L’équipe nationale algérienne a vécu une sale soirée samedi soir face au Maroc. Le score de 4 à 0, ce n’est pas juste, pas possible, se disaient les spectateurs algériens devant leur écran. Personne n’aurait imaginé cette lourde défaite au sifflet final, même les Marocains ont été vraiment surpris. Suite à cela, Compétition a eu Mehdi Mostefa en interview pour essayer de comprendre ce qui s’est passé et faire le débriefing de la rencontre.
– Que s’est-il passé face au Maroc ?
– Avant tout, il faut savoir qu’il y a un immense sentiment de colère envers nous-mêmes, également pour moi-même. Ce qui s’est passé ? Et bien, tout simplement, les 20 premières minutes, on est bien rentrés dans le match, on a bien réussi à cadrer les Marocains. C’est vrai que le premier but nous a fait mal, il faut avouer qu’ils nous ont rentré dedans comme il faut, ils ont été présents sur tous les plans, ça s’est avéré avec le score. Ils ont remporté pratiquement tous les duels et ont été au-dessus sur ce match-là.
– Quel a été le discours de Benchikha ?
– Déjà, on savait que le Maroc allait tout jouer sur l’attaque, parce qu’ils étaient vraiment dans l’obligation de gagner. Pour nous, un match nul aurait été un bon résultat, car on jouait à l’extérieur. Les joueurs sont des compétiteurs et le coach aussi, il y a toujours cet esprit de la gagne. Pour répondre à votre question, Benchikha nous a demandé de bien rester en place et de faire douter cette équipe du Maroc. Avec le temps, ça allait jouer contre eux. Malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus. Des fois, il y a des faits de jeu. A 2-0, on tire sur le poteau. Si on revenait à 2-1, ça pouvait faire un autre match.
– Une bonne entame de match, le reste était catastrophique…
– En amont du match, lorsque notre hymne national a été sifflé, ça nous a remis un petit coup de boost, on était vraiment très motivés, ça s’est vu dans les premières 20 minutes. Le premier but encaissé nous a fait mal, après, les Marocains ont pris confiance. Juste avant la mi-temps, on prend le deuxième but. Si on était rentrés aux vestiaires avec un 0-0, ça aurait été différent pour la suite.
– Pourquoi avoir pris le risque de les chercher, alors que c’était plutôt à eux de le faire ?
– De toute façon, dans la tactique de jeu, on avait un milieu qui était assez fourni, on jouait avec un attaquant, Djebbour. Le but était de les priver d’espace, après, on a pris un but sur une balle arrêtée, ce qui est malheureux. On n’a pas su réagir comme il fallait, c’est l’erreur qu’on a commise.
– Deux jours après cette défaite, avez-vous mesuré l’ampleur de cet échec ?
– Bien sûr, cet échec n’est pas passé. Là, normalement, je suis en vacances, mais on ne peut pas appeler ça des vacances pour l’instant. La défaite va rester dans la tête pour beaucoup de joueurs, on a parlé dans la soirée du match. On se rend compte qu’on a fait du mal à tout un pays, mais il faut que le pays sache aussi que ça nous fait aussi mal à nous. On les a déçus, ce que je peux dire, c’est qu’on essayera de se relever le plus tôt possible.
– Quel était le sentiment dominant dans la soirée du match ?
– Juste après la rencontre, vous imaginez bien qu’on a été accablés, la tête dans les chaussures. On entendait les cris des Marocains à côté, on voulait juste rentrer à l’hôtel et se mettre tous autour d’une table. Les cadres ont parlé, on s’est dit : «on a commis une faute professionnelle». Il ne faut pas croire qu’après on est sorti, on a rigolé. On était très mal et je le pense encore pour un bon petit moment.
– Vous comprenez la colère des amoureux de l’EN envers vous, les joueurs ?
– Je les comprends, tout à fait. Les supporters sont là quand on gagne… J’ai reçu des éloges lors de mon premier match, je les ai acceptées, je ne vois pas pourquoi je n’accepterai pas les critiques ? Juste, il ne faut pas dépasser les limites, je comprends la déception des gens, il n’y a pas de souci. On est des hommes, il faut assumer la victoire et aussi la défaite.
– On vous a rarement vu monter en attaque pour faire le surnombre …
– J’ai un peu essayé de soutenir Ryad, c’est vrai que je lui ai laissé un peu le couloir parce que je sais qu’il aime bien prendre le ballon et dribbler un petit peu, et puis… Il a une facilité à éliminer les adversaires. En première mi-temps, je n’ai fait qu’un seul centre, donc sur ce point-là, j’ai des choses à améliorer.
– Vous êtes d’accord pour dire que votre prestation personnelle était vraiment différente de celle du match aller …
– Oui, c’est sûr. A l’aller, il faut prendre en compte aussi qu’il y avait un bon arbitre, je ne vais pas me cacher derrière ça. En plus, mon ailier de débordement ne restait pas de mon côté, il rentrait plutôt dans l’axe. C’était un jeu différent, voilà. C’est sûr que je n’ai pas fait le même match que celui d’Annaba.
