Avant-hier, et pour le plus grand bonheur de tous les fans des Verts, Djamel Mesbah a été pour la quatrième fois titularisé avec le grand Milan face à Udinese et cela depuis son arrivée au mercato.
Toujours le même, très humble, coopératif et faisant preuve d’une grande gentillesse, l’international algérien a bien voulu nous accorder hier dans l’après-midi cette longue interview dans laquelle il nous parle de ses premières semaines passées avec sa nouvelle équipe ainsi que les matchs qu’il a eu à disputer jusque-là. Mesbah, qui découvre le Milan AC, la pression des supporters, la culture de la gagne et l’armada de stars, se livre en toute sincérité en nous parlant des nouveautés qu’il découvre au quotidien, les grandes différences qui existent entre ce qu’il vit maintenant et ce qu’il a connu dans le passé. Entretien.
– Vous avez enregistré une précieuse victoire hier (ndlr : entretien réalisé hier après-midi) face à Udinese 2 buts à 1, et une place de leader provisoire au classement du Calcio…
– Franchement, c’est une victoire qui nous fait beaucoup de bien, nous avons traversé une période assez difficile à la suite de notre défaite face à la Lazio de Rome ainsi que contre la Juventus en coupe d’Italie. Ce succès contre Udinese nous permet de respirer un peu. Ce fut vraiment une belle victoire hier, d’autant plus que nous étions menés au score dès le 19’ de jeu et que nous avons réussi à égaliser à la 77’ pour nous imposer par la suite en inscrivant le second but à la 85’ de jeu. Maintenant, il faut tout de suite oublier ce match et penser déjà à la rencontre de la Ligue des Champions qui nous mettra aux prises avec Arsenal mercredi.
– Quatre titularisations déjà, on peut dire que tout se passe bien pour vous pour l’instant ?
– Tout à fait, je me sens très bien, mais je dois dire que je suis beaucoup aidé par tous mes coéquipiers, ainsi que par le staff technique. Tout le monde fait de son mieux afin que je m’intègre très vite et c’est ce qui explique que je n’ai eu aucun mal à m’adapter. Moralement aussi, au Milan AC, on vous met dans les meilleures conditions possibles afin que vous soyez à votre meilleur niveau. Certes j’ai joué quatre matchs, mais je n’ai pas pour autant la prétention d’être l’arrière gauche titulaire de l’équipe. D’ailleurs, je tiens à vous préciser une chose…
– Oui, allez-y…
– Au Milan AC, je travaille tout le temps. Je fais plein de choses en dehors des entraînements programmés pour toute l’équipe. A Milan, nous avons la chance d’avoir un véritable laboratoire qui suit les performances de chaque joueur. Donc, je fais beaucoup de musculation et avec le deuxième entraîneur, je travaille aussi beaucoup les centres…
– Justement, vous travaillez les centres, car ce n’est pas votre point fort, c’est bien ça ?
– Je dirai que durant les deux dernières années, je me suis beaucoup amélioré à ce niveau, mais quand on joue au Milan AC, on se doit d’être parfait et rater très peu de centres. Donc, afin d’être précis et donner le maximum de bons ballons, je travaille beaucoup la précision de mes centres. En fait, c’est tout simple, quand vous avez la chance d’être titularisé au Milan AC, on n’a pas d’autres choix que d’avoir 100% de réussite dans les centres.
– Vous avez été deux fois sur le banc, est-ce qu’un turn-over de l’entraîneur Allegri ?
– Je pense que ça doit être ça, mais je ne sais pas vraiment. Comme je vous l’ai déjà dit, je n’ai pas la prétention de dire que je suis l’arrière gauche titulaire de l’équipe. Je suis au service du club, et quand le coach me fait appel, je me dois juste d’être prêt à 100% pour le match. Maintenant, il est clair que nous avons des matchs tous les trois jours, et chaque rencontre est importante pour ne pas dire décisive, et donc il se pourrait bien que le coach fasse tourner l’équipe.
