Le ministre de l’Education nationale vient de déployer une batterie de mesures en amont de la préparation du baccalauréat. Ces mesures sont adressées autant aux élèves qu’aux enseignants qui doivent s’y référer car il y est stipulé que le ministre va suivre personnellement l’application de ces mesures. Elles concernent la méthodologie à appliquer lors de l’examen telle que l’ajout d’une demi-heure supplémentaire afin de permettre à chaque élève de parfaire ses copies.
Il est aussi précisé que les sujets seront élaborés sur la base des cours dispensés durant l’année. Concernant le volet pédagogique, il est indiqué que le seuil des leçons ainsi que la fin des cours sont arrêtés au 2 mai. Cette instruction laisse perplexes les syndicalistes que nous avons interrogés hier. Meziane Meriane, SG du Syndicat national autonome des professeurs du secondaire et du technique (Snapest), estime que le choix du 2 mai est une erreur. Le ministre de l’Education a, selon lui, cédé à la pression des jeunes qui, à chaque début d’année, réclament un seuil de leçons. En somme, selon ce responsable, la paix sociale a primé sur les considérations pédagogiques.
«Cette mesure ne favorise pas l’avenir de nos enfants qui posséderont un bac sans consistance ni bagage intellectuel. Nous étions au courant que les lycéens allaient descendre dans la rue afin de réclamer la date butoir du seuil des leçons et nous avions alerté le ministre sur ce sujet avant les vacances d’hiver.
Cela fait 4 à 5 ans qu’ils le font et leur céder n’est pas la bonne solution», estime-t-il, ajoutant que le 15 mai aurait été une date plus adéquate. Aussi, il juge que les élèves sont des adolescents qui cherchent la facilité et à qui il faut réinculquer la valeur du travail. «Il faut que les Fédérations de parents d’élèves entreprennent une toute autre approche auprès des lycéens afin de les tranquilliser en leur expliquant que les questions qui seront traitées au bac seront élaborées en fonction des leçons enseignées tout au long de l’année sans pour autant limiter les leçons à réviser. Nous avons constaté il y a 2 ans que les wilayas qui avaient fini le programme scolaire à 100% avaient dû s’aligner sur les 10 wilayas qui ne l’avaient finalisé qu’a 85%.
Les élèves se voient déposséder de nombreuses notions qu’ils auraient dû acquérir au lycée», a-t-il déploré. Il estime également que l’approche par compétence qui a été supprimée par le ministre précédent devrait être réintroduite, car selon lui, cette méthode a été éprouvée. Aussi, l’instruction qui vise à dispenser les cours sans faire de bachotage n’est pas une mesure novatrice selon M. Meziane, qui juge que seule l’évaluation de la réforme de l’éducation entreprise en 2003 ainsi que l’étude scientifique du cursus des élèves est à même de procéder au bon diagnostic. «Nous ne devons pas importer des réformes.
Il faut tenir compte des spécificités du pays. Il faut également revoir les objectifs pédagogiques et les répartir à long terme afin que les leçons qui n’ont pas été dispensées au lycée le soient dans l’enseignement supérieur pour que l’élève ne soit pas pénalisé durant son cursus et possède le meilleur bagage intellectuel», a-t-il analysé. Il déplore par ailleurs que cette circulaire ait été introduite sans concertation avec les partenaires sociaux. «Le ministre a hérité d’une situation difficile mais il avait promis que désormais, la qualité primerait sur la quantité. Ces décisions ne vont pas dans ce sens.
Je ne doute pas de sa bonne volonté et recommande de préparer la rentrée scolaire au plus tôt pour que les problématiques liées aux programmes, à la surcharge des classes et aux rythmes scolaires soient abordées plus efficacement», nous a-t-il dit.
Le seuil des leçons fait la part belle aux cours particuliers
Pour sa part, Hakim Hamouda, SG du Syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE) nous a indiqué qu’il jugeait également que le seuil des leçons n’était pas un procédé approprié. Il rappelle qu’il avait été appliqué par rapport aux intempéries qui avaient pénalisé les élèves de nombreuses wilayas et qui serait depuis, devenu une tradition. Selon lui, il faut que la fin des cours soit arrêtée deux semaines avant le bac et pas avant car cela nuit au niveau des bacheliers et ne leur permet pas de bien se préparer pour cet examen.
Concernant l’instruction qui oblige les établissements à rester ouverts et accessibles aux élèves pour leur permettre de bénéficier des séances de révisions, M. Hamouda pense que cette mesure n’aura que peu d’effet et qu’elle profitera surtout aux enseignants qui dispensent des cours particuliers. «En annonçant ce seuil des leçons, le ministre ouvre la voie aux cours particuliers. Même si les classes restent ouvertes, nous savons que peu de cours y seront dispensés et si cours il y a, ce seront surtout des révisions qui ne seront peut-être pas données par les enseignants. Le ministre aurait dû inscrire l’obligation des cours jusqu’à la date de l’examen.
Il n’avait pas à libérer les professeurs dès le 2 mai pour ensuite leur dire d’assurer des cours de soutien. C’est un vice de forme», déplore-t-il, ajoutant avoir souhaité une concertation pour finaliser le document de préparation aux examens. «Il ne faut pas limiter le nombre de connaissances aux élèves. Je regrette cette méthodologie qui supprime 29 à 30% du programme.
C’est toujours la quantité qui prime», a-t-il dit, ajoutant que ce n’était pas au programme qu’il fallait s’attaquer mais plutôt à la formation des enseignants, car «toucher au programme signifie affaiblir le niveau des élèves, une baisse qui se reflètera sur le niveau universitaire», a t-il estimé, invitant le ministre à se concerter avec les syndicats sur ces questions qui, chaque année, perturbent le système éducatif et ont des répercussions négatives sur l’avenir des enfants, futurs bâtisseurs du pays.
S. B.