Déterminée à ne pas donner prise aux pressions avant le sommet du G20, Angela Merkel a rejeté jeudi toute « solution miracle » à court terme pour la crise de la zone euro au moment où les coûts d’emprunt de l’Espagne ont atteint pour la première fois un niveau jugé intenable.
Le rendement des obligations souveraines espagnoles à dix ans a franchi dans la matinée le seuil des 7% au-delà duquel la Grèce, l’Irlande et le Portugal avaient dû se résoudre à faire appel à un plan de sauvetage international, faute de pouvoir se financer sur les marchés.
Une adjudication d’obligations souveraines italiennes a également montré jeudi que Rome éprouvait de plus en plus de difficultés à accéder aux marchés, avec un coût d’emprunt à trois ans au plus haut depuis décembre, à 5,3%, ravivant les craintes de contagion de la crise de la dette.
La hausse historique du coût de la dette espagnole est intervenue au lendemain d’une dégradation de trois crans de la note souveraine de l’Espagne par l’agence Moody’s. Elle exacerbe la nervosité des marchés, à peine atténuée par l’accord sur le renflouement des banques espagnoles à hauteur de 100 milliards d’euros, et s’ajoute à l’inquiétude avant les nouvelles élections législatives dimanche en Grèce.
L’indice de volatilité des Bourses européennes s’inscrivait en hausse de 3,6% en milieu de journée.
L’audit indépendant du secteur bancaire espagnol, dont les résultats seront avancés et rendus publics lundi, évaluerait le besoin des banques espagnoles entre 60 et 70 milliards d’euros, ont confié jeudi des sources à Reuters.
L’hypothèse d’une sortie d’Athènes de la zone euro en cas d’incapacité à former un gouvernement favorable aux mesures d’austérité est revenue hanter les marchés après l’annonce d’une hausse du chômage à un taux record de 22,6% au premier trimestre en Grèce.
Pour ajouter à la tension, le Premier ministre slovaque a déclaré que son pays demanderait la sortie de la Grèce de la zone euro si celle-ci ne devait pas honorer ses engagements.
RUMEURS EN GRÈCE
Les valeurs bancaires gagnaient néanmoins près de 20% en fin de matinée à la bourse d’Athènes, les investisseurs pariant plutôt sur une victoire des partis favorables au plan de sauvetage de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, sur la foi de rumeurs de marché circulant à propos de sondages confidentiels.
Malgré les signaux d’alerte, Angela Merkel a fait preuve de la plus grande fermeté lors d’un discours devant le Parlement allemand : elle a invité l’UE à s’attacher à la « tâche herculéenne » d’une intégration politique approfondie.
Confortée par un accord avec l’opposition sociale-démocrate sur un vote jumelé du Bundestag fin juin sur le Mécanisme européen de stabilité (MES) et le pacte budgétaire, Angela Merkel a rejeté les solutions contre-productives que constituent, selon elle, les euro-obligations et un mécanisme de garantie des dépôts des banques élargi.
A la place de ces « solutions miracles » proposées par nombre de ses partenaires européens, dont le Français François Hollande et l’Italien Mario Monti, elle a appelé les membres de la zone euro à garder la tête froide et à emprunter le chemin de la rigueur.
« On n’adopte pas une politique pour faire plaisir aux marchés mais pour protéger l’avenir de nos peuples », a-t-elle dit. « Il est aujourd’hui de notre devoir de rattraper ce qui n’a pas été fait (lorsque l’euro a été créé) et de mettre fin au cercle vicieux d’accroissement de la dette, de non-respect des règles. »
« TÂCHE HERCULÉENNE »
« Je sais que c’est ardu, que c’est douloureux, que c’est fastidieux. C’est une tâche herculéenne, mais inévitable », a poursuivi la chancelière en évoquant l’intégration politique et économique indispensable pour parvenir à l’union bancaire préconisée notamment par la Banque centrale européenne.
Angela Merkel s’est dite favorable à une supervision plus indépendante du secteur bancaire, jugeant que les tests de résistance menés par l’Autorité bancaire européenne avaient été faussés l’an dernier par les autorités nationales qui avaient intérêt à minorer leurs difficultés.
« Je n’aurais rien contre donner un rôle plus contraignant, plus fort à la BCE dans ce domaine », a-t-elle insisté.
Angela Merkel a reconnu que « tous les yeux » seraient braqués sur elle au sommet du G20, les 18 et 19 juin à Los Cabos, au Mexique, où les Etats-Unis entendent également faire pression sur l’Europe pour qu’elle participe à l’effort de relance de l’économie mondiale.
Mais elle a prévenu ses partenaires qu’il ne fallait pas surestimer les ressources de Berlin. « La force de l’Allemagne n’est pas infinie », a-t-elle dit.
Tangi Salaün pour le service français, édité par Dominique Rodriguez