Le nouvel ennemi public des Etats-Unis est tout désigné pour constituer de nouvelles sources de légitimation de l’empire attaché, sur les cendres de l’Irak décomposé, à la « refondation stratégique » du Moyen-Orient.
Du fameux canon géant irakien à l’Arlésienne nommée ADM, la mystification occidentale trouve désormais dans la genèse et la fulgurance de l’EIIL-Etat islamique, le terrain propice à la consolidation du projet impérial de défense des intérêts stratégiques des Etats-Unis et de la sécurité d’Israël. Dans une sortie remarquée, l’ancienne secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a pointé du doigt, dans son dernier ouvrage intitulé « Hard Choices » (le Temps des décisions), Daech, présenté comme une « création des Etats-Unis ». La raison ? « Nous étions d’accord avec les Frères en Egypte pour annoncer l’Etat islamique dans le Sinaï et le remettre entre les mains de Hamas et une partie à Israël », soutient Hillary, qui annonce le choix de la date du 5 juillet 2013 pour la reconnaissance américaine et européenne de la naissance du « nouvel Etat ».
La bombe de ce qui est convenu d’appeler l’EI, confortée par les révélations iraniennes sur l’identité juive d’Abou Bakr Al Baghdadi, dont le vrai nom serait Ibrahim ibn Awad ibn Ibrahim Al Badri Arradoui Al Hoseini, alias Simon Eliott, plonge dans le monde interlope du « djihad afghan » mené sous la bannière étoilée de l’Amérique en guerre contre le « péril rouge » remplacé au pied levé par le « péril vert ». Elle prend plus d’épaisseur avec la version Snowden, l’analyste en exil russe de la National Security Agency (NSA), revenant sur le parcours du prisonnier de Guantanamo (2004 à 2009) recruté par la CIA et le Mossad pour les besoins de la cause de la stratégie néocoloniale. Pour Snowden, « la seule solution pour protéger l’État juif est de lui créer un ennemi à ses frontières, mais en le dirigeant contre les Etats islamiques qui s’opposent à sa présence ». La trame est tissée pour ce « nouvel ennemi public » officiant d’abord en Syrie où l’EI est apparu en force en 2013, puis reversé dans l’incroyable saga d’un « Etat islamique » syro-irakien, présentée comme la « menace la plus grave jamais connue dans la région ».
L’Arabie saoudite, qui redoute d’être la prochaine cible, appelle à une riposte « rapide » pour juguler le fléau. « Si l’on les néglige, je suis sûr qu’ils parviendront au bout d’un mois en Europe, et un mois plus tard en Amérique », avertit le roi Abdallah. Le Conseil de coopération du Golfe, réuni à Djedda, au socle gravement ébranlé par la crise ayant opposé trois de ses membres (Arabie saoudite, Emirats arabes unis et Bahreïn) au Qatar, crie à l’unisson contre la menace de l’extrémisme incarnée par l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Au Golan occupé, des combats ont opposé le Front Nosra aux 72 Casques bleus philippins encerclés dans deux positions et « tous sains et saufs », selon le porte-parole de l’armée, le lieutenant-colonel Ramon Zagala. Leur reddition est tout simplement exigée, alors que les 44 Casques bleus fidjiens de l’Undof (force de l’Onu chargée de l’observation du désengagement, 1.223 hommes issus de six pays, l’Inde, Fidji, Philippines, Irlande, Pays-Bas, Népal) sont toujours retenus, selon l’ONU qui tente d’obtenir leur libération.
Le cercle de feu du Moyen-Orient relance la machine à détruire pour lancer la nouvelle coalition « la plus large possible » contre l’EI. Elle a été annoncée par le secrétaire d’Etat, John Kerry, en concertation avec son homologue de la Défense, Chuck Hagel. Avec ses partenaires européens, l’initiative américaine, qui devait être discutée en marge du sommet de l’Otan prévu au Pays de Galles les 4 et 5 septembre, entend également rallier le soutien arabe « parmi les pays qui sont le plus directement menacés ». Pour pallier l’absence d’une stratégie, un plan d’action sera proposé par Obama lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU passant sous la présidence américaine dès septembre.
Larbi Chaabouni