«C’est Belhadj et Boutabout qui m’ont donné envie de jouer pour l’Algérie»
Disposé à répondre à nos questions sans détour, Michaël Fabre nous a épatés par sa sincérité et son immense envie de mettre au profit des Fennecs son savoir-faire et son esprit de compétiteur. Sans cacher non plus les moments de doute survenus au cours de sa carrière…
Michaël, merci de nous avoir reçus. Comment vivez-vous ces nombreuses sollicitations des médias, à l’annonce d’une éventuelle sélection avec l’Algérie ?
Très bien. Je suis sollicité pour de bonnes raisons. Même si à ce jour je n’ai pas officiellement été contacté pour rejoindre l’Equipe nationale, je suis très honoré par cet intérêt comme par la venue de Hassan Belhadji, l’entraîneur adjoint chargé des gardiens de but.
Justement, concrètement, vous avez pu vous entretenir avec M. Belhadji ?
Oui, absolument, juste après la rencontre disputée face à Brest, vendredi dernier (défaite 2-1).
Que s’est-il dit au cours de cette entrevue ?
M. Belhadji m’a confirmé que je pouvais constituer un renfort pour l’Equipe nationale, tout en me demandant de poursuivre mes efforts sur cette voie. Il m’a encouragé à fournir toujours ce type de prestations.
C’est donc en bonne voie ?
Inch’Allah. L’équipe d’Algérie, ça ne se refuse pas. C’est un honneur de défendre les couleurs nationales, même si ça peut en surprendre plus d’un venant de la part d’un joueur qui se nomme Michael Fabre…
Expliquez-vous…
Je suis conscient que très peu de monde se doutait de mes origines algériennes avec un tel nom. Pourtant, je suis bel et bien algérien, par mon père et fier de l’être. Je porte le nom de ma mère en raison des difficultés éprouvées par mes parents au moment de leur rencontre. Ils étaient jeunes et ce n’était pas évident pour la famille de ma mère d’accepter les naissances de mon frère, Nicolas (30 ans) et la mienne. C’est pourquoi, pour éviter de compliquer davantage la situation, mes parents ont convenu que je porte le nom de ma mère, d’autant plus qu’ils n’étaient pas mariés.
Cette confidence n’était pas nécessaire pour prouver votre attachement à l’Algérie ?
Je le sais, mais j’estime que les supporters algériens sont en droit de savoir la vérité, même si ce que je vous ai confié reste du ressort de ma vie privée. Je n’ai rien à cacher. Je suis algérien, fier de l’être, je vous le confirme à nouveau.
Le staff technique recherche désespérément un gardien de but de grande valeur. Serez-vous l’homme de la situation ?
Je n’ai pas cette prétention. Je suis simplement prêt à me donner à fond pour mon pays, comme je le fais en club. Je suis très attaché au pays. L’Equipe nationale, c’est un honneur de porter ses couleurs. Personne ne peut y rester insensible.
A 25 ans, estimez-vous être déjà bien paré psychologiquement pour répondre à l’appel des Fennecs ?
C’est certainement dû à l’expérience que j’ai acquise aussi bien au cours de ma formation mais également en Italie.
La famille semble jouer aussi un grand rôle dans votre réussite ?
Absolument, je dirai même qu’elle joue le premier rôle. J’ai la chance d’avoir grandi dans une famille soudée, malgré les difficultés dont je vous ai fait état. Mes parents ont toujours donné le meilleur d’eux-mêmes pour que nous réusissions mon frère et moi. Ce n’était pas évident de quitter mes proches à seulement 12 ans pour intégrer le centre de formation du FC Nantes. Pourtant, ils n’ont pas cessé de m’encourager à le faire.
A l’époque, vous aviez le choix entre Nantes et Saint-Etienne ?
Effectivement, les dirigeants stéphanois furent les premiers à se manifester. Je jouais à l’époque au FC Hyères, un petit club varois. Puis, des émissaires nantais se sont également montrés intéressés. J’ai finalement opté pour les Canaris, parce que la ville était la plus éloignée de chez moi.
Mais vous vouliez fuir l’environnement familial ?
Un peu, dans le but de me concentrer uniquement sur le football. Je souhaitais absolument rendre la pareille à mes parents. Je voulais coûte que coûte réussir afin de les rendre fiers et les remercier pour tous les sacrifices qu’ils ont consentis pour moi. Vous savez, je n’oublierai jamais les nombreux trajets qu’effectuait mon père pour m’emmener m’entraîner à Hyères, ni les efforts de mon frère et ma mère qui restaient au restaurant pour travailler, afin de faire tourner le commerce.
A Nantes, n’avez-vous pas souffert de cet éloignement ?
