Seule l’armée française est responsable des événements de Mellouza et de l’affaire de la Bleuite, selon Abdelhamid Mehri.
Pour la première fois, Abdelhamid Mehri, ancien ministre des Affaires nord-africaines puis ministre des Affaires sociales et culturelles au sein du Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra), s’est exprimé de manière claire sur deux épisodes sombres de la guerre de Libération. Il s’agit du massacre de Mellouza et de l’affaire de la Bleuite.
«Les victimes de Mellouza et de la Bleuite doivent bénéficier du statut de martyrs», a déclaré M.Mehri lors d’une conférence organisée au siège d’El Moudjahid, en hommage à l’ex-chef de la Wilaya III historique, feu Mohamedi Saïd, dit Si Nacer.
L’ancien membre du Comité de coordination et d’exécution de la Révolution a insisté sur la nécessité de lever toute équivoque sur la mémoire de ces victimes. Il a appelé les autorités nationales à réparer cette injustice historique qui laisse planer le doute sur leur fidélité à la cause nationale. «L’Etat algérien gagnera en grandeur à prendre en charge cette question», a préconisé l’ancien secrétaire général du FLN. Il a, ensuite, apporté un éclairage sur ces deux affaires. Témoin privilégié des événements, il a emprunté la voie pédagogique pour analyser ces deux événements douloureux de la lutte pour l’indépendance. «L’histoire ne nous est pas précise sur l’affaire de Mellouza. A l’époque, nous avions revendiqué une commission d’enquête internationale pour faire la lumière sur cet événement tragique», a rappelé M.Mehri. Cette revendication portait, à l’époque, une signification politique de haute importance. Elle visait à démasquer les manoeuvres des services secrets français dont l’objectif principal était de jeter le discrédit sur les responsables de la Révolution. «Si des responsables ont commis des erreurs. L’origine de ces erreurs est à chercher dans les complots ourdis par les services de renseignements de la puissance coloniale de l’époque», a précisé le conférencier.
La position de Mehri a été sans équivoque: l’armée coloniale est entièrement responsable des massacres de Mellouza et de l’affaire de la Bleuite. Le conférencier a mis en exergue la machination militaro-médiatique mise en place par les services français et qui est derrière ces deux événements qui ont eu lieu en Wilaya III, la plus puissante de la Révolution. M.Mehri a insisté sur la criminalisation de l’armée française dans ces dossiers brûlants de l’histoire récente de l’Algérie.
Le massacre de Melouza, un village de Kabylie, remonte à l’année 1957. Il renvoie à une tuerie perpétrée contre 303 habitants de ce village. «Nous avons accusé l’armée française d’être responsable de ces massacres», a souligné M.Mehri. Pour sa part, Djoudi Attoumi, secrétaire du colonel Amirouche qui a succédé au colonel Mohammedi Saïd à la tête de la Wilaya III, apporte un témoignage précieux sur cette affaire. Ce témoignage est contenu dans son livre Le colonel Amirouche, entre légende et histoire.
Il distingue deux affaires dans les massacres de Mellouza. La première est liée à l’exécution de militants du MNA par le FLN, au village de Beni Ilmane. Ce village, selon M.Attoumi, était devenu le quartier général du faux général Bellounis, chef des messalistes. L’ancien secrétaire du colonel Amirouche, soutient que Bellounis était complice de l’armée française. Ainsi se constituait un maquis qui visait à anéantir les structures du FLN et de son bras armé l’ALN. La réaction du FLN fut des plus vigoureuses. Le 26 mai 1957, les moudjahidine prennent d’assaut le QG de Bellounis. Au lendemain de cette attaque, les messalistes ont rejoint l’armée française, a rapporté M.Attoumi. Les massacres de Mellouza ont eu lieu le 2 juin 1958. Ils sont à attribuer à l’armée française et aux messalistes, a indiqué M. Attoumi.
Concernant la Bleuite, cette opération de manipulation a été montée par les services secrets français. Elle a été exécutée entre 1957 et 1958, en Kabylie. Elle consistait a dresser des listes de prétendus collaborateurs de l’armée française en vue de provoquer des purges internes au sein de l’ALN. Cette affaire demeure sujette à la controverse. «Il faut laisser les historiens prendre en charge ces questions en les inscrivant dans leur contexte historique», a insisté M.Mehri.
Ce dernier a invité les spécialistes et les générations nées après l’indépendance à s’intéresser au projet de la Révolution et non à ses acteurs. «Nous assistons aujourd’hui à l’apparition d’ouvrages qui font de Ben Bella, un agent de l’Egypte, de Krim celui de la Tunisie et de Boussouf, un tueur», a regretté M.Mehri.
Mohamed Sadek LOUCIF