Misère sociale à Oran,Bagarre entre Algériens et migrants africains

Misère sociale à Oran,Bagarre entre Algériens et migrants africains

La scène qui s’est déroulée à Oran, au quartier Akid-Lotfi, pourrait relever d’un banal fait divers et perçue vraisemblablement ainsi, mais à bien y regarder, elle révèle ce qu’il peut y avoir de plus sombre, de plus choquant et d’inquiétant dans la société.

Et pour cause, le rond-point de la station-service du quartier Akid-Lotfi (ex-Fernand-ville) est depuis des années le point de chute de dizaines de manœuvres journaliers venant des quatre coins de la wilaya et même de plus loin, dans l’espoir de dénicher une journée de travail “à la tâche”.

Une sorte de marché d’hommes vendant leur force de travail aux plus offrants et quel que soit le travail, généralement décharger des conteneurs, des camions de matériaux de construction ou encore porter des sacs de ciment. Dès les premières lueurs de l’aube, ces hommes n’ayant aucune qualification, vivant quasiment en marge de la société car beaucoup ont laissé au village ou au douar leur famille, guettent ainsi “le patron” qui viendra choisir deux, trois ou quatre d’entre eux pour gagner une maigre pitance qui ne dépassera pas les 2 000 DA la journée. Une journée qui au mieux ne se répétera pas plusieurs fois dans la semaine. Parfois, il suffit qu’un recruteur arrive pour que son véhicule soit littéralement pris d’assaut. Hier, l’assaut a été donné par un groupe de migrants africains qui sont venus chercher, eux aussi, une journée de tâche comme hommes de peine. Mal leur en a pris puisque des Algériens les agresseront brutalement avant qu’une bagarre n’éclate à coups de blocs de pierre. Les migrants ont été chassés et pourchassés, accusés de venir prendre le gagne-pain des Algériens.

“Ils viennent ici, ils nous bousculent et nous écartent pour prendre nos places ; ils n’ont rien à faire ici, ils doivent partir”, lâche un homme, la trentaine, approuvé par le silence de ses camarades. Au moment des faits, un employeur du jour désapprouve et réagit : “Oui, mais il ne fallait pas leur faire ça ! Allach hgartouhoum”, lâche-t-il. Le cercle des chômeurs et des journaliers s’agrandit et tout le monde se met à parler et tente de justifier la scène ; la tension monte.

Le besoin de travailler pour s’assurer durant quelques jours un minimum vital, du pain, un litre de l’ben ou quelques portions de fromage.

Voilà la seule perspective de ces hommes, alors que pour mettre de côté un peu d’argent pour la famille, il en coûtera des heures de travail.

Les migrants, face à la charge, se sont repliés plus loin, s’agrippant à leurs sacs en plastic renfermant peut-être tous leurs effets. Mais une fois la bataille passée, ils reviendront, car pour eux aussi, il s’agit, au rond-point Akid-Lotfi, de s’assurer de quoi manger, de quoi vivre dans un pays qui devait être une porte de sortie vers un ailleurs plus clément. Ils joueront encore des coudes, se serrant les uns contre les autres, pour faire face, résister et arracher leur journée de tâcheron.

D.