Jean-François Daguzan, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, se dit « perplexe » face à l’allongement par la France de la liste des zones à risque, après la mise à l’index par les Etats-Unis de 14 pays jugés sensibles.
Emboîtant le pas aux Etats-Unis, la France a annoncé, mercredi 6 janvier, un allongement de la liste des zones à risque de sept à trente pays. « Je suis perplexe, je ne vois pas ce que cette mesure peut apporter de plus », commente Jean-François Daguzan, maître de recherche pour la Fondation pour la recherche stratégique et auteur de « Terrorisme(s), abrégé d’une violence qui dure » (CNRS Editions, 2006).
« Le système de lutte contre le terrorisme est bien meilleur en France qu’aux Etats-Unis. Pour preuve, aucun réel attentat n’a été commis sur le sol français depuis ceux du GIA en 1995. La machine à démanteler les réseaux fonctionne bien grâce à une architecture judiciaire et policière efficace. Est-ce un effet d’annonce par rapport à la décision américaine ? », s’interroge-t-il. Après l’attentat raté du vol Amsterdam-Detroit le 25 décembre, les Etats-Unis ont en effet exigé des contrôles de sécurité supplémentaires aux aéroports pour les passagers venant de 14 pays jugés sensibles.
Une décision en porte-à-faux avec le discours du Caire
Plusieurs Etats « black-listés », notamment le Nigeria, Cuba, la Syrie et l’Algérie, protestent d’ores et déjà contre des mesures jugées discriminatoires. « La question que se posent les Etats-Unis est ‘quelle part de désagrément pouvons-nous nous autoriser ?’ », souligne Jean-François Daguzan. « Les électeurs de Barack Obama ne sont pas les pays arabes. Il préfère donc se mettre en porte-à-faux par rapport à son discours du Caire, dans lequel il avait tendu la main aux pays musulmans », analyse-t-il.
Par ailleurs, explique-t-il, « il existe aux Etats-Unis une tradition de désignation individuelle qui remonte à la guerre froide. Il était alors interdit de travailler avec certaines entreprises. »
Une réponse « symbolique »
Mais la liste américaine n’est « pas adaptée à la réalité », selon lui. « Il s’agit avant tout d’apporter une réponse visible et symbolique à une opinion mécontente. » Pourquoi ne pas alors miser sur une coopération internationale pour lutter efficacement contre le terrorisme ? « La coopération existe, mais dans un seul sens. Les Etats européens aident les Etats-Unis. Eux n’arrivent déjà pas à coordonner leurs différents services de renseignement, alors collaborer avec d’autres pays… », indique le chercheur.
Jean-François Daguzan met en garde : « On est dans une course-poursuite dans la sécurité. Les terroristes s’adaptent vite. »
(Bérénice Rocfort-Giovanni– Nouvelobs)