C’est une véritable mise au point qu’ont apportée, hier, au forum d’El Moudjahid, les représentants du ministère de la Culture et de l’Entreprise Métro d’Alger (EMA) pour mettre fin à toutes les rumeurs portées par des voix qui s’érigent en défenseurs de la Casbah (classée patrimoine mondial) et qui crient au danger que peuvent engendrer les travaux de réalisation
de la deuxième extension du métro d’Alger, reliant la Grande Poste à la place des Martyrs. Ils ont été formels: la ligne est sans danger pour le patrimoine urbanistique et archéologique. Décidément le métro d’Alger n’en finit pas de susciter à tort la polémique. Et s’il a fait le bonheur des Algérois qui ont découvert un nouveau moyen de transport (le nombre de passagers en dit long sur leur engouement), il se trouve que des voix se sont élevées dernièrement pour instaurer un climat de psychose et faire croire aux habitants que les travaux d’extension de la ligne Grande Poste-place des Martyrs constituent une menace pour les quartiers qu’elle traverse. Au même moment, d’autres ont crié au scandale, et ont fait croire que notre patrimoine culturel est mis en péril par la faute du métro. Pour rassurer les uns et autres, le forum d’El Moudjahid a accueilli hier M. Mohamed Tayeb Haouchine, directeur des infrastructures Métro, M.Abdelouahab Zekagh, directeur de l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels, et M. Kamel Stiti, archéologue du CNRA, chef du projet des fouilles archéologiques effectuées au niveau de la place des Martyrs. Les trois conférenciers ont été unanimes à écarter d’un revers de la main tout danger sur le patrimoine urbanistique et archéologique environnant. Pour M. Zekagh, qui a présenté une conférence didactique accompagnée d’une projection de 26 minutes, où il était possible de suivre toutes les opérations de fouilles opérées au niveau de la place des Martyrs. Pour la première fois, deux secteurs ont réussi à travailler en étroite collaboration et ont réussi à concilier développement et histoire. En effet, le ministère de la Culture et le département des Transports ont réussi à s’entendre pour que les travaux de réalisation du métro d’Alger soient adaptés à la nature du site qui renferme des vestiges archéologiques deux fois millénaire. C’est ainsi qu’il a été décidé de joindre l’utile à l’agréable. Il a donc été convenu de réaliser une station-musée. Comme cela se fait dans des capitales européennes, à l’image de Rome et d’Athènes. Pour cela, des études minutieuses du sol et des sondages archéologiques approfondis ont été réalisés avant le lancement des travaux dont le coût est évalué à plus de 15 milliards de dinars algériens et dont l’état d’avancement a atteint les 30%. En réponse à ceux qui croient que le métro d’Alger passe sous la mosquée Ketchaoua, M. Zekagh dira qu’«ils sont en retard de deux guerres». Il n’y a aucun danger pour les structures qui se trouvent sur le sol. Rien ne sera sacrifié, a-t-il rappelé à maintes reprises, tout en soulignant : «Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un secteur sauvegardé. Il n’y a que des experts ou spécialistes en la matière qui sont habilités à s’exprimer sur la question». Surtout que tout ce qui touche à la Casbah se fait sous le regard vigilant de l’UNESCO, qui a classé ce site patrimoine mondial. La station place des Martyrs ouverte en 2015 La station-musée de la place des Martyrs sera ouverte, selon les prévisions de l’entreprise Métro Alger, en 2015. Selon M. Haouchine, la modification de la con- ception de la station de la place des Martyrs, prévue initialement à ciel ouvert, en une station souterraine et sa transformation en une «station-musée», n’a pas entraîné un surcoût ni retard dans les délais de réalisation. Au contraire les chiffres ont été revus à la baisse. En revanche, l’entreprise a décidé de creuser à une profondeur de 34 mètres au lieu de 19. Quant à un éventuel danger sur les habitations, M. Haouchine a exclu toute menace. «Nous avons, en collaboration avec les services du CTC, opéré une opération d’auscultation des immeubles situés sur la ligne s’étalant sur 1, 700 km. Et même si nous écartons toutes menaces, nos chantiers sont couverts par une assurance. Et s’il y a un problème, notre assureur peut intervenir. Mais nous avons une idée sur l’état initial des habitations en surface. M. Haouchine a également expliqué que les méthodes de réalisation prennent en considération les aspects géographiques et archéologiques du sol. L’orateur a également indiqué que l’entreprise qui travaille selon les normes internationales a mis en place un dispositif pour absorber les vibrations de la circulation plus tard des wagons du métro. A cinq mètres de profondeur, vingt siècles d’histoire De son côté le jeune archéologue Kamel Stiti préfère parler de sondages archéologiques et non de fouilles. A cinq mètres de profondeur de la place des Martyrs,vingt siècles de l’histoire d’Alger nous contemplent. C’est avec grande fierté qu’il parle des trouvailles de cette équipe algéro-française que des millions de passagers pourront découvrir et apprécier. Les différents sondages ont permis de découvrir tout le quartier commer- cial ottoman à environ deux mètres de profondeur, toute la strate du quartier médiéval entre trois et quatre mètres, une basilique intacte de l’époque romaine tardive (Ve siècle après Jésus-Christ), des structures romaines primitives à plus de sept mètres, des structures phéniciennes sur le Rocher Bleu. Des tombes, une citerne d’eau, des cendres et un atelier de ferronnerie ont également été mis au jour. La deuxième fouille a révélé des résidences ottomanes, des vestiges romains, le Rocher Bleu. Seuls les Berbères se sont implantés loin de la mer. À noter que les fouilles ont été menées dans le cadre de la coopération avec l’institut français INRAP, spécialisé dans les travaux de fouilles d’urgence. Selon M. Stiti, les niveaux les plus profonds de la place des Martyrs laissent espérer la découverte de vestiges de l’époque punique, voire des vestiges proto et préhistoriques. Nora Chergui Un partenariat exemplaire Conscientes des conséquences de ce projet urbain sur les vestiges archéologiques, les autorités algériennes ont suscité la mise en œuvre d’une opération d’archéologie préventive, sans précédent en Algérie. Elle est assurée par le ministère de la Culture algérien en collaboration avec le ministère des Transports, en partenariat avec l’Institut national de recherches archéologiques préventives français, sous l’égide du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco. L’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés (ogebc) et l’Entreprise du métro d’Alger (ema) ont apporté leur concours matériel. L’intervention est réalisée par une équipe franco-algérienne d’archéologues qui mettent en commun leurs compétences et leur savoir-faire et relèvent de plusieurs institutions agissant de concert : ministère de la Culture, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, le Centre national de la recherche archéologique, la Direction de la culture de la wilaya d’Alger, l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés. Restauration de la casbah En attendant la promulgation du décret exécutif Le directeur de l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels, M.Abdelouahab Zekagh, a indiqué, hier, que le décret exécutif de mise en œuvre du plan de restauration de la Casbah n’a pas encore été promulgué. Il faut dire que ce texte aura force de loi auprès de toutes les parties concernées par les travaux de restauration, y compris les propriétaires qui doivent répondre aux offres de l’Etat. Selon M. Zekagh, les propriétaires intéressés pourront bénéficier d’une aide de l’Etat pouvant atteindre 80%. L’Etat est également preneur pour ceux qui veulent vendre.