Misère, violence, exploitation des enfants: Pourquoi je travaille…

Misère, violence, exploitation des enfants: Pourquoi je travaille…

Les grands ont déserté le travail, les petits les remplacent… Ainsi les rôles s’inversent! La pauvreté est invisible, mais profonde!

A l’heure actuelle l’on n’arrive toujours pas à cerner le problème. Des enfants livrés à eux-mêmes, le travail des enfants suscite toujours des questionnements. On peut s’interroger à juste titre sur les raisons qui poussent les enfants à travailler. On les voit notamment sur les axes routiers, à l’entrée des centres urbains, au marché, aux parkings. Filles et garçons, de 5 à 17 ans! Ils viennent des quartiers populaires avec des couffins remplis de galette! Mais leur espoir de trouver un coup de main s’estompe rapidement face à la dure réalité de ce qu’ils éprouvent dans le monde du travail. Les enfants exploités inquiètent. Que faut-il faire? Les spécialistes indiquent que cette situation alarmante à laquelle sont exposés nos enfants est le fruit de la décomposition de la société. A la veille du mois sacré du Ramadhan leur nombre a doublé.

Chacun d’entre eux marque son territoire. Ils occupent les grandes ruelles d’Alger. Nous avons l’impression qu’ils n’ont ni domicile ni parents ni papiers. Certains se comportent comme des adultes. A la rue Didouche Mourad de la capitale, on croise quotidiennement ces enfants. Ce sont pratiquement toujours les mêmes visages. Souvent souriants, ils tentent de séduire l’éventuel acheteur par des mots doux. Malgré leur jeune âge et leur statut, ils ont un seul objectif: vendre pour avoir de l’argent et il n’y a que l’argent qui compte. Les enfants rencontrés dans les ruelles de la capitale sont livrés à eux-mêmes, sans défense et rien ne les aide à subsister.

Sauf leur petit commerce. Ils se retrouvent face à leurs faiblesses et leur vulnérabilité qu’ils doivent dépasser par n’importe quel moyen pour survivre. Ils nous ont raconté leurs itinéraires chaotiques. Il est 17 heures passées, les deux fillettes sont toujours dehors, seules et sans aucune protection. Confiantes et innocentes, elles collent aux passants, espérant «écouler» leur marchandise. «J’ai été à l’école, je suis arrivée en retard… Je n’ai rien vendu depuis que je suis là», murmure Mina, cherchant désespérément un regard de consolation chez sa soeur. «On travaille pour pouvoir acheter des médicaments pour notre maman malade», fait savoir la petite sur un ton de fierté.

Un monde cruel

A cet âge-là, elle se sent responsable sur sa propre mère. Sans se poser de questions, elle prend la chose avec simplicité, elle travaille puisque elle doit travailler et c’est tout. «Ici, tout le monde nous connaît, certains sont gentils, ils payent le chewing-gum à 50 DA au lieu de 20 DA.» Plusieurs histoires pour un seul sort qui est «le travail».

Hamid, une autre victime de ce monde cruel, âgé seulement de 14 ans. Il vient de Ras El Oued, un petit village de la wilaya de Bordj Bou Arréridj. Lui ne va pas à l’école. Il passe sa journée dans un petit atelier où l’on fabrique des fauteuils. «Je n’ai pas le choix, je suis l’homme de la famille», j’ai des bouches à nourrir.» Il estime qu’il est chanceux, puisque d’autres ne trouvent pas de travail. En allant d’Alger à Bouira, sur l’autoroute Est-Ouest, on croise une dizaine de vendeurs.

