En relançant son usine de pneumatiques d’Alger, Michelin Algérie,avait tablé sur une importante croissance de la demande locale. Il n’avait pas prévu que cette croissance profitera surtout aux importations de pneumatiques en provenance de Chine.
En dix ans, le marché algérien des pneumatiques neufs a été multiplié par trois. Entre 2001 et 2010, les importations algériennes sont passées de près de 94 millions de dollars à environ 270 millions de dollars, selon les chiffres disponibles sur le site des Douanes algériennes.
C’est cette fulgurante hausse des importations de pneumatiques qui a poussé le fabricant français, Michelin, à fermer son usine de production en Algérie en octobre prochain et à vendre son enseigne au Groupe Cevital. Ce dernier détient désormais 67% et va s’orienter exclusivement vers l’importation. La croissance du marché algérien des pneumatiques neufs s’explique par la hausse des importations de véhicules, en particulier à partir de 2006. Elle s’est également accompagnée par un profond changement de la configuration des pays fournisseurs en pneumatiques neufs.
Le poids de la Chine sur ce marché, qui représentait moins de 10% des importations en 2001 (9,25 millions $), est passé à près de 43% en 2010 avec un montant de 115,3 millions $. Des pays comme la France et le Japon ont vu leurs parts de marché chuter respectivement de 75% et de près de 50% durant cette même décennie. Ainsi les importations de France sont passées de 17,62 millions $ en 2001 (18,8%) à 11,64 millions $ (4,31%).
Toujours en seconde position des fournisseurs de pneumatiques de l’Algérie, le Japon a vu sa part de marché passer de 31,75% en 2001 (29,77 millions $) à 17,69% en 2010 (47,7 millions $). En plus de la Chine, d’autres pays, comme la Tunisie et la Turquie, ont pu renforcer leurs présences sur ce segment des importations algériennes.
La Tunisie et la Turquie en outsiders
Globalement, sur l’ensemble des gammes de pneumatiques, les importations en provenance de la Tunisie sont passées de 526.800 dollars à 12,67 millions de dollars (soit de 0,56% à 4,7%), et de 3 millions de dollars à 14,8 millions de dollars (soit de 3,27% à 5,49%) pour la Turquie.
L’Algérie importe toutes sortes de pneumatiques neufs, allant des pneus pour véhicules de tourisme à ceux des motocycles, en passant par ceux des camions, autobus et avions. En 2010, sur près de 270 millions de dollars, la part des importations de pneus pour véhicules légers a atteint 83,1 millions de dollars, contre 60,4 millions en 2009, 52 millions en 2008, et 33 millions en 2001. Sur ce segment particulier des pneumatiques de moins de 15 Kg, la Chine représente 47% en 2010 (en valeur), alors que sa part n’était que de 4,11% en 2001.
Cette hausse s’explique entre autres par la disponibilité de véhicules légers chinois sur le marché algérien. A noter qu’en plus des pays cités précédemment, les pneumatiques importés par l’Algérie proviennent également de Pologne, d’Italie, de Corée du Sud, d’Allemagne, de l’Inde, d’Espagne, de République Tchèque, d’Afrique du Sud.
Des exportations en chute libre
Selon les chiffres disponibles sur le site Web des douanes algériennes, les exportations de pneumatiques ont commencé en 2003, avec un montant modeste ne dépassant pas 1,3 million de dollars. Cela coïncidait avec l’entrée en production de l’usine Michelin Algérie. L’exportation de pneus a doublé en 2004, atteignant 2,85 millions $. Deux ans plus tard, le montant des exportations de pneumatiques neufs a été multiplié par six, passant à 18,98 millions de dollars.
Le pic a été atteint en 2007, avec 23,148 millions de dollars. Mais à partir de 2008, la chute des exportations a commencé légèrement (22,67 millions $) avant de s’accentuer en 2009 (12,135 millions $), puis de finir l’année 2010 à 8,5 millions de dollars. Cette baisse s’explique probablement par la hausse grandissante du marché algérien des pneumatiques justifiant de garder une partie de la production de Michelin Algérie. Les exportations de pneumatiques neufs étaient destinées à une dizaine de pays, dont quatre raflaient pratiquement 70%.
Il s’agit principalement des Pays Bas, de la Libye, du Nigeria et des Emirats Arabes Unis. Selon les explications du directeur général de Michelin Algérie, des problèmes de « rentabilité » sont derrière la fermeture de l’usine de Bachdjarrah. Lors de la conférence de presse annonçant la reprise de la société par le Groupe Cevital, de Issad Rebrab, le DG de Michelin Algérie, Igor Zyemit, avait expliqué que « devenue trop petite », l’usine « ne répond plus aux exigences de la compétitivité ». « Elle devrait être dix fois plus grande pour être rentable et le groupe n’est pas en mesure d’investir aujourd’hui dans la construction d’une nouvelle infrastructure dans le contexte économique actuel », avait-il précisé.
Quant aux 600 employés de Michelin Algérie, Issad Rebrab, PDG de Cevital, s’est engagé « reprendre l’ensemble du personnel ». En fait, « une partie sera affectée à l’unité de fabrication de fenêtres qui sera prochainement lancée à Bordj Bou Arreridj » et une autre choisira « les mesures d’accompagnement pour la réalisation d’un projet personnel, aidé par Michelin », selon Igor Zyemit.