Mise en conformité fiscale volontaire et emprunt obligataire: Le gouvernement face à ses promesses

Mise en conformité fiscale volontaire et emprunt obligataire: Le gouvernement face à ses promesses

La réussite, même relative, de l’emprunt obligataire cache mal l’échec de la mise en conformité fiscale qui laisse posé avec acuité le fléau de l’informel.

Lancé en avril dernier, l’emprunt obligataire pour la croissance a été présenté par beaucoup d’experts et économistes comme étant une opération vouée à l’échec. L’argument phare avancé, est l’absence de confiance entre les citoyens et l’Etat et le déficit en légitimité de l’institution gouvernementale. C’est ainsi que des experts comme Kamel Benkoussa, Ferhat Naït Ali, etc., ont estimé, dans des analyses livrées à la presse, que l’opération n’était pas prometteuse et qu’elle allait conduire le gouvernement dans l’impasse. Néanmoins, après l’entrée en scène du patronat, notamment le FCE, qui a fait une campagne de sensibilisation en faveur de l’opération, la donne a changé et la face semble en phase d’être sauvée. En effet, plus de 461 milliards de dinars ont été déjà collectés selon le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. «Lorsque nous avions sollicité l’aide de nos concitoyens à travers l’emprunt obligataire, nous nous sommes fixés un seuil de 400 milliards de dinars, mais à l’heure où je vous parle, nous avons atteint le montant de 461,72 milliards DA», a-t-il indiqué soulignant que les «612 milliards de dinars» peuvent être atteints dans les quelques semaines qui viennent, compte tenu notamment de l’engagement du FCE à apporter encore 150 milliards de dinars.

Cet exploit, qui a dépassé les prévisions du gouvernement, n’est cependant pas épargné par le scepticisme de certains analystes. Commentant les premiers résultats de cette semaine sur cette opération, Kamel Benkoussa estime que celle-ci est très loin du seuil espéré, car les «gros projets d’infrastructures qui ont été mis en place en Algérie tournent entre 10 ou 15 milliards de dollars.» Autrement dit, les seuils fixés par le gouvernement sont, selon lui, en deçà des besoins, ce qui voudrait dire que le gouvernement, conscient de l’improbabilité de la démarche, a révisé ses ambitions à la baisse.

Pour rappel, en effet, l’Emprunt national pour la croissance économique a été lancé le 17 avril dernier pour une durée de souscription de six mois (avril-octobre 2016) pour financer les grands projets. Pour attirer les grands déposants, notamment les grosses entreprises, bien des mesures alléchantes ont été mises en place pour les personnes physiques, morales, les petites entreprises, les grandes, etc. Des formules aussi diverses que les publics visés ont été mises à la disposition des déposants potentiels. Les obligations sont assorties de deux taux d’intérêt fixés en fonction du délai de remboursement: les obligations de trois ans avec un taux d’intérêt de 5% et celles de cinq ans avec un taux d’intérêt de 5,75%. Les obligations étaient fixées au début de l’opération à 50.000 dinars avant l’introduction en mai dernier de deux nouvelles formules de souscription dont l’une d’une valeur de 10.000 DA destinée aux particuliers et l’autre d’une valeur de 1 million de dinars pour les grands déposants. La souscription, ouverte aux particuliers, aux sociétés, aux établissements financiers et aux organismes publics (caisses de retraites et de sécurité sociale…), se fait au niveau des guichets des banques commerciales, bureaux de poste, compagnies d’assurance et du Trésor public. De plus, plus de 7000 points ont été ouverts à travers le territoire national pour accueillir les souscripteurs. Deux types de souscription ont par ailleurs été proposés: nominative ou anonyme (au porteur) et le paiement est effectué par chèque, cash ou par virement.

Toutes ces mesures, accompagnées par un travail de sensibilisation assez soutenue, ont permis au gouvernement de ramasser plus de 3 milliards de dollars en moins de 4 mois avec la possibilité d’atteindre six milliards de dollars vers fin octobre. Néanmoins, cette relative réussite cache un échec sur lequel on fait volontairement l’impasse: la mise en conformité fiscale volontaire. En effet, cette opération, lancée en grande pompe par l’ex-ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, n’a suscité aucun engouement si bien que, plus de 11 mois après son lancement, moins de 100 milliards de dinars ont été récupérés alors que le montant circulant dans l’informel est estimé officiellement à 1300 milliards de dinars. Il est donc à noter que l’argent de l’informel dont la bancarisation a été le cheval de bataille du gouvernement durant plusieurs mois, reste toujours en dehors du contrôle de l’Etat. C’est pourquoi, face au constat d’échec de cette opération, «nombre d’experts ont plaidé pour une amnistie fiscale sans aucun prélèvement, moyennant une obligation d’investissement d’une grande partie dans le secteur productif en contrepartie de garanties légales». La réussite de l’emprunt obligataire ne doit donc pas voiler l’échec de la mise en conformité fiscale volontaire d’autant plus que cette dernière laisse posé le problème de l’informel qui paralyse l’économie du pays. L’informel est un fléau et il doit être combattu par la mise en conformité fiscale volontaire si possible, par l’amnistie fiscale si nécessaire.