Et si se coucher plus tôt ou repousser la sonnerie de son réveil nous permettait de dégommer quelques kilos superflus ? Trop beau pour être vrai ? Il existe des connexions entre le sommeil et le poids. Enquête.
Six heures cinquante-huit. C’est la durée moyenne que l’on consacre au sommeil par nuit, selon une enquête publiée en mars dernier par l’Institut national du sommeil et de la vigilance. Soit une heure trente de moins qu’il y a cinquante ans. « Les nuits des Français sont de plus en plus courtes. En revanche, leur poids augmente », constate Sylvie Royant-Parola, psychiatre et présidente du Réseau Morphée. Y aurait-il un lien entre la prise de poids et le manque de sommeil ? Nos réponses.
Que sait-on vraiment ?
Il y a quelques années déjà, l’influence du sommeil sur le poids a été démontrée par des chercheurs de l’université de Chicago. Douze sujets en parfaite santé ont été étudiés : un premier groupe a dormi quatre heures par nuit, l’autre dix heures. Et les résultats sont nets : ceux qui dorment peu ont plus d’appétit ! En effet, fatigué, on a plus faim, donc on mange davantage, et ce, dès deux nuits de quatre heures consécutives. Les études de l’université de Chicago ont montré que moins on dort, plus l’indice de masse corporelle est élevé.
Quels sont les mécanismes ?
L’appétit et la faim sont régulés par deux hormones : la ghréline, dopeuse d’appétit, et la leptine, qui régule la satiété. Le manque de sommeil modifie la synthèse des deux, la production de ghréline s’emballe de 28 % et celle de leptine baisse de 18 %. Non seulement on a faim, mais notre appétit est plus difficile à contenter. De plus, le corps peine à rétablir une synthèse normale de ces hormones.
Donc moins on dort, plus on mange ?
Rien que le fait d’être éveillé permet de brûler environ 50 calories. A priori, une bonne nouvelle, mais quand on est en manque de sommeil, le cerveau nous commande de manger. Et là, rien ne va plus ! On se jette sur les confiseries, les gâteaux, les chips… Cette fête du snack correspond à un besoin neurologique : épuisé, le cerveau a besoin de plus de glucose, donc il réclame son shoot régulier de sucre et de gras. L’impact calorifique du manque de sommeil n’est pas encore connu, des études sont en cours.
Quelles sont les autres conséquences du manque de sommeil ?
Fatigués, nous sommes aussi plus sensibles au stress et la production de cortisol (l’hormone qui nous maintient éveillés) s’emballe. « Le stress diminue le temps de sommeil profond, explique Sylvie Royant-Parola, rendant le sommeil plus instable, donc moins réparateur. » Moins on dort, plus on stresse, et plus on stresse, moins on dort. C’est un cercle vicieux !
Pourrait-on en déduire que plus on dort, plus on maigrit ?
Attention, ce n’est pas le peu de sommeil qui fait grossir mais le manque ! La perte de poids n’a rien de proportionnel au temps où l’on dort. Au contraire, clament les scientifiques : trop dormir est aussi mauvais que de ne pas dormir assez ! Des études épidémiologiques montrent que l’insomnie comme l’hypersomnie entraînent une surcharge pondérale.
Quel est le temps de sommeil idéal ?
« Entre sept et dix heures, précise Sylvie Royant-Parola, car la durée change selon les besoins de chacun. » Comment connaître son nombre d’heures optimal ? Le mieux est de faire une moyenne sur deux semaines de repos consécutives, à condition de couper le réveil et de se coucher uniquement lorsqu’on a sommeil. En tenant compte du fait qu’en vacances on dort en moyenne une heure de plus que nécessaire.
Quand doit-on dormir : y a-t-il un créneau horaire spécifique ?
Le sommeil comporte plusieurs cycles qui se répètent quatre à six fois par nuit. D’abord, le sommeil lent léger, qui permet l’éveil et l’endormissement et occupe 50 % du sommeil total. Ensuite, le sommeil lent profond, le plus réparateur, qui dure une centaine de minutes. Enfin, le sommeil paradoxal, qui régule les rêves pendant 25 % de la nuit. « Le plus concerné dans la régulation du poids, c’est le sommeil lent profond, explique Sylvie Royant-Parola, car c’est à ce moment-là que sont régulés le stockage énergétique et la résistance au stress. » En fait, peu importe l’heure à laquelle on s’endort, l’essentiel est de s’endormir et de se réveiller aux mêmes heures tous les jours. Sinon, le sommeil devient moins réparateur et le corps métabolise moins bien les aliments. Privé de repères, l’organisme stresse et stocke davantage.
Et pour ceux qui ont du mal à s’endormir ?
La création d’une sleeping routine (démaquillage, lecture, tisane, bain chaud) une heure avant le coucher conditionne le corps, qui va associer ce rituel à l’endormissement. « La seule plante efficace scientifiquement reconnue est la valériane, souligne Sylvie Royant-Parola. Elle augmente le temps de sommeil profond, mais il en faut une très forte dose : le mieux est de voir avec son médecin. » En revanche, attention aux somnifères, ils perturbent et diminuent le temps de sommeil lent profond.