L’ancien attaquant de la glorieuse équipe du FLN et ancien président de la FAF, Rachid Mekhloufi, a été très affecté par la défaite de samedi dernier à Marrakech. Il n’a pas supporté que l’Algérie soit ainsi humiliée.
Monsieur Mekhloufi, quelles sont vos nouvelles ?
Elles ne sont pas bonnes. Je suis, comme tous les Algériens, malade après l’humiliation de Marrakech. Je ne vais pas bien si vous voulez le savoir.
Justement, nous vous avons appelé pour discuter de cela. Que pouvez-vous nous dire sur cet énième revers des Verts ?
Que dois-je vous dire ! Ils nous ont fait honte, ils nous ont fait traîner dans la boue. Croyez-moi, celui qui n’a pas vu le match et que vous lui dites que l’Algérie a perdu 4 à 0 contre le Maroc, il ne vous croira jamais, tellement c’est dur de le croire. Mais pour moi, j’avoue que je n’ai pas été très surpris parce qu’aujourd’hui, nous sommes en train de payer la politique du bricolage que nous avons adoptée depuis des années, celle de la marginalisation des talents locaux et du championnat national et l’importation des joueurs que forment les différents championnats en Europe. Une politique qui fait qu’aujourd’hui, n’importe quelle équipe peut, non seulement nous battre, mais nous humilier en plus, comme cela a été le cas face aux Marocains. Et si nous continuons dans ce sens, on va encore galérer pendant plusieurs années.
Selon vous, que faut-il faire pour redorer le blason de notre football et construire une grande Equipe nationale ?
Je vais donner un simple exemple pour que vous compreniez mon idée. Quand votre maison est fortement secouée et risque de s’effondrer, que faites-vous ?
On la restaure en faisant appel à un professionnel..
Non, cela ne suffira pas, elle risque de s’effondrer toujours. Ce qu’il faut faire, c’est la démolir, nettoyer les lieux par la suite et rebâtir votre maison à nouveau. Il est vrai que c’est coûteux, que cela va prendre du temps et nécessiter des sacrifices, mais quand vous aurez terminé, vous aurez une maison neuve où vous pourrez dormir en toute sécurité pendant de longues années. C’est l’idée que je veux faire passer pour que les lecteurs comprennent ce que je veux dire. Il faut tirer un trait sur cette sélection et commencer à construire une autre, des fondations jusqu’au sommet. Pourquoi ne pas faire comme nous avons fait en 1975 lorsque nous avons désigné des entraîneurs sur tout le territoire national pour former des jeunes dont profitera l’Equipe nationale plus tard. Je ne comprends pas ce qui nous manque pour le faire, puisque les moyens financiers existent. Il faut profiter de notre matière grise.
L’on comprend que vous êtes contre l’importation du produit fini, comme cela se fait actuellement avec une équipe nationale constituée essentiellement de joueurs pros formés à l’étranger, non ?
De quels professionnels parlez- vous ? Si ces joueurs jouaient à Arsenal, à Manchester, au Real ou à Barcelone, oui, on les fait venir parce qu’ils vont donner beaucoup de choses à l’Equipe nationale. Mais que ces joueurs évoluent dans des équipes de seconde zone, parfois inconnu en France ou partout en Europe, franchement, je ne peux pas les appeler professionnels. Ces joueurs sont très limités, ils ne peuvent rien apporter à notre football, il faut donc penser à faire avec les moyens locaux.
Vous dites qu’il faut tout refaire. Les responsables de notre football doivent-ils partir aussi ?
Oui, il faut qu’ils partent tous. A partir du moment où ils ont échoué et que leur politique nous a menés là où nous sommes, je ne vois pourquoi ils vont rester, si ce n’est pour nous enfoncer davantage. On ne fait pas du neuf avec de l’ancien. Il faut du sang neuf avec de nouveaux dirigeants. S’ils restent, c’est comme si on n’avait rien fait.
Le départ de Benchikha ne suffit donc pas…
Bien sûr qu’il ne suffit pas, il ne doit pas être le dindon de la farce. Ils doivent tous partir, du premier responsable de la FAF au dernier. Vous ne réalisez pas que l’échec est énorme ? Je me demande comment ils vont affronter le peuple après cette humiliation de Marrakech. Est-ce qu’ils ont ce courage ? Il faut qu’ils aient honte et qu’ils partent sans y remettre les pieds à l’avenir.
Vous disiez tout à l’heure que vous vous attendiez un peu à cette catastrophe. Qu’est-ce qui a motivé votre pessimiste ?
C’est le stage d’Espagne pour lequel on a dépensé des milliards. Je lisais ce que vous écriviez chaque jour, je me suis rendu compte qu’aucun travail digne de ce nom n’a été fait. On a débuté le stage avec un seul joueur, vous vous rendez compte ? le deuxième jour est arrivé Untel, le troisième jour, tel et tel autre, le quatrième, deux autres, et ainsi de suite. Le groupe n’a été au complet qu’à deux où trois jours du match. Comment peut-on préparer un match de cette importance dans ces conditions ?
Les joueurs aussi ont une part de responsabilité, non ?
Croyez-moi, après ce stage d’Espagne, j’ai préféré ne pas regarder le match. Je savais ce qui allait se passer. Mais à dix minutes de la fin, j’ai allumé la télévision et j’ai vu que le score était de quatre à zéro. J’ai éteint la télé tout de suite et je suis sorti. J’ai avancé dans l’âge et je ne peux pas supporter une telle humiliation. Ils nous ont fait honte, ils nous ont salis. Qu’ils partent tous !