd’hui. Le nouveau mur égyptien d’environ 10 kilomètres de long sera impossible à traverser. Il sera consolidé par de grandes feuilles d’acier enterrées dans le sol à une profondeur allant jusqu’à près de 20 mètres. Le tout sera installé avec un équipement sophistiqué de surveillance comprenant des appareils- photos pour l’infrarouge et thermoguidés. Le Mur de séparation égyptien est d’abord composé de canalisations jusqu’à 35 mètres de profondeur. Cellesci sont conçues pour inonder les tunnels.
Elles sont emplies d’eau de mer. Un second ouvrage est composé de plaques de métal de 18 mètres de longueur et de 50 centimètres de largeur. Ces plaques, réputées infranchissables, sont munies de capteurs pour détecter les éventuels nouveaux tunnels des palestiniens de Ghaza.
En fait les capteurs détectent les tunnels et les excavations le long de leur frontière. À ce sujet le centre d’ingénierie, de recherche et de développement de l’armée américaine a évoqué plusieurs méthodes utilisées : dispositifs magnétiques, résistivité électrique, radars pénétrants, technique électromagnétique et sismique. Toutes ces méthodes consistent à envoyer des ondes dans le sol et à identifier les éventuelles anomalies au « rebond ». Quatre ingénieurs militaires américains sont chargés de surveiller ces capteurs et d’analyser les activités de façon à différencier les nouveaux percements de tunnels et l’usage quotidien de marchandises entrant à Ghaza par les tunnels.
Dans tous les cas, les forces américaines gardent le côté israélien informé de tout mouvement détecté, bien que l’ensemble de l’opération soit mené du côté égyptien. Tous les éléments métalliques et les capteurs ont été fabriqués aux États- Unis. Il y a six mois, des cargos ont déposé les plaques dans un port sur la côte méditerranéenne égyptienne, où elles ont été chargées sur des camions militaires et transportées à Rafah dans le plus grand secret.
Les plaques, qui auraient été transférées par la ville de Cheikh Zweid, mesurent 18 mètres sur 50 centimètres et ont environ cinq centimètres d’épaisseur. Elles ont été conçues pour être plantées dans le sol en parallèle, disposées côte à côte pour augmenter la partie enterrée du mur frontalier et donc son efficacité contre les exploitants des tunnels, lesquels utilisent parfois des explosifs pour creuser.
23 MILLIONS DE DOLLARS D’AIDE MILITAIRE À L’ÉGYPTE
Avant même que Barack Obama ne soit installé à Washington et intronisé président des États-Unis , le gouvernement US avait octroyé 23 millions de dollars d’aide militaire à l’Égypte et mis à disposition une équipe d’ingénierie pour former les Égyptiens sur la frontière avec Ghaza. De lourds engins de chantier ont pris place le long de la frontière entre la Bande de Ghaza et le territoire égyptien et commencent à enfouir des tubes et des plaques de métal dans le sol. Précisons également que le président américain a approuvé le budget d’aide extérieure pour 2010 avant son départ au sommet de Copenhague, c’est ce qu’a rapporté le journal « Israël Today. » Selon cette source, le budget inclut des aides en matière de sécurité à « Israël », soit 2,775 milliards de dollars, et ce, conformément à un accord entre « Israël » et l’administration américaine qui consiste à augmenter chaque année la valeur de cette aide. Elle doit atteindre 30 milliards de dollars d’ici la fin de cette décennie. Le président américain et le Congrès ont également approuvé d’augmenter les aides pour l’industrie militaire israélienne, en particulier dans le domaine de l’interception des missiles. Les autorités égyptiennes ont installé un réseau de ces plaques sur deux sites le long de la frontière, l’un est situé à environ quatre kilomètres au nord du port, et un autre à environ 500 mètres au sud du terminal de Rafah.
Les forces de sécurité les ont plantées dans le sol, sous le prétexte d’effectuer des travaux d’entretien. Ils ont également utilisé des équipements ordinaires, tels que des machines pour creuser des puits d’eau afin de ne pas éveiller les soupçons. Cependant, des parties de panneaux d’acier sont restées exposées au-dessus du sol. Les Égyptiens ont officiellement nié toute implication, mais Ma’an, un journal israélien, a indiqué que l’État égyptien avait confisqué ou acheté des terres privées le long de la frontière pour y réaliser son projet. La plupart de ces terres appartenaient à des agriculteurs qui ont individuellement accepté des paiements au-dessus des prix du marché, de la part d’acquéreurs représentant, en fait, le Caire. Des centaines d’arbres ont été déracinés au cours de ces derniers mois tandis que les autorités égyptiennes mettaient en place leur système souterrain.
