Paris «explique» le texte de Mohammed VI à Bouteflika et évoque les «blocages» à lever pour un Maghreb «intégré et prospère» dans le contexte du «printemps arabe». C’est un appui à Rabat et un quasi-reproche qui est fait à l’Algérie. L’intrusion de Paris dans la relation algéro-marocaine, qui tente de reprendre laborieusement, risque d’être, une fois de plus, contre-productive.
Quand Mohammed VI a annon cé ses «réformes», Paris a salué de manière enthousiaste un immense progrès. Quand le référendum a donné des résultats «oui» proches de 100%, Paris n’était pas loin de l’exaltation avec un communiqué du président français, Nicolas Sarkozy, saluant un «processus exemplaire» et invitant Rabat à se joindre au «partenariat de Deauville», lancé par le G8 en direction des pays arabes en «transition».
Hier, le ministère français des Affaires étrangères ne s’est pas retenu de dire son enthousiasme pour le message de Mohammed VI adressé au président Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de la fête de l’Indépendance algérienne. A croire que la diplomatie française fait désormais partie de la presse du Makhzen chargée de décoder et d’expliquer ce qu’il faut comprendre de la parole royale.
Il est presque certain que ce commentaire français sur une lettre du roi du Maroc portant sur les relations entre l’Algérie et le Maroc ne va guère être apprécié à Alger. Même si, effectivement, les relations de la France avec les deux pays en question sont «étroites et denses », tous les diplomates en place à Alger ou à Rabat savent que Paris n’a pas de rôle à jouer dans l’amélioration des relations algéro-marocaines.
Son positionnement en faveur du Maroc étant établi et franchement assumé, le gouvernement français ne peut prétendre à un rôle quelconque de facilitateur. En se «félicitant» de la détermination proclamée par le roi du Maroc à surmonter les obstacles avec l’Algérie, le porteparole du Quai d’Orsay ne fait pas une déclaration anodine.
Il exprime clairement un soutien, qui peut aussi être interprété à Alger comme une pression et une accusation implicite d’être la source des blocages. «Nous nous réjouissons de cette annonce forte visant au rapprochement entre l’Algérie et le Maroc, deux pays avec lesquels la France entretient des relations particulièrement étroites et denses», a en effet déclaré un porte-parole du Quai d’Orsay, Romain Nadal.
«La persistance de blocages dans cette relation bilatérale constitue un obstacle à la construction d’un Maghreb intégré et prospère, que nous appelons de nos voeux et qui représente un objectif d’autant plus important dans le contexte du «printemps des peuples arabes», a-t-il ajouté.
LE «PRINTEMPS DES PEUPLES» INVOQUÉ
S’agissant des «blocages» et de leur origine – l’affaire du Sahara Occidental -, tout un chacun sait que Paris et Rabat sont sur la même longueur d’onde.
La France a usé de sa position au Conseil de sécurité pour éviter une application des résolutions de l’Onu sur l’autodétermination ; elle mène campagne désormais pour faire avaliser le projet d’autonomie marocain comme substitut à l’autodétermination.
Paris, comme Rabat, considère que l’Algérie fait «obstacle» à la solution «souhaitée». L’appréciation que fait Paris de la lettre de Mohammed VI au président Abdelaziz Bouteflika est entièrement marquée par cette évaluation de «l’obstacle ». Elle n’a rien de neutre.
La diplomatie algérienne ne va guère apprécier. Et même si elle évite de se prononcer sur l’exégèse passionnée de Paris au sujet de la lettre royale, elle devrait trouver des canaux pour signifier une position classique de refus de toute intermédiaire dans sa relation avec le Maroc.
On peut même penser que s’il existe des points de vue différents au sein du régime algérien au sujet de l’appel de Mohammed VI, la sortie publique du Quai d’Orsay sera plutôt contre-productive. Quant à la référence à un Maghreb «intégré et prospère» dans le contexte du «printemps des peuples arabes», cela sonne creux. Et pas seulement pour le gouvernement algérien.
Une grande partie de l’opinion algérienne considère que l’intrusion militaire de Paris et de l’Otan en Libye est en train de dénaturer le «printemps arabe». Et cette invocation tombe mal à propos.
Salem Ferdi