– Ce mercredi, vous avez Arsenal au menu, un match de la C1 européenne, vous n’avez pas droit à l’erreur d’autant plus que vous jouez à domicile…
– Tout à fait, on se doit de cartonner et de faire le plein lors de match, mais ce qui est impératif, c’est surtout ne pas encaisser de buts. Mais il est clair que cette rencontre est très difficile.
– La bonne nouvelle, c’est que vous êtes qualifié pour jouer cette Ligue des champions…
– Vous voulez la vérité ? Je ne m’y attendais pas du tout. Je suis arrivé au mercato, et je ne pensais pas que j’allais figurer dans la liste. En fait, ça se jouait entre moi et Muntari, et finalement, c’est mon nom qui a été retenu. Donc, je ne peux qu’être très heureux car jouer une Ligue des champions européenne est le souhait de beaucoup de joueurs dans le monde.
– Il se pourrait donc que vous fassiez votre baptême du feu ce mercredi en Champions League ?
– Franchement, je n’en fais pas une fixation. Si l’entraîneur me fera appel, eh bien je tenterai de me donner à fond, comme à chaque fois, mais même si je ne joue pas, le plus important sera de remporter ce match pour mieux aborder la deuxième manche en Angleterre.
– Quand on joue dans un grand club comme ça, qu’est-ce qui change vraiment ?
– C’est l’intensité dans les entraînements. Ensuite, il y a la qualité des grands joueurs qui composent une grande équipe comme le Milan AC. Ce sont des joueurs qui ne loupent jamais un contrôle et qui ne ratent pas de passes, et pour moi, c’est vraiment ça la différence. Pour tout vous dire, en ce qui me concerne, chaque entraînement est un match où je dois donner mon maximum en travaillant très dur afin d’être au top et convaincre mon coach. C’est pour vous dire que même si j’ai été titulaire quatre fois, c’est loin d’être gagné, et si je pense le contraire, ça serait vraiment une grave erreur. Enfin, quand vous évoluez au Milan AC, vous avez tout simplement le sentiment que vous êtes là pour gagner.
– Sinon, en dehors des entraînements, comment ça se passe ?
– Eh bien là aussi, tout se passe pour le mieux. J’ai pris un appartement et ma famille est arrivée il y a une semaine, donc je suis très bien installé. En fait, nous les Algériens, on s’adapte partout, on n’a pas de soucis. Maintenant, il est vrai que contrairement à la communauté marocaine, il n’y a pas beaucoup d’Algériens à Milan, mais lors du dernier match, j’ai vu le drapeau algérien et ça m’a fait super plaisir.
– On croit savoir que vous avez déjà quelques affinités avec certains de vos coéquipiers…
– Je dois dire que j’entretiens de très bons rapports avec tout le monde, mais il est vrai aussi que je suis un peu plus proche de Mexès, un gars très gentil, Falvio Roma ou même Maxi Lopez. Quand j’ai signé au mercato, j’appréhendais un peu d’arriver au milieu de toutes ces grandes stars, mais j’avoue que j’ai été agréablement surpris de découvrir de supers mecs. En fait, malgré leur statut de grandes stars, ce sont des gens tout à fait normaux comme vous et moi.
– Justement, quel effet ça fait de côtoyer et de jouer auprès d’aussi grands joueurs ?
– Sur le terrain, ce sont des joueurs très exigeants. Si tu loupes une ou deux passes, un joueur comme Ibrahimovic n’est pas très content et il n’hésite pas à te le faire savoir. Je pense que ça fait partie de son caractère de gagneur et de perfectionniste. Même chose pour Robinho. Donc, c’est de chercher toujours la perfection dans tout ce qu’on entreprend sur le terrain qui a changé pour moi en évoluant avec d’aussi talentueux joueurs.
– Finalement, le fait que vous ayez sacrifié vos vacances, ça vous a servi, non ?