Un peu, mais j’étais prêt à l’accepter. Je ne voyais mes parents que tous les deux mois. Je suis convaincu que j’ai pu tenir grâce à ma force de caractère propre à tout Algérien. Il fallait absolument que je tienne le coup et que je fasse mes preuves.
C’est ce qui s’est passé à en juger par votre départ pour l’Italie ?
Oui, en quelque sorte. A la fin de mon apprentissage avec le FC Nantes, je m’attendais sincèrement à une proposition des dirigeants en vue de signer mon premier contrat chez les professionnels. J’ai attendu le plus longtemps possible, malgré l’intérêt manifesté par Bologne dès le début. Voyant que Nantes ne souhaitait pas m’enrôler rapidement, j’ai finalement opté pour l’Italie.
…où vous rejoignez un autre Algérien, Mourad Meghni ?
Effectivement, nous étions ensemble à Bologne. Mourad est devenu un très bon ami, d’autant que nous nous sommes également côtoyés au sein des sélections de jeunes en équipe de France.
A Bologne, vous prenez une autre dimension ?
En partie. Je me souviens qu’à mon arrivée, les supporters et les médias me considéraient comme une recrue à part entière. Mon nom figurait sur les rubriques transferts dans les journaux, mais je disposais également de mon propre casier dans les vestiaires avec mes claquettes, mon gel douche aux couleurs du club. C’était une grande fierté à seulement 16 ans.
Pourtant, ce ne fut pas toujours simple en tant que troisième gardien, surtout avec l’immense Pagliuca comme titulaire ?
Tout à fait, mais je ne regrette rien. A ce jour, Bologne reste une étape cruciale dans ma jeune carrière. J’y ai découvert le monde professionnel, le football à l’italienne avec toute sa rigueur, sa discipline et son organisation. C’est un monde que tout joueur professionnel rêve de découvrir.
C’est ce qui vous a ouvert les portes de l’équipe de France des U17 ans ?
En partie, mais j’avais déjà évolué pour les U15 ans. Mon passage à Bologne a renforcé mon expérience. D’autant que nous venions de décrocher le titre de vice-champion d’Europe des U16 ans.
Avec Bologne, vous et Mourad aviez remporté le championnat des U16 ans. Une compétition très relevée en Italie ?
Absolument. Avec les U16 ans de Bologne, nous avions décroché le trophée Allevi qui couronne cette catégorie, ce qui n’était plus arrivé au club depuis 20 ans. Pour y parvenir, nous avions sorti la Juventus en quarts, puis le Milan AC en demi et battu la Roma aux tirs au but, en finale. J’avais stoppé trois tentatives…
A ce moment-là, vous avez dû crouler sous le nombre de sollicitations ?
Figurez-vous que non. Malheureusement, malgré le titre de champion du monde des U17 ans que nous avons remporté à Trinitad et Tobago, avec Mourad Meghni et Hassen Yebda, je n’ai pas eu l’opportunité de poursuivre avec Bologne de manière sereine.
Que s’est-il passé ?
A 18 ans, alors que j’espérais enfin prétendre à un place de numéro deux, l’équipe dirigeante avec Oreste Cinquini à sa tête a été remplacée par de nouveaux décideurs pour qui je ne figurais plus dans leurs plans. J’ai tout de même débuté la nouvelle saison avec eux, avant de résilier mon contrat, deux mois après avoir été pisté par West Ham.
Finalement, vous signez en Angleterre ?
Non, malgré le réel intérêt manifesté par le club anglais, ça n’a pas pu se concrétiser.
Que décidez-vous alors ?
Je n’ai pas eu d’autre choix que de regagner le domicile familial, à Brignolles, où je m’entraîne en solo et donner un coup de main à mes parents dans leur restaurant.
Pas facile à vivre pour un jeune footballeur professionnel?
Et comment ! Je pense que c’est la pire période que j’ai vécue jusqu’à présent. C’est dans ces instants que vous vous rendez compte de l’importance de l’environnement familial. Mes proches ont toujours su se montrer disponibles et rassurants.
Avez-vous effectué des essais durant cette période ?
Oui, à Marseille. Je pensais même pouvoir y signer, malheureusement le club était déjà bien pourvu en termes de gardiens de but.
En France, a-t-on essayé de vous faire payer votre départ en Italie très jeune ?
Certainement, même si je n’en fais pas une affaire personnelle.
Après quatre mois d’inactivité, une issue semble se présenter à vous ?
