Écrit par Selma Allane
Le gouvernement algérien a rejeté, hier mercredi, «globalement et dans le détail les assertions» du Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’Homme sur les droits des migrants, le Chilien Felipe Gonzalez Morales, exprimant son «étonnement» du contenu de sa conférence de presse au terme de sa visite à Niamey au Niger.
«Le gouvernement algérien a pris connaissance avec étonnement du contenu de la conférence de presse de M. Felipe Gonzalez Morales, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’Homme sur les droits des migrants au terme de sa visite au Niger», a indiqué le ministère des Affaires étrangères (MAE) dans un communiqué. Le ministère a souligné que le Rapporteur spécial de l’ONU «outrepasse les limites de son mandat» et «prend pour vérités les allégations des personnes reconduites à la frontière pour séjour illégal».
La réaction de l’Algérie est intervenue vingt-quatre heures après les déclarations de M. Morales. Après la diffusion d’un rapport de mission auprès des agences de presse dont l’AFP, ce dernier a appelé Alger «à cesser immédiatement les expulsions de migrants» africains vers le Niger. «J’appelle le gouvernement algérien à cesser immédiatement les expulsions collectives de migrants» africains «vers le Niger», a-t-il écrit, à l’issue de sa mission au Niger qui a duré du 1er au 8 octobre derniers. D’après lui, parmi les migrants reconduits aux frontières, nombre d’entre eux «vivaient et travaillaient depuis plusieurs années en Algérie, où leurs enfants étaient nés et scolarisés». M. Morales a également animé un point de presse.
Le Rapporteur a utilisé des mots très forts, qui expliquent en partie la réaction algérienne : «Les migrants sont raflés à leurs domiciles en pleine nuit», «sans même avoir le temps de s’habiller, de prendre leurs affaires et leurs économies», a-t-il affirmé. Ils sont emmenés dans des postes de police, «battus» puis déportés par bus vers la frontière du Niger, où ils doivent marcher pour rejoindre la ville la plus proche, accuse le rapport qu’il a rendu public. La passe d’armes entre Alger et les Nations unies sur la question des migrants confirme que ce dossier demeure un casse-tête pour la diplomatie algérienne, qui semble avoir cumulé un double handicap : celui d’une mauvaise communication (des responsables algériens de haut rang dont le Premier ministre Ahmed Ouyahia ont accusé les migrants subsahariens d’être des vecteurs d’insécurité et de maladie, celui d’avoir tardé à réagir face à des ONG qui ont surtout pris en compte les témoignages – Alger parle d’«allégations» – des migrants reconduits aux frontières, lesquels témoignages ont été relayés par les réseaux sociaux.
Dialogue de sourds ?
Felipe González Morales occupe le poste de Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants depuis juin 2017 et pour un mandat de trois ans. Ce professeur de droit international n’est pas le premier à avoir tenu un discours aussi critique sur l’Algérie et sa gestion sur la question migratoire. L’OIM a critiqué à plusieurs reprises le traitement des migrants africains par Alger, et notamment ces opérations de rapatriement forcé. Cette perception négative par l’ONU a d’ailleurs incité le chef de la diplomatie Abdelkader Messahel à réagir le 1er octobre dernier devant le comité exécutif du Haut-commissariat aux réfugiés, et plaider pour une meilleure prise en compte de la situation socioéconomique des pays d’accueil. «Il faut que cette réunion concrétise notre engagement à faire face à l’exil forcé tout en prenant en compte les préoccupations réelles et légitimes des pays hôtes», a enjoint le ministre face au HCR. «Cela implique un partage équitable au niveau international quant à l’accueil des réfugiés, leur protection, mais aussi la recherche de solutions durables en leur faveur.» Il semble que le Rapporteur spécial onusien sur les droits des migrants ne l’a pas bien entendu, ce qui a fait dire, hier, à des militants des droits de l’homme dans notre pays que l’Algérie souffre d’un handicap : l’inexistence d’un cadre législatif régissant le droit d’asile. A Genève, Abdelkader Messahel, le 1er octobre dernier, a souligné la tradition d’accueil de son pays. Il a rappelé la présence de 40 000 réfugiés syriens, ainsi que de dizaines de milliers de migrants venus d’Afrique subsaharienne.