– En décidant de m’entraîner pendant les vacances, je ne savais pas que j’allais signer au grand Milan. Mais il est vrai que ça m’a beaucoup servi, ça m’a permis d’arriver prêt et surtout pas blessé. Maintenant, je me dois de travailler encore, car j’ai signé un contrat de 4 ans et demi et je veux rester le plus longtemps possible au Milan AC.
– Vous avez certainement discuté avec le coach national après votre signature ?
– Oui, je l’ai appelé pour lui annoncer la nouvelle, il m’a félicité tout en me demandant de travailler afin de gagner une place de titulaire. Vous savez bien comment il est, très exigeant, et il a tout à fait raison, il a besoin de joueurs compétitifs. Certains de mes coéquipiers de l’équipe nationale m’ont aussi appelé pour me féliciter et je tiens d’ailleurs à les remercier.
– La presse italienne vous a accrédité d’un bon match, mais affirme aussi que vous n’êtes pas complètement libéré…
– Je ne suis pas très d’accord avec ça, car je dois dire que c’est difficile de jouer contre une équipe comme Udinese. Dans ce match, je m’en suis surtout tenu à ma tâche défensive, même si je suis monté deux ou trois fois. Ce n’est pas que j’ai peur de monter, mais pour être en totale confiance, ça viendra au fur et à mesure des matchs. Il faut savoir que quand on joue au Milan AC, on n’a pas droit à l’erreur, et peut-être bien que le fait que je sois hyper concentré, inconsciemment ça me freine un peu.
– Etre sur le terrain et voir des joueurs comme Zambrotta sur le banc, ça doit faire quelque chose, non ?
– Franchement, c’est une très grande responsabilité, mais aussi une grande fierté. Je ne vous cache pas que la dernière fois, j’y ai pensé un peu en me disant : un champion du monde sur le banc et moi sur le terrain…
– Justement, comment on fait pour garder les pieds sur terre ?
– Il faut avoir beaucoup d’humilité et surtout toujours se remettre en question. Je dirais qu’avec ma personnalité et mon caractère, je n’ai pas de souci à me faire dans ce sens et je remercie mes parents de m’avoir inculqué cette qualité. En plus, pour atteindre le niveau des grands arrières latéraux du monde, j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir.
– Quelle a été la réaction de vos parents en apprenant que vous alliez signer au Milan AC ?
– Mon père était content, mes sœurs aussi. En fait, tout le monde est très fier de moi. Mais pour vos parents, que vous jouiez au Milan ou dans un tout petit club, vous restez toujours le même.
– Parlons de la Gambie, une seule séance d’entraînement à Banjul avec tout le groupe, ça ne sera pas facile ?
– Je pense qu’il faudra mettre de côté toutes les difficultés qui vont entourer ce match, que ce soit pour le stage, la chaleur ou même des conditions difficiles sur place. Avec tout le respect que j’ai pour cette équipe et sans pour autant la sous-estimer, on ne va pas avoir peur de la Gambie. On sait très bien que lorsque les Africains jouent à domicile, ils se surpassent, il faudra être costaud et prêt à toutes les éventualités. Incha Allah, ce sera le match de la renaissance de notre équipe nationale. En tout cas, j’ai hâte d’y être. Je dirais aussi que si on joue à l’algérienne et si l’équipe retrouve l’esprit qui l’a qualifiée à la Coupe du monde 2010 en pensant groupe et non individualité, je suis sûr qu’on réalisera un bon résultat.
– Vous avez suivi la CAN, un commentaire ?
– Il est vrai qu’en voyant le match entre la Zambie et le Ghana, je me suis dit que j’aurais aimé faire cette CAN. Maintenant, il y a le Mali que je n’ai pas vu, mais au vu de ses performances, il faudra vraiment s’en méfier. En fait, il faudra se méfier de tous nos adversaires, car il n’y a plus de petites équipes en Afrique.
A. H. A.