L’ancien SG du FLN, Abdelhamid Mehri,a tenu mardi une conférence de presse à Alger au cours de laquelle il note que sa lettre adressée au président Bouteflika n’a pas encore trouvé d’écho. Mehri se dédouane de vouloir contacter des alliances politiques et affirme militer pour un changement du système qui impliquerait tous les Algériens.
Siège national du front des forces socialistes (FFS), avenue Souidani Boudjemaa à Alger. Dans une salle exigüe, trois rangées de chaises soigneusement alignées font face à un bureau, une table couverte d’une écharpe.
C’est ici qu’Abdelhamid Mehri, 85 ans, ex-ambassadeur d’Algérie en France et l’ancien secrétaire générale du FLN (Front de libération national) à l’époque du parti unique, a choisi de donner sa conférence de presse.
Le cœur de l’intervention de Mehri s’articule autour de la lettre adressée le 17 février dernier à son « frère le président Bouteflika »
« La lettre se voulait une affirmation de la nécessité de changer le système de gouvernance. Ce n’est pas une accusation contre une personne, une organisation ou une génération de personnes. Elle n’est pas un solde de compte politique avec quiconque », avertit Mehri précisant, au passage, qu’il s’agit d’une initiative solitaire, individuelle.
Autrement dit, il n’a pas agi après concertation préalable avec d’autres personnalités et acteurs politiques. Cette lettre a suscité commentaires et extrapolations diverses. Certains y ont vu une bouée de sauvetage lancée au chef de l’Etat acculé par la pression de la rue et la contestation sociale.
L’ex- SG du FLN avait adressé le 17 février dernier une lettre au président Bouteflika dans laquelle il l’exhorte à opérer un changement en Algérie. La missive de Mehri était accompagnée d’un plan de sortie de crise qui s’articule autour de trois axes.
Ce document a été aussitôt béni par le président du FFS, Hocine Ait Ahmed, réfugié en Suisse, qui lui a apporté sa caution et son soutien.
« L’initiative est personnelle, souligne Merhi. Il n’y a pas eu de concertation préalable. Ce n’est qu’après publication que j’ai eu le plaisir de noter l’appui du frère Hocine Ait Ahmed ».
Abdelhamid Mehri explique que sa lettre se veut un appel à une large implication citoyenne pour aller vers le changement.
Considérant le président comme partie prépondérante dans cette perspective de changement, Mehri affirme qu’il revient à Bouteflika de libérer les initiatives en vue d’un débat national.
En somme, il préconise de tenir des consultations les plus larges possibles en vue d’un Congrès national lors duquel seront définies la nature, les modalités et la durée du changement préconisé.
« Le président est une donne importante, lui et ce qu’il représente, pour le changement. Cependant, il ne revient pas à lui de proposer ou de dicter le changement », dit-il.
Mehri précise que sa démarche « n’est pas une affaire d’entente entre des personnes bien déterminées » et infirme avoir négocié quoique ce soit avec le président.
Mehri révèle que sa lettre n’a toujours pas reçu de réponse : « Jusqu’ici, il n’y a aucun signe évident pour répondre au contenu de la lettre. Lorsqu’il y aura une réponse, j’aviserai. Ce ne peut pas se faire en cercle restreint et en catimini.»
La publication de cette lettre ainsi que le soutien d’Ait Ahmed ont ouvert la voix à des analyses accréditant la thèse d’un pacte politique entre Merhi, le FFS et le président Bouteflika. Qu’en est-il au juste ?
« C’est une analyse fausse, explique Mehri. Ni moi, ni Ait Ahmed ne pouvons sauver le système. Si on se met de son coté, au contraire, on sombrera avec lui. »
Quid de la proposition en vogue et qui veut que le DRS (Département de la recherche et de la sécurité), la police politique, soit dissous ou reconverti dans ses missions ?
« Je ne m’inscris pas dans cette vision des choses. La question sera tranchée dans le cadre d’une vision globale. Ce qui est posé aujourd’hui est la révision de la constitution», répond l’orateur.
Autrement dit, c’est une révision de la loi fondamentale qui déterminerait et délimiterait les prérogatives et les missions des institutions.
Mehri fait remarquer, au demeurant, que le système actuel agit en dehors de la constitution et des lois. « Le problème est que les pratiques sont en partie plus importantes que les lois », affirme-t-il.
A-t-il pris des contacts pour faire aboutir sa démarche ? Mehri avoue que son initiative politique n’a pas suscité, pour l’heure, un large impact. « J’ai pris connaissance de nombreux avis personnels. Seulement il n’y a concrètement aucune coordination pratique. De plus, je n’ai pas de proposition arrêtée pour le changement», précise-t-il
Abdelhamid Mehri qui dirigeait le FLN au moment de la révolte d’octobre 1988 qui a mis un terme au règne du parti unique se dit convaincu qu’un changement du personnel politique ne garantit pas la fin d’un système.
Il a a cité en exemple l’option retenue par le comité central du FLN au lendemain d’octobre 1988 d’éjecter le président Chadli de sa place. « Ça été fait, mais le changement n’est pour autant pas intervenu», admet-il.
Interrogé sur la proposition du parti islamiste MSP, membre de l’alliance présidentielle, qui revendique « un changement du système », Mehri affirme y lire une acceptation par le pouvoir de l’idée de changement.
Que répond-il à ceux qui lui rappellent qu’Abdelhamid Mehri reste après tout un enfant du système ? « Il est difficile de trouver des Algériens qui n’ont pas été avec le système d’une manière ou d’une autre, tranche-t-il. Même ceux qui ce sont tus ont participé en cautionnant par leur silence.»