– On peut dire que la défense était complètement à la rue, alors qu’elle est le point fort de l’EN d’habitude ?
– Oui, comme je l’ai dit, la défense, le milieu, l’attaque etc. Quand une équipe est vraiment déséquilibrée de toute sorte, c’est sûr que la défense ne tient pas le choc, mais là, c’est collectivement. A cela, il faut rajouter que déjà on n’était pas bien, puis les Marocains ont fait aussi un gros match, il ne faut pas le négliger. Cela me fait un pincement au cœur de le dire, on n’a pas perdu contre une équipe moyenne du Maroc. Après l’ouverture du score, c’était catastrophique, tout ce que je peux dire, c’est qu’on est passé à côté, il faudra se rattraper la prochaine fois.
– De ce fait, l’entraîneur a démissionné. Est-ce que cela est injuste, pour vous, que lui seul en paye les pots cassés ?
– Bien sûr, car ce sont nous, joueurs, les premiers à être sur le terrain. C’est le coach Benchikha qui m’a fait venir en sélection et là c’est un peu lui qui prend tout sur les épaules. Il ne faut pas oublier que nous sommes les premiers acteurs, moi personnellement, j’assume et je pense que les autres coéquipiers aussi. Dans les clubs, c’est souvent le coach qui paye les pots cassés, dans les sélections aussi, c’est malheureux à dire. Il ne faut pas croire que ça nous laisse insensible. Comme je vous l’ai dit, ça a été un gros pincement au cœur, puisque c’est lui qui m’a ramené en sélection. On a l’impression de l’avoir en quelque sorte lâché et c’est dommage que ce soit lui qui paye.
– Craignez-vous pour la suite de votre avenir en EN ?
– Je n’y pense pas pour l’instant, parce que ce n’est pas le plus important, le plus important, c’est que l’Algérie se relève, ce n’est pas que Mehdi Mostefa soit titulaire ou pas. Bien sûr dans mon club où j’irai, je vais tout faire pour démontrer de bonnes prestations, afin de regagner cette place en sélection, car c’est toujours un honneur.
– La descente de Nîmes Olympique en National a-t-elle joué sur votre mental dans ce match ?
– Pas du tout. Quand j’ai quitté Nîmes, je suis arrivé à l’aéroport souriant, puisque j’arrivais dans un autre contexte, j’étais ravi de retrouver tous mes amis de la sélection ainsi que le staff. J’étais concentré et je me suis vraiment bien préparé à cette semaine, malheureusement, ça n’a pas porté ses fruits. J’avais laissé l’échec de Nîmes de côté et mon mental était à 100% avec l’EN.
– Beaucoup de moyens ont été mis à la disposition des joueurs, on vous reproche d’avoir été trop gâtés. Qu’en pensez-vous ?
– Je pense que si on dit cela, c’est parce qu’il y a eu une défaite. Nous, on n’a fait que préparer le match, nous n’avons pas pu répondre présents, c’est peut-être cela qu’on peut nous reprocher. Quant aux conditions, c’est vrai que nous étions dans un bon hôtel et avions de bonnes conditions, mais c’est ce qu’il faut pour préparer ce type de match. En aucun cas, nous n’avons profité de ce privilège ou des infrastructures.
– La suite sera difficile, il faudrait un miracle pour se qualifier…
– Oui, un miracle, mathématiquement, c’est encore possible, mais on ne va pas le cacher, il reste 2 matchs à jouer. Il y a des objectifs dans ces matchs-là, on doit reconquérir le public qui est très en colère, et c’est normal. Cela va prendre du temps pour cicatriser, mais nous avons envie de reconquérir ce public qui nous a tant apporté et nous apportera encore. La qualification pour la CAN va être très difficile, mais mathématiquement, ce n’est pas fait, il ne faut pas abdiquer.
– On vous annonce à Ajaccio l’année prochaine, est-ce vrai ?
– Je suis entré en contact avec eux, j’attends la semaine à venir pour prendre une décision. Vous en serez informé quand ce sera vraiment officiel, mais il y a des chances que j’aille là-bas. Si j’ai la possibilité de jouer en Ligue 1, je resterai en France.
– Que pouvez-vous dire aux supporters algériens déçus ?
– Je voudrai juste dire que s’ils pensent que parce qu’on est nés en France, qu’on y vit et qu’on y joue, on n’a moins l’amour du maillot ou quoi que ce soit, ils se trompent. Moi, quand je suis en Algérie, il n’y a plus rien qui compte, quand j’y suis, je ne suis pas Français. Je comprends que je les ai déçus, qu’on les a déçus, mais on fera tout pour changer leur avis et de ce qu’ils pensent de nous. Je sais qu’on a essuyé des critiques, c’est normal, c’est le football. Il faut l’accepter, mais croyez-nous, on va tout faire pour changer cela. S. A.