La plupart d’entre eux sont mineurs. Des fraises aux figues? Ils changent leurs marchandises selon les saisons. Houssin, 21 ans, universitaire, occupe une petite place sur l’autoroute et cela dure depuis une dizaine d’années. «Je vends des fruits depuis l’âge de 10 ans. J’ai même commencé la récolte des olives, des figues, des oranges… à 5 ans.» Pour lui, ce n’est pas une honte de travailler et le travail n’a pas d’âge. «Mes parents sont modestes, mon père n’a pas de travail régulier, j’ai quatre soeurs et un frère, qui va travailler pour nous?», lance le jeune homme… Certains enfants nous ont ouvert leur coeur, d’autres ont quitté les lieux, juste à notre arrivée.

Difficile de les aborder, notamment parce qu’ils jugent que le monde leur a tourné le dos. Ils savent qu’ils sont stigmatisés et mal vus. Ils ont peur. Peur d’être dénoncés. Entre parents, irresponsables, absents, en prison, pauvres ou malades… Confondus avec les enfants de la rue et les mendiants ils sont rejetés par la société. Ils passent en général leurs journées dans des conditions épouvantables. La triste réalité de ces enfants, livrés à eux-mêmes, «décore» nos rues! plus inquiétant encore, c’est qu’ils deviennent une proie facile pour toute forme d’exploitation comme la prostitution et les agressions.

Ce fléau est accentué dans les grandes villes qui accueillent ces enfants, non pas dans des écoles, les centres de loisirs ou des salles de sport, mais dans les rues et dans les squares. «Quand un enfant est livré à lui-même, sans surveillance de ses parents, il est facilement récupéré par les réseaux de trafic de drogue, les malfaiteurs, les criminels», indique un officier de la police. Le réseau Wassila, qui lutte pour l’éradication des violences et des discriminations faites aux femmes et aux enfants regrette cette triste situation. «La misère sociale est un monde à lui tout seul, malheureusement, nous ne pouvons pas affronter toutes les difficultés que vit la population».

«Nous nous limitons au domaine de la violence contre les femmes et les enfants, et nous sommes absolument dépassées. Notre rôle est d’écouter et d’informer les victimes de violences, femmes et enfants, de leurs droits, des recours qu’elles peuvent solliciter, des démarches juridiques et administratives qu’elles peuvent entreprendre et nous les soutenons sur le plan psychologique».

Le droit d’une enfance saine se perd.

Le travail des enfants est parmi les problèmes sociopsychologiques qui affectent le plus notre société, selon cette association. «On manque de véritables statistiques, les chiffres restent incertains», regrette le président du Réseau algérien pour la défense des droits de l’enfant, Abderrahmane Arar. Il tire la sonnette d’alarme.

Le président de Nada a, en outre, regretté l’absence de prise en charge et de protection qui compromet alors gravement leur intégration sociale. «La maltraitance, la violence familiale, le divorce, la pauvreté, la non-scolarisation sont parfois les principales causes du travail des enfants et des adolescents», affirme Arar, mettant en évidence l’impérieuse nécessité de la mise au point d’un plan national réfléchi, consacré à la mise en action de mécanismes de prise en charge et de soutien à ces enfants et à leurs parents.

Les parents ne sont pas tous d’accord sur le fait que leurs enfants travaillent. Même s’ils sont dans le besoin, ils n’envoient pas leurs enfant affronter les dangers de la rue. «Si mon fils n’est plus à l’école, je préfère le caser chez un artisan pour apprendre un métier qui lui sera utile à l’âge adulte et lui permettra de vivre dignement, que de le laisser traîner à longueur de journée dans la rue», confie un parent sur son compte Facebook.

Une autre internaute partage le même avis, «Ils sont plus nombreux pendant le Ramadhan, un adolescent qui apprend un métier utile est meilleur qu’un autre qui perd son temps à l’école pour en sortir avec un grand échec». Un autre souligne que les pays développés se sont hissé au premier plan de développement grâce aux métiers des jeunes! «C’est un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur, d’autant plus qu’on est entré dans l’ère du pouvoir de l’argent où ces petits grands hommes font l’objet d’une exploitation de plus en plus abusive», regrette-t-il.