Ali Benflis reste toujours convaincu que le chef de l’État a perdu sa capacité à gouverner. Il a, une fois de plus, soutenu que le pouvoir est vacant et que les centres de décision sont multiples et occultes.
Pour sa première conférence de presse en tant que chef du parti Talaiou El-Hourriyet (Les Avant-gardes des libertés), désormais agréé, l’ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, a fait, hier, montre d’aisance à décrypter la situation politique que traverse le pays, caractérisée, notamment, par les changements spectaculaires que vient d’opérer le président Bouteflika dans le corps puissant du DRS. Lesquels changements ont abouti à la mise à la retraite dimanche du général Toufik. Pour Benflis, ces changements ne doivent pas surprendre outre mesure les observateurs, tant est que “rien n’est jamais clair dans notre pays”. Et pour cause, juge-t-il, les règles du jeu prévalant en la matière dans les pays démocratiques sont loin d’être respectées par le pouvoir qu’incarne Bouteflika. Précisant qu’il n’est plus dans les secrets de l’État depuis qu’il a quitté le gouvernement en mai 2003 pour rejoindre l’opposition, l’ancien chef de gouvernement estime que si dans les pays démocratiques, il existe des “évidences” qui justifient les changements au sommet de l’armée, il n’en est rien dans notre pays où les changements, pas seulement dans les rangs de l’armée, s’opèrent selon “les humeurs et les équilibres au pouvoir, et souvent avec la volonté d’ignorer les lois et les règles du jeu quand elles existent vraiment, chose à laquelle je ne crois pas”.
Aussi, ajoute-t-il, ces changements, allusion à la mise à la retraite du général Mohamed Mediène dit Toufik, décidée par Bouteflika, interviennent “dans le flou total qui donne souvent lieu à des lectures multiples et très approximatives”. “Dans les pays démocratiques, il y a des évidences : la première est que tous les commandements des armées au monde connaissent des changements de façon ordinaire et organisée, cela étant en soi quelque chose de naturel. Le deuxième est que dans tous les pays du monde, ces changements se font selon des critères et des principes bien définis, et le respect de ces règles du jeu évitent de susciter des spéculations. Enfin, dans les pays démocratiques, ces changements sont faits dans la transparence totale et ils sont automatiquement déclarés et, si besoin, justifiés. Ce qui n’est donc pas considéré comme un secret d’État.” Benflis ne manque pas de noter que, dans notre pays, la réalité est tout autre
. “Vous êtes tous au courant que nous sommes gouvernés par un système illégitime ; vous savez tous que le pouvoir est volé au peuple, qu’il est dictatorial, que c’est un pouvoir qui a spolié les droits du peuple…” Benflis se déclare ainsi autant embarrassé que le reste des observateurs, y compris les médias pour pouvoir analyser cette situation empreinte d’opacité. Benflis a néanmoins du mal à croire que les changements qui viennent d’être opérés dans les rangs de l’ANP soient réellement l’œuvre exclusive de Bouteflika, pour s’être quasiment “effacé” de la scène depuis, se rappelle-t-il, au moins 2012. Pour le chef de Talaiou El-Hourriyet, l’État algérien est actuellement otage de la “vacance du pouvoir”. Ce qui a, dénonce-t-il, donné lieu à la multiplication et à l’éparpillement des centres de décision “occultes”. “Depuis le 8 mai 2012, le président de la République ne s’est pas adressé au peuple ; il ne nous exprime plus ses vœux à l’occasion des fêtes (nationales ou religieuses), ni fait sa campagne électorale, encore moins voyagé à l’étranger. Il est malade, que Dieu permette le rétablissement à tous les malades sur terre. Aujourd’hui, nous sommes face à la vacance du pouvoir. Qui gouverne en Algérie ? Nous ne le savons pas. Actuellement, tout le monde s’interroge sur l’identité de qui décide”, a-t-il invité à s’interroger. Benflis craint que les derniers changements, pour le moins inexpliqués et inexplicables, et la vacance du pouvoir se répercutent négativement sur l’ANP qu’il définit comme premier porte-drapeau de l’État et de la République. L’autre sujet abordé par Benflis est relatif à la révision constitutionnelle, qu’il juge “inopportune pour l’heure”. Pour lui, ce projet cher à Bouteflika ne doit pas constituer une priorité pour le pays. “Cette révision est-elle réellement une priorité ? Ce n’est pas une priorité. La priorité est d’édifier un système démocratique. Et le système démocratique amènera la démocratie et la Constitution, et les réformes qui s’imposent”, a-t-il conclu.
F.A.