LE MUR SOUS SUPERVISION FRANÇAISE ET AMÉRICAINE
Le directeur du Renseignement militaire français, le général de corps d’armée Benoît Puga, est venu personnellement inspecter le chantier. Examinant ce qui est en train de devenir, selon les mots du président Nicolas Sarkozy « la plus grande prison du monde », le général Puga s’est félicité de l’avancement des travaux d’encerclement. Il a déclaré qu’il s’agissait là de « la plus grande opération de l’Histoire » visant à couper des souterrains et qu’elle pourrait servir de modèle. Certaines de ces méthodes ne semblent pas adaptées à Ghaza.
Cependant, les radars pénétrants pourraient l’être. Cet outil a été privilégié sur la frontière mexicaine jusqu’à ce que les creuseurs de tunnels aient découvert ses limites : il est incapable de détecter quoi que ce soit à plus d’un mètre de profondeur dans de la boue ou à plus de 15 mètres dans du sable, un sol sec ou de la roche. Dès lors, les tunneliers n’avaient qu’à trouver le terrain adapté et forer sous la portée du GPR, le mettant ainsi en échec. Autre élément, les tunnels de Ghaza se trouvent à une profondeur qui dépasse les 15 mètres.
Les GPR risquent donc de ne pas être à la hauteur Autre détail, le chantier du mur est réalisé par des ouvriers égyptiens employés par les «Arab contractors» en présence d’ingénieurs étrangers présents sur le site. Une canalisation principale de 10 km prendra l’eau dans la mer et la distribuera à un réseau de tuyaux enterrés tous les 30 à 40 mètres, ce qui constituera une première ligne de «défense» contre les ouvriers des tunnels.
Les tuyaux qui seront enterrés ont des trous et irrigueront régulièrement le sol, ce qui provoquera l’effondrement des tunnels actuels et rendra plus difficile le creusement de nouveaux ; le système aura également une influence néfaste sur le sol du côté palestinien, tandis que le mur d’acier de 30 à 35 mètres de profondeur protègera le sol du côté égyptien de ces effets néfastes.
La Bande de Ghaza, qui est assiégée par l’embargo depuis plus de trois ans, dépend de ces tunnels pour la nourriture, le lait, le combustible et autres marchandises indispensables qui entrent depuis l’Égypte par les tunnels. Ajoutons que l’Égypte bénéficie aussi d’un point de vue économique des activités de ces tunnels.
MERIEM ABDOU
ABOUL-GHEIT :
«l’Égypte est dans son droit»
Le chef de la diplomatie Ahmad Aboul-Gheit a affirmé, dans un entretien publié par l’hebdomadaire Al-Ahram Al-Arabi, que l’Égypte était «dans son droit». Répondant à une question sur les informations faisant état de la construction d’un mur d’acier et du déploiement dans la région frontalière d’équipements américains pour détecter les tunnels, le ministre a affirmé : «Que ce soit un mur ou des sondes, l’essentiel c’est que le territoire égyptien soit protégé.» Beaucoup estiment que ce durcissement politique de l’Égypte qui s’est décidée à mettre fin aux tunnels est dû à des pressions américaines et israéliennes, deux pays qui ont toujours accusé de laxisme les autorités égyptiennes sur la frontière avec Ghaza.
Suite à quoi les États-Unis ont menacé de punir en retranchant 200 millions de dollars de leur aide annuelle à l’Égypte. En 2005, la marine israélienne prévoyait de construire une barrière de sécurité sous-marine autour de Ghaza afin d’empêcher les Palestiniens d’entrer en Israël par la mer. La séparation consistait en un mur de 150 mètres et d’une barrière de 800 mètres allant de la plage jusque dans la Méditerranée se tenant juste sous la surface.
Des détecteurs électroniques devaient révéler tout mouvement sous la barrière et au dessus. Les forces d’occupation comptaient sur les radars et les positions d’observation dans la Bande de Ghaza, cependant ceux-ci allaient être évacués plus tard dans l’année en même temps que les autres colonies et bases militaires. La collaboration égyptienne et américaine avec Israël atteint ici de nouveaux sommets, l’armée américaine et les autorités égyptiennes jouant directement le rôle de sous-traitant de l’occupant israélien.
En 2008, le Congrès a décidé de consacrer 23 millions de dollars à la lutte contre «le trafic des tunnels ».
