Mégaprojets d’investissements des pays du Golfe en Algérie, A quand le passage à l’acte ?

Mégaprojets d’investissements des pays du Golfe en Algérie, A quand le passage à l’acte ?
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La situation de cette décroissance fait que les pays du golfe ont révisé leurs stratégies d’implantation dans nombre de pays.  »Les intentions d’investissement en provenance des pays du Golfe sont à leur plus bas niveau depuis 2005, avec 8% du nombre total d’annonces, contre 15% en moyenne antécédemment », constate le réseau Anima.

Les pays du Golfe perdent un marché sûr pour leurs investissements. Des mégaprojets annoncés en grande pompe, il y a quelques années, n’ont pas été suivis de réalisations. Les promoteurs de ces grands groupes, qui veulent un retour rapide de leurs investissements, préfèrent rentabiliser leurs portefeuilles dans le commerce direct et l’immobilier.

Ils mettent en veilleuse leurs projets en accusant l’administration de bureaucratie et de lenteurs. Mais les autorités s’en défendent, à raison, soulignant les largesses accordées à ces multinationales arabes, dont les promesses d’investissements n’ont débouché, à ce jour, que sur peu de résultats.

Les pays du Golfe tentent de se replacer sur le marché algérien. Des groupes entiers versés dans la métallurgie, l’immobilier et la finance convoitent l’Algérie dans une ultime tentative de se remettre en selle après de nombreuses déconvenues parsemées parfois de scandales qui en disent long sur leurs véritables desseins.

LG Algérie

Les analystes s’accordent ainsi quant à une reprise de ces investissements en 2013. L’observatoire Anima Mipo spécialisé dans les IDE indique, dans une étude, qu’actuellement «l’Algérie et le Maroc font figure d’exception parmi les pays du Maghreb et du Machrek, avec un nombre d’annonces d’IDE stable en Algérie et une hausse de 15 % au Maroc par rapport à la même période 2010».

Depuis 2001, l’Algérie a choisi de diversifier le portefeuille de l’investissement en invitant les pays du Golfe à travers de multiples avantages offerts pour l’attractivité. «Les coûts moindres d’implantation, la taille de marché et la politique avantageuse de la fiscalité ont attiré certains investisseurs de cette région mais sans grande ambition et sans réelles intention d’investir», relève l’économiste Mekoussa, consultant auprès de la Banque mