Le qualifiant de «Père de la démocratie» en Algérie, l’avocat Miloud Brahimi, ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (Ladh), a affirmé ce dimanche matin que le défunt Président lui avait confié que malgré les thèses soutenant le contraire, il n’avait pas été victime d’un coup d’Etat et qu’il avait choisi lui-même de déposer sa démission.
C’est ce qu’a déclaré Miloud Brahimi, ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (Ladh), ce dimanche matin à Chaîne 3 de la Radio nationale. Il a poursuivi : «A un moment, on pensait qu’il avait été débarqué par l’armée. Chadli m’a dit qu’il avait démissionné de son propre chef et que personne ne l’avait obligé à partir […] Je le confirme totalement. Ce qui s’est passé après est venu confirmer la sincérité et la véracité des propos qui m’avaient été tenus par le président Chadli Bendjedid». D’après Me Brahimi, des gens sont allés dire à Chadli qu’il n’y avait aucun risque que le FIS gagne les législatives de décembre 1991 . «Il m’avait dit que lui-même avait essayé de faire en sorte que les élections n’aboutissent pas à la victoire du FIS. Il s’était concerté avec ses collaborateurs et les gens qui tenaient les institutions. Il m’avait dit : «S’il y a le moindre risque que le FIS gagne les élections, je prends sur moi de les différer» […] Les gens qui savaient ce qui se passait n’avaient aucun doute sur l’issue de ces élections, contrairement à ce qui a été dit au Président», a-t-il précisé avant d’ajouter : «C’est quelqu’un qui a toujours assumé sa mission de président de la République, non pas comme un politicien amoureux du pouvoir et prêt à n’importe quoi pour accéder à ce pouvoir mais comme quelqu’un que les circonstances ont placé en avant et qui a fait ce qu’il pouvait faire pour le pays. Et qui, après avoir accompli son devoir, a laissé la place aux autres pour poursuivre les tâches que commandait l’intérêt du pays».Selon Miloud Brahimi, l’histoire retiendra que c’est sous Chadli que les ligues des droits de l’Homme ont été reconnues en Algérie. «Il était extrêmement sensible aux questions des droits de l’Homme. Il a accepté de me recevoir chaque fois que je le lui demandais. Il a donné suite à toutes les doléances que j’ai exprimé. A l’époque, de hautes personnalités n’avaient pas leur passeports, j’ai obtenu que ces documents leur soient donnés […] Je garde le souvenir d’un homme serein, d’un homme qui était à l’écoute de l’opinion publique», a-t-il témoigné.
«C’était le Père de la démocratie»
Il est incontestable selon Miloud Brahimi que Feu Chadli était le «père de la démocratie» en Algérie. Il a cité l’exemple de la Constitution de février 1989 qui avait mis fin au régime du parti unique et introduit le pluralisme politique et syndical. «Le processus démocratique, toujours en cours dans le pays, a été engagé par Chadli Bendjedid. Il était réellement pour la démocratisation de l’Algérie. Les discussions que j’ai eues avec lui ne laissaient aucun doute quant à l’engagement de poursuivre ce processus. Malheureusement, sous son mandat, il y a eu beaucoup de tragédies, comme les événements d’octobre 1988 et la mort de Mohamed Seddik Benyahia, ministre des Affaires étrangères, et, il y a eu l’interruption du processus démocratique après le premier tour des législatives de décembre 1991», a souligné Miloud Brahimi.
«Le premier chef d’Etat à avoir condamné la torture»
Brahimi témoigne que le président Chadli pensait que l’ouverture du champ médiatique ne pouvait être que bien accueillie par la société civile et par l’opinion. «Malheureusement, elle n’a pas été plus loin parce que les médias lourds sont restés fermés et le sont partiellement jusqu’à maintenant», a-t-il appuyé. Sans «la guerre civile» et la violence des années 1990, l’Algérie se serait, d’après lui, démocratisée plus vite. «Les évènements d’octobre 1988 furent une tragédie à laquelle personne ne s’attendait. Je suis contre l’Histoire du complot. Les gens ont parlé de manipulateurs derrière ces évènements. C’est faux. C’était un mouvement d’une jeunesse qui en avait assez, une jeunesse qui espérait autre chose. À la demande de la Ligue des droits de l’Homme, Chadli a procédé à la libération de centaines, pour ne pas dire de milliers, de jeunes qui avaient été arrêtés. Certains avaient été condamnés à de lourdes peines de prison. L’Histoire retiendra aussi qu’il fut le premier chef d’État à avoir condamné publiquement la torture qui a été pratiquée durant les évènements d’octobre 1988 », a estimé, par ailleurs, Miloud Brahimi.
R. N