Le porte-parole du bloc des députés de la confrérie des Frères musulmans Hamdi Hassan a estimé qu’un tel projet servirait avant tout les intérêts d’Israël. «Le Caire, qui a toujours soutenu les mouvements de résistance dans le monde arabe, ne peut pas renier son histoire », a ajouté Hassan. «C’est choquant de réaliser que la vision stratégique de l’Égypte a changé : le danger contre lequel il faut se prémunir n’est plus les Israéliens, mais les Palestiniens», lance à son tour l’écrivain Fahmi Howeidi.
Silence et complicité
Les Oulémas palestiniens ont condamné fortement le silence parfaitement honteux et très lourd des dirigeants et peuples arabes, musulmans, et tous les côtés concernés qui n’agissent pas efficacement et sérieusement face à ces violations continuelles de l’occupation israélienne qui privent les Palestiniens de leur droits légaux.
La Ligue a appelé les Palestiniens, les intellectuels, les personnalités nationales et les leaders dans les territoires palestiniens occupés en 1948 à s’attacher fortement à leurs droits et à faire face à la barbarie des autorités sionistes, en appelant les institutions et organisations des droits de l’Homme à assumer leurs responsabilités et démasquer les violations très flagrantes de l’occupation israélienne.
La grande intrigue est toutefois suscité par le silence des Oulémas d’Al Azhar qui ne se sont pas prononcés encore sur le sujet, étant par contre plus rapide s’agissant du port du voile intégral ou de burka dans les sociétés occidentales. La morale serait-elle ailleurs ?
Pour le million et demi d’Arabes dans la Bande de Ghaza, qui souffrent terriblement, la seule ouverture sur le monde qui ne soit pas contrôlée par Israël est la frontière avec l’Égypte. C’est seulement par-là que peuvent parvenir la nourriture vitale et les médicaments pour les blessés.
Cette frontière fermée au pire moment de l’horreur. L’armée égyptienne a bloqué la seule issue permettant à l’alimentation et aux médicaments d’entrer. Les paroles de Hassan Nasrallah résonnent encore d’un bout à l’autre du monde arabe : Les dirigeants égyptiens sont les complices de ce crime ; ils collaborent avec l’« ennemi sioniste» en tentant de briser le peuple palestinien.
Le mur d’acier sur les frontières entre l’Égypte et Ghaza aura sans nul doute des conséquences honteuses, par ce mur toute une génération de dirigeants arabes -cette génération imprégnée de l’idéologie du nationalisme arabe-, les successeurs de Gamal Abd-Al-Nasser, Hafez Al-Assad et Yasser Arafat, pourrait être balayée de la scène et de la mémoire collective.
TÉMOIGNAGE D’UNE PALESTINIENNE DE GHAZA POUR
le Courrier d’Algérie
Hadji Souad, Palestinienne de la Bande de Ghaza : «Ils assassinent les humains, tuent les animaux, déracinent les arbres, broient la pierre… rien ne subsiste à leurs passage… nous sommes transformés en morts vivants… à chaque lever du jour nous tentons de survivre… les hôpitaux fonctionnent bon gré mal gré avec la bonne volonté des uns et des autres, avec trois fois rien, sans médicaments nécessaires aux soins de base.
Vous savez, j’ai voyagé et j’ai vu le reste du monde vivre à travers ses femmes et ses enfants, il me semble que la vie est une notion qui ne nous concerne plus car le droit à son partage nous a été arraché par la force…
J’interpelle la communauté internationale, j’interpelle les chefs d’ État arabes, j’interpelle les populations et particulièrement celles qui ont vécu l’occupation coloniale pour que tous viennent en aide à la population de Ghaza… mes propos ne peuvent hélas pas être à la mesure de notre souffrance quotidienne et la décrire… nous manquons de tout, de nourriture, de produits essentiels mais aussi de sécurité ; nous savons que de l’ autre côté des barrières l’on nous guette tel des vautours attendant la fin de notre agonie, les prétendues grandes démocraties aux présumées grandes valeurs morales accordent plus de droits à leur chat et à leur chien qu’à nos enfants affamés par leur volonté et par leur diktat injuste, ce que je vois au quotidien me fatigue et me rend lasse.
Nous sommes un peuple dont la souffrance est ignorée. Cependant nous creusons et nous continuerons à creuser allant chercher notre légitimité dans les entrailles de la terre de Palestine, personne ne nous ôtera ce droit, arraché au prix de nos vies et de celles de nos enfants. Si le mur de fer s’enfoncera jusqu’à 30 mètres de profondeur, eh bien nous irons aude- là. Chaque jour nous implorons pour que l’on vienne nous secourir : « aidez nous… aidez nous…» Un appel à l’aide qui s’en va dans un sinistre écho désespéré…»
PRP M. A.