Sur la côte oranaise, une femme cherche des sardines et trouve… sa liberté. Dans « El’ Sardines », mini-série réalisée par Zoulikha Tahar et coécrite avec la romancière Kaouther Adimi, la quête écologique se double d’un cheminement intérieur, profond, sensible, parfois douloureux.
Diffusée sur Arte.tv depuis le 2 juin (disponible sur YouTube), cette fiction en six épisodes met en scène Zouzou, une ingénieure bio-maritime trentenaire, interprétée avec intensité par Meriem Amiar. Alors que les sardines désertent mystérieusement les eaux algériennes, Zouzou se débat contre une autre absence. Celle de son autonomie, étouffée par les pressions sociales.
Une disparition de sardines, mais pas que : la double enquête de Zouzou
Derrière l’énigme des poissons disparus se cache un récit bien plus personnel. Zouzou, coincée entre un avenir tout tracé par sa famille et ses aspirations scientifiques, reçoit enfin une réponse qu’elle n’attendait plus. Son visa est accepté pour une mission d’un an à Marseille. L’objectif est d’élucider, de manière rigoureuse et scientifique, les raisons de la disparition des sardines des eaux algériennes.

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Mais ce départ tant espéré s’accompagne d’un dilemme intérieur puissant. Annoncer à sa mère, accrochée à ses rêves de mariage, qu’elle part vivre seule sur un bateau. Affronter le désarroi de Warda, sa meilleure amie, recalée au visa pour ce projet qu’elles avaient rêvé ensemble. Et braver les jugements et les moqueries dans un environnement où une femme célibataire à 30 ans reste une anomalie.
« Trente ans et toujours célibataire, ça n’est jamais arrivé dans ma famille… », confie-t-elle dans un moment de vulnérabilité, face à la coiffeuse du quartier, véritable confidente des douleurs ordinaires.
Une famille entre pression et tendresse : la subtilité d’un foyer algérien !
La grande force d’El’ Sardines réside dans sa justesse. La série ne cède jamais à la caricature. Oui, la mère insiste sur le mariage. Oui, le père, incarné par un Rabie Ouadjaout tout en ironie, voit dans la disparition des sardines un complot international post-1982. Mais derrière ces postures, c’est une tendresse maladroite qui affleure. Un amour sincère, exprimé à travers l’incompréhension.
Lors d’une scène clé, en pleine soirée de mariage de sa sœur, Zouzou annonce enfin son départ. La stupeur est totale, la résistance immédiate. Peur du regard des autres. Peur pour sa sécurité. Peur de la solitude. Mais finalement, la famille cède. À contrecœur. Et Zouzou part. Même si le mystère des sardines se résout sans elle. Elle ne revient pas.
Entre documentaire marin et drame social : une réalisation signée Toute Fine (Zoulikha Tahar)
Réalisée par Zoulikha Tahar, également connue sous le nom de Toute Fine, la série oscille entre l’investigation écologique et la chronique sociale douce-amère. La cinéaste, militante féministe et poétesse, déploie un ton hybride, parfois drôle, parfois grave, toujours sincère. En coécrivant le scénario avec Kaouther Adimi, elle ancre le récit dans une Algérie réaliste, entre traditions et fractures générationnelles.
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La présence de Meriem Amiar dans le rôle de Zouzou n’est pas un hasard. Comédienne talentueuse et docteure en biologie marine, elle incarne littéralement son personnage, aussi bien sous l’eau que sur scène. Connue en Algérie pour ses spectacles solos, elle apporte à l’écran une authenticité bouleversante, renforcée par une distribution solide. Lina Boumedine (Warda), Meriem Medjkane (la coiffeuse Nadia), et un casting secondaire qui donne chair aux seconds rôles.
« El’ Sardines » : une série primée, disponible gratuitement et déjà remarquée à l’international
Présentée pour la première fois au Festival Séries Mania 2025, où l’Algérie était représentée pour la première fois, El’ Sardines a reçu une mention spéciale dans la catégorie Formats Courts. Elle a été saluée pour son regard délicat sur les rapports familiaux, les rêves de femmes, et les luttes silencieuses dans une société aux normes rigides.
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En somme, derrière l’humour, les dialogues ciselés et la mise en scène soignée, El’ Sardines raconte le combat intérieur d’une femme qui refuse de se laisser définir par les attentes des autres. Elle trace son propre sillon, quitte à s’éloigner du rivage.