La campagne électorale n’arrive pas à décoller
La faiblesse du discours politique qui est loin des attentes des électeurs, a provoqué le désintéressement.
On la chasse et elle revient au galop. Que fait encore une fois «la main étrangère» dans la campagne des élections locales? Personne ne sait sauf bien sûr les chefs des partis politiques qui la brandissent pour inciter les citoyens à voter! «Des forces extérieures menacent la stabilité de l’Algérie», a mis en garde, samedi, à partir d’Oran, le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia. «Les élections locales portent dans leur dimension la préservation de la stabilité politique dans le pays», a ajouté l’ex-Premier ministre. Le RND n’est pas le seul à avoir agité les menaces étrangères qui pèsent sur le pays. Le PT lui avait emboîté le pas. Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs avait, la semaine dernière à Constantine, justifié la participation de sa formation dans les élections locales par le fait de la conjoncture politique actuelle et les enjeux imposés par la situation internationale. «Notre participation est dictée par le devoir, à savoir celui de défendre les intérêts du pays» a-t-elle déclaré comme pour mettre en garde contre un prétendu danger extérieur qui menace le pays.
Crise de discours et de programme
Le discours de la menace étrangère qui nous a déjà été servi lors des élections législatives, a-t-il sa place dans les élections locales? Où est la dimension locale de ces élections? Si deux vieux loups de la politique comme le sont Ahmed Ouyahia et Louisa Hanoune n’ont pas trouvé mieux que la menace étrangère comme thème de campagne, qu’en est-il des autres formations politiques?
Discours décousu, promesses sans lendemain, solution à des problèmes qui dépassent leurs prérogatives. Les candidats, qui n’ont aucun pouvoir, s’obstinent à vendre du rêve aux citoyens. Deux sociologues algériens, Nacer Djabi et Belkacem Mostefaoui ont très bien résumé cette campagne électorale dans des déclarations à l’APS.
Pour ces deux sociologues spécialisés dans les médias et la communication, les choses sont tout à fait claire: le discours politique adopté par la majorité des formations politiques participant aux prochaines élections locales, est empreint de «généralités» et manque de «dynamisme». Crise de discours et de programmes, est pour M. Djabi le caractère principal de ces élections locales. Il souligne le fait de l’existence d’un «amalgame» entre les programmes nationaux et locaux. «Les partis politiques proposent des solutions à de grands problèmes sociaux, à l’instar du chômage et du logement, qui nécessitent des mesures au niveau national», donne-t-il comme exemple. «Apporter des solutions à ce genre de problème ne figure pas parmi les prérogatives des présidents d’APC et d’APW qui disposent d’un budget limité», a-t-il ajouté. Le fait d’ignorer ces détails par les formations politiques, enlève toute crédibilité à leurs discours, a-t-il souligné. Les faits sont donc là! La campagne des locales 2012 est en train de tourner à la mascarade!
Pour le sous-directeur de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et de la communication, M.Belkacem Moustfaoui, la faiblesse du discours politique ne concorde pas avec les préoccupations des électeurs. «Ce qui brise le lien entre les deux parties, bien qu’elles sont issues d’un même environnement et partagent des dénominateurs communs», assure-t-il. «Il ne peut y avoir de réelle représentation démocratique sans une continuité politique» entre l’élu et l’électeur, a expliqué M.Moustfaoui. Pour lui, cet état de fait induit un «désintéressement» des citoyens vis-à-vis des campagnes électorales et du vote. Ainsi, il estime que la relation entre l’électeur et l’élu demeure «déficiente et limitée».
Seule la dérision…
La faiblesse du discours politique a effectivement provoqué le désistement de la population de ces élections locales. Il n’y a qu’à voir les panneaux électoraux. Personne ne parle de ces élections, si ce n’est pour tourner en dérision les candidats. Sur la Toile, les seuls sujets évoqués sont des moqueries envers des candidats et leurs discours que les internautes estiment «nuls». Des vidéos intitulées La Mascarade des élections locales sont tous les jours postées sur YouTube et partagées sur les réseaux sociaux! Nommées Bêtisiers des élections, ces vidéos ont été vues des milliers de fois. Mais la star du moment est incontestablement ce supporteur de l’Equipe nationale de football qui est candidat à Chelghoum El Aïd (wilaya de Mila,) qui appelle les supporteurs des Verts à voter pour lui. La campagne est donc en train de tourner au ridicule! Quelles sont les solutions pour mettre fin à ce carnaval? Le Pr Moustfaoui l’a peut-être trouvé. Lui qui estime que le nombre (de partis Ndlr) n’a jamais reflété le niveau de participation. «L’ouverture du champ politique à toutes ces formations politiques sans tenir compte de leur niveau et degré de structuration n’est pas la bonne solution», atteste-t-il.
M.Moustfaoui a jugé qu’il était nécessaire de contrôler les formations politiques agréées, de suivre leurs activités et d’évaluer leur efficacité sur la scène politique tout au long de l’année et non pas lors des élections seulement. «Il est également nécessaire de dissoudre tous les partis stériles ou de leur retirer l’agrément, comme c’est le cas dans plusieurs pays, tout en élargissant le champ politique aux indépendants», rétorque-t-il. Le sous-directeur de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et de la communication également proposé la création d’une «autorité de régulation pour suivre l’activité des partis politiques». Faiblesse du niveau du discours politique, désintéressement de la population et dérision sont donc les caractéristiques de cette première semaine de campagne…