Oui, la Fiorentina me contacte en janvier 2003 et me propose un contrat de six mois en tant que troisième gardien. J’accepte et je joue le plus souvent avec l’équipe B. Mais ça n’a pas très bien marché là-bas. J’aspirais à mieux et je me suis rendu compte que nous n’étions pas sur la même longueur d’onde avec les dirigeants.
Ce qui n’empêche pas pour autant le sélectionneur des U19 ans (René Girard), de faire appel à vos services en vue de l’Euro ?
Je suis sélectionné en tant que deuxième gardien, mais nous sommes éliminés au premier tour. Cette compétition m’a fait énormément de bien au moral.
Elle a également contribué à vous offrir de nouvelles touches ?
Notamment Monaco et son entraîneur, Didier Deschamps, qui souhaitait vraiment me faire signer en tant que troisième gardien. Mais une nouvelle fois, ça ne s’est pas fait à la dernière minute. J’ai été extrêmement affecté par cette nouvelle désillusion.
Finalement, vous jetez votre dévolu sur Sedan, alors en Ligue 2 ?
Le club ardennais cherchait une doublure à Patrick Regnault. J’ai dit oui ! En trois saisons, je n’ai disputé que six rencontres en Ligue 2, passant le plus clair de mon temps avec l’équipe réserve, en CFA (4e division).
Avec Sedan, vous faites même partie du groupe appelé à disputer la finale de la Coupe France, en 2005 ?
Oui, c’était une belle expérience, même si la suite s’est mal passée.
Expliquez-vous…
La saison suivante, nous sommes montés en Ligue 1. Mais les dirigeants ont jugé bon de ne plus faire appel à mes services. Ils pensaient que je n’avais pas le niveau pour l’élite. Malgré tout, j’ai débuté le championnat avec l’équipe professionnelle, avant de quitter le club en septembre.
A ce moment-là, Clermont-Foot vous engage ?
Les dirigeants cherchaient un remplaçant au gardien titulaire, Anjolras, blessé sérieusement. Je me souviens que le soir de mon arrivée, l’équipe s’était fait écraser par Boulogne (5-2) à domicile. Je m’étais posé des questions, mais au final, j’ai fait le bon choix.
D’autant plus que vous y avez fait sensation au cours de votre première saison ?
En partie, mais le mérite revient à toute l’équipe. J’ai prouvé que j’avais encore ma place en haut de l’affiche.
Huit mois seulement après votre arrivée, le club accède en Ligue 2.
Une belle reconnaissance ?
Nous nous sommes démenés comme des diables pour y arriver. On l’a mérité.
Un sacré pied-de-nez également à vos détracteurs ?
Indirectement, oui, bien que cela m’était égal. La seule priorité, c’était la réussite collective avant mon intérêt personnel. Quand vous ne perdez qu’une seule rencontre en 28 matchs, c’est forcément valorisant, même aux yeux de vos détracteurs….
En 2008, vous manquez d’un rien l’accession en Ligue 1 ?
Nous avions pourtant les moyens et le potentiel pour y parvenir, mais cette cruelle défaite contre Niort nous a coûté très cher. A l’époque, nous étions sur le podium. Mais après cette courte défaite (1-0), nous n’avons pas pu redresser la barre et revenir dans la dernière ligne droite. Finalement, nous avons terminé à une flatteuse cinquième place…
Revenons un moment sur votre passage à Sedan. C’est avec les Sangliers (surnom des Sedanais) que vous avez fait la connaissance de l’équipe d’Algérie ?
Oui, vous faites allusion à ma rencontre avec Nadir Belhadj et Mansour Boutabout, mes deux coéquipiers de l’époque.
Tout à fait, ce sont eux qui vous ont fait découvrir les Verts et l’atmosphère qui régnait autour de l’Equipe nationale ?
Absolument. Quand ils revenaient des stages et des matchs disputés avec l’Equipe nationale, j’étais toujours très friand de leurs récits et des anecdotes, comme celles relatives à l’ambiance fabuleuse des supporters ou encore aux séjours africains…
Cela vous a-t-il donné l’envie de rejoindre les Verts ?
Absolument ! Mais à l’époque, je ne pouvais y prétendre, pour la simple et bonne raison que je ne m’estimais pas assez fort en tant que gardien remplaçant à Sedan, pour prétendre faire partie de l’Equipe nationale. J’ai toujours été très attaché à rester respectueux et honnête avec moi-même.
Aujourd’hui, cette sélection, vous en rêvez ?
J’aime mon pays et je suis fan de l’Equipe nationale. Je vous l’ai déjà dit, l’Equipe nationale ne se refuse pas. J’y ai tout à prouver. Forcément, je serais fier de défendre les couleurs du pays…. Pour l’Algérie, j’irai au feu.
Merci Michaël de votre accueil.
Merci à vous également.