La Turquie a jeté un pavé dans la mare franco-algérienne. Alors que l’Algérie s’apprête à célébrer les cinquante ans de l’indépendance, les déclarations du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdgogan accusant la France d’avoir perpétré un génocide en Algérie, relancent le débat sur la question de la mémoire. Devant plus de 2 000 personnes, le patron du FLN, Abdelaziz Belkhadem, qui a animée un meeting dans la wilaya de Mila, a trouvé dans la crise diplomatique entre la France et la Turquie une occasion en or pour régler son compte avec l’ancienne puissance coloniale.
«La France doit balayer devant sa porte», dira-t-il en référence à la fameuse loi adoptée jeudi par le Parlement français qui pénalise le déni du génocide arménien. «La France ne nous fera jamais pitié», renchérit encore Belkhadem. Le chef du FLN, sur sa lancée, rendra hommage au Premier ministre turc, démentant ainsi l’information selon laquelle il serait agacé par le fait qu’Erdogan ait évoqué le cas de l’Algérie. Bien au contraire, Belkhadem parlera lui aussi
d’«atrocités» commises contre les Algériens. «Si nous sommes tolérants, cela ne veut pas dire que nous avons oublié les enfumades et autres exécutions collectives sommaires commises contre des citoyens algériens aux quatre coins du pays», dit-il. Dans la foulée, il a invité l’ex-puissance coloniale à «reconnaître ses crimes et à s’en excuser au lieu de les glorifier contre toute logique. C’est cette même Assemblée qui a voté, en 2003, une loi sur les soi-disant bienfaits du colonialisme et qui aujourd’hui criminalise la Turquie», insistera encore le chef du FLN. Le ministère des Affaires étrangères algériens avait également réagi par le biais de son porte-parole, Amar Belani, aux propos tenu par le Premier ministre turc. Le ministre Mourad Medelci a réaffirmé, à partir de Moscou, que l’Algérie est toujours dans l’attente d’une position française qui ne soit pas timide ou timorée sur la question de la mémoire. «Nous avons certainement besoin d’une position plus claire et plus explicite à ce sujet pour assainir, de manière définitive, l’atmosphère des relations globales que nous entretenons avec notre partenaire français», a rappelé Amar Belani. Tout en se gardant de donner sa position sur le contentieux franco-turc né de l’adoption jeudi d’une loi sanctionnant pénalement la négation du génocide arménien, l’Algérie espère toujours la repentance de la France pour les crimes commis pendant la colonisation, de 1830 à 1962. Le porte-parole du FLN, Kassa Aïssa, a estimé vendredi que le Premier ministre turc n’a fait qu’exprimer «une exigence historique» de l’Algérie, rapporte La Tribune de Genève. Kassa Aïssa a rappelé que son parti «n’a jamais cessé de réclamer la reconnaissance par la France de ses crimes commis durant la colonisation». Pour lui, «la France a reconnu le génocide arménien. Pourquoi ne fait-elle pas autant pour le génocide algérien ?» a-t-il demandé. Cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, Paris refuse de parler de crimes. Lors de sa visite à Alger en décembre 2007, le président Sarkozy avait simplement admis que «le système colonial était injuste par sa nature». Il n’avait cependant pas souhaité aller jusqu’à présenter les «excuses» de la France, comme l’exigeait une partie des dirigeants algériens. Une proposition de loi visant à la reconnaissance de la responsabilité de la France dans le massacre des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris sera soumise à débat au Sénat français «d’ici à l’automne», a indiqué à l’APS samedi l’initiatrice du projet, la sénatrice Esther Benbassa. «La période législative s’arrête le 22 février en raison des élections à venir (présidentielle et législatives). J’espère que nous aurons l’occasion d’y revenir en automne», a déclaré la vice-présidente de la Commission des lois du Sénat.
Par Hocine Larabi