Longtemps considéré utopique, le projet du métro d’Alger est sorti du tunnel avec l’entrée en exploitation commerciale d’une première ligne reliant la Grande-Poste au quartier Haï El Badr sur 9,5 km de longueur et comportant dix stations. Plus de 80 ans après la préconisation en 1929 de la création d’une ligne de métro à Alger, le projet se concrétise avec l’inauguration officielle, le 31 octobre dernier, de cette première ligne par le président Bouteflika, et sa mise en service commerciale le 1er novembre 2011.
Une réalisation d’envergure qui va transformer de façon profonde et irréversible les transports dans la capitale, avait alors estimé le ministre des Transport, Amar Tou. Depuis l’inauguration de la première ligne, il y a 9 mois, le métro a transporté plus de 9 millions de voyageurs. C’est dire l’importance de ce nouveau mode de transport pour les usagers, toutes catégories confondues (travailleurs, étudiants, lycéens, familles…) dont il a déjà changé les habitudes.
UNE BOUFFÉE D’OXYGÈNE POUR LES ALGÉROIS
Alger étant constamment asphyxiée par un parc automobile de plus de 1,5 million de voitures, la mise en service du métro représente une énorme bouffée d’oxygène pour les Algérois. Il est reconnu que le métro est un moyen de transport collectif aux avantages considérables en matière de gain de temps, de respect de l’environnement, de sécurité et de confort. L’exploitation commerciale de la première ligne du métro a ainsi sonné la fin du calvaire quotidien des algérois dans les embouteillages.
La croissance démographique soutenue de la capitale depuis plusieurs décennies, associée à l’absence d’investissement en matière de transport en commun, ont généré et continuent à engendrer une forte demande de mobilité, essentiellement satisfaite par un usage accru de la voiture. Depuis la fin des années 1980, le paysage des transports en commun dans les villes algériennes, particulièrement à Alger, a connu un déclin sensible, ce qui a conduit à une progression rapide du parc automobile, provoquant une congestion chronique des principaux axes et points d’échanges, des temps de déplacements disproportionnés et des accidents de la circulation fréquents.
L’afflux des populations rurales dans les villes, le développement de la motorisation, tous ces facteurs ont placé la création d’une ligne de métro au premier rang des préoccupations nationales et ont permis de réunir les financements importants nécessaires à cette réalisation. La logique d’émergence et de développement du métro se constitue donc sur un fond de déclin rapide des transports collectifs. Les promoteurs du métro font valoir trois arguments essentiels: améliorer les conditions de transport des personnes par une diminution globale des temps de parcours et par une augmentation du confort pour les usagers des transports individuels et pour ceux des transports en commun, favoriser une meilleure organisation de l’agglomération algéroise, intégrer au maximum la fonction « transport en commun » avec les autres fonctions de la ville, en lui donnant un caractère attractif qui, seul, permettra un transfert notable des usagers de l’automobile vers le transport collectif.
LES PÉRIPÉTIES D’UN PROJET VIEUX DE PLUS DE 80 ANS
Le premier projet du métro d’Alger date de 1928, l’Algérie est alors sous administration française. Une étude publiée en 1929, préconisait la construction d’une ligne de métro qui devait partir du cimetière de Saint-Eugène, dans l’actuelle commune de Bologhine et aboutir à Maison Carrée dans l’actuelle commune d’El Harrach. Mais, le projet ne verra jamais le jour à cause de l’importance de la dépense. En 1959, une nouvelle étude préconisait à nouveau la création d’une ligne du même type que le métro sur pneus exploité à Paris, mais avec un tracé nouveau. Le projet actuel du métro d’Alger est lancé à la fin des années 1970. Une première étude de réactualisation du projet est réalisée en 1980 et d’autres études techniques sont menées entre 1982 et 1985. Entre temps, l’Entreprise du métro d’Alger, chargée de la réalisation du projet, est créée en 1984.
Cependant, la chute des prix du pétrole et les difficultés sécuritaires auxquelles fera face le pays pendant de nombreuses années, retarderont la réalisation du projet. Mais, l’année 2003 va constituer pour le projet du métro, une date charnière. Le financement des transports publics dans toutes les villes algériennes voit ses perspectives se retourner dans un sens favorable. Profitant de l’embellie financière, le gouvernement algérien décide de doter le projet des ressources financières nécessaires à sa concrétisation. En 2006, l’EMA confie la réalisation du système intégral (clé en main) à un groupement d’entreprises étrangères et le 8 septembre 2011, débute la marche à blanc du métro d’Alger. Avec la mise en service de la première ligne, une étape est franchie.
FAIRE DU MÉTRO LE NOYAU D’UN RÉSEAU D’AGGLOMÉRATION
Pour faire accéder le réseau des transports en commun au niveau d’un véritable réseau d’agglomération et permettre au métro de jouer un rôle déterminant, des extensions ont été prévues. Le réseau du métro évoluera, ainsi, pour proposer aux usagers une offre cohérente et efficace de transport public. Actuellement, trois extensions de la ligne 1 sont en cours de construction. Il s’agit de l’extension Grande-Poste vers la place des Martyrs, d’une longueur de 1,69 km, de l’extension Hai El Badr vers Aïn Naâdja sur une distance de 3,7 km et d’un autre prolongement de Hai El Badr vers El Harrach, d’une longueur de 4 km. Les travaux du premier prolongement (Grande Poste -place des Martyrs) ont été retardés afin de procéder à des fouilles archéologiques autour de la place des Martyrs suite à la découverte de vestiges historiques.
Pour ce qui est de l’extension allant de la station Hai El Badr vers El Harrach, cette dernière est en construction depuis 2008 et sera mise en service vers fin 2014. L’EMA avait lancé en novembre dernier un avis d’appel d’offres national et international pour la réalisation des études préliminaires relatives aux extensions de la ligne 1du métro d’Alger, d’El-Harrach centre-Bab Ezzouar, Aïn Naâdja-Baraki et Place des martyrs-Bab El Oued- Chevalley. Dans le cadre de la modernisation et du renforcement des moyens de transport urbain à Alger et ses environs, et la prise en charge des préoccupations de la population algéroise, une autre extension plus importante est programmée pour le métro d’Alger en vue de former un réseau dense.
Il s’agit de l’extension Chevalley-Dély Ibrahim- Chéraga-Ouled Fayet-El Achour-Draria de 14 km de longueur et qui comprendra 14 stations. La création d’un réseau de métro algérien est proposée dans le cadre d’un programme de transports publics conséquent élaboré pour assurer une réelle alternative à l’usage de la voiture, en garantissant une offre de transport complète avec des relais entre téléphérique, métro, tramway et transport par bus. Des dessertes par autobus, téléphériques des quartiers les plus excentrés de la capitale, sont prévues au niveau des différentes stations multimodales construites avec la réalisation des deux projets phares de la capitale, tramway et métro.
BIENTÔT 17 KILOMÈTRES DE DESSERTES
Le réseau du métro d’Alger atteindra en 2016 un linéaire de 17 km pour garantir aux usagers une offre de transport public efficace avec la mise en service commerciale des trois extensions de la ligne 1, actuellement en cours de construction, a indiqué le P-DG de l’Entreprise du métro d’Alger (EMA), Aomar Hadbi. « En 2016, on aura un réseau de 17 km qui va desservir la zone populeuse de Bachdjarah, El Harrach, Aïn Naâdja, Alger et place des Martyrs », a-t-il affirmé dans un entretien avec l’APS. Une première ligne reliant la Grande-Poste au quartier Haï El Badr sur 9,5 km de longueur et comportant dix stations, a été inaugurée le 31 octobre dernier. Selon le premier responsable de l’EMA, les trois extensions de la ligne 1 du métro d’Alger, Grande-Poste vers la place des Martyrs, Hai El Badr vers Aïn Naâdja et Hai El Badr vers El Harrach, entreront toutes en exploitation commerciale avant fin 2016.
TROIS EXTENSIONS AVANT FIN 2016
Les travaux de génie civil de l’extension allant de la station Hai El Badr vers El Harrach sur 4 km de longueur et comprenant 4 stations, sont ainsi achevés, a-t-il fait savoir, relevant que la mise en service commerciale de ce prolongement est prévue pour le dernier trimestre 2014.
Le taux d’avancement des travaux de l’extension Hai el Badr-Aïn Naâdja sur 3,6 km avec 2 stations est de seulement 10%, a-t-il ajouté, estimant toutefois que les travaux de génie civil prendront fin en janvier 2014, alors que la mise en service n’interviendra que deux ans après, autrement dit en janvier 2016. Pour ce qui est de l’extension Grande poste-Place des martyrs sur 1,69 km pour 2 stations, le P-DG de l’EMA a reconnu que les travaux se sont prolongés en raison des fouilles archéologiques menées autour de la place des Martyrs suite à la découverte de vestiges historiques. « Ce tronçon est très difficile. Nous sommes entièrement en sous terrain », a-t-il avoué, soulignant, toutefois, que le taux d’avancement des travaux de génie civil est actuellement de 40%. « Ces travaux devront prendre fin en avril 2014 et la mise en service est prévue pour avril 2016. Nous avons décidé de revoir la conception et on a prévu une station musée sur cette extension », a-t-il encore indiqué. Les études d’avant-projet détaillé (APD) des extensions d’El-Harrach centre-Bab Ezzouar, Aïn Naâdja-Baraki et place des Martyrs-Bab El Oued-Chevalley, commenceront prochainement, a-t-il poursuivi.
En outre, les offres des soumissionnaires pour la réalisation des études préliminaires relatives aux extensions de la première ligne du métro d’Alger vers les quartiers ouest de la capitale « sont en cours d’évaluation ». L’EMA avait lancé en février dernier un avis d’appel d’offres national et international restreint pour la réalisation des études d’avant-projet sommaire (APS) et avant-projet détaillé (APD) de l’extension : Chevalley-Dely Ibrahim- Chéraga-Ouled Fayet-El Achour-Draria sur 14 km de longueur et qui comprendra 14 stations. Aomar a annoncé, par ailleurs, que les cahiers de charges pour la mise en place des espaces commerciaux en vue d’améliorer l’attractivité de ce moyen de transport collectif et l’introduction de la publicité, » sont prêts ». « Nous comptons lancer prochainement les appels d’offres pour introduire ces services », a-t-il affirmé.
UNE RÉALISATION À METTRE À L’ACTIF DE L’ALGÉRIE INDÉPENDANTE
Les négociations avec les trois opérateurs de téléphonie mobile pour offrir l’accès à ce service aux usagers du métro se poursuivent toujours, selon le premier responsable de l’EMA qui a relevé l’existence de problèmes techniques relatifs à l’équipement qui devrait être installé pour assurer une telle offre. Réaffirmant sa satisfaction de la mise en service de la première ligne du métro d’Alger, le P-DG de l’EMA a souligné que cette étape est « une réalisation à mettre à l’actif de l’Algérie indépendante ». Ce nouveau mode de transport a suscité un réel engouement auprès de la population, a-t-il relevé, précisant que le métro a transporté plus de 9 millions de voyageurs depuis son inauguration en novembre 2011 jusqu’à fin juillet dernier. Il a relevé, à ce titre, que la fréquentation qui était en moyenne de 40 000 à 45 000/jour a augmenté de 39% depuis la mise en service du 2e tronçon du tramway d’Alger (les Bannaniers-Les Fusillés) le 15 juin dernier.
Il a tenu à faire remarquer qu’ »aucun acte de vandalisme n’a été enregistré », depuis la mise en service du métro et que « la population a adopté ce nouveau mode de transport et en prend soin ». Il a fait savoir, par ailleurs, que malgré le « franc succès » qu’a connu le métro auprès de la population algéroise, les abonnements ne décollent pas. « À l’heure actuelle, nous ne comptons que 3 000 abonnés, ce qui est en deçà de nos espérances. Les carnets à 10 tickets sont les plus prisés. Notre objectif est de fidéliser 70% de nos usagers avec des abonnements périodiques grâce aux cartes sans contact que nous leur proposons », a-t-il souligné. Selon le P-DG de l’EMA, l’entreprise est entrée en négociation avec l’Office national des oeuvres universitaires (ONOU) pour l’établissement de cartes d’abonnement au profit des étudiants, et poursuit les discussions avec certains grands employeurs pour la conclusion de conventions au profit de leurs employés, citant à titre d’exemple la DGSN. Depuis son lancement le métro d’Alger n’a pas connu de problèmes majeurs.
L’interruption du trafic du métro d’Alger, à trois reprises depuis sa mise en service le 1er novembre dernier, est due à une coupure en alimentation électrique, a assuré le premier responsable de l’EMA. « Aucun incident majeur n’est à déplorer », a-t-il affirmé. « Il faut savoir que la ligne 1 du métro est alimentée par deux postes électriques de haute tension à partir des centrales du Hamma et de Kouba. Malheureusement, les deux sources d’énergie sont tombées en panne en même temps, ce qui est rare. Cependant, les groupes électrogènes de secours prévus pour la circonstance, ont bien fonctionné et ont permis l’évacuation des passagers en toute sécurité. Ces groupes sont prévus pour assurer l’éclairage et la ventilation en cas de pannes de ce genre, mais ne peuvent pas faire circuler les rames », a-t-il expliqué.
ORAN LANCERA LES TRAVAUX DE SON MÉTRO EN 2014
S’agissant du métro d’Oran dont les études préliminaires ont été lancées en septembre 2011, M. Hadbi a indiqué que la commission de suivi et de pilotage de l’étude de ce projet, qui regroupe des représentants de divers secteurs et opérateurs, a émis quelques réserves techniques sur le tracé du projet. « Les travaux de réalisation devront être lancés au 2e semestre 2014, mais l’enveloppe financière nécessaire n’a pas encore été débloquée », a-t-il encore fait savoir. Le métro d’Oran est d’un linéaire de 17 km et comprendra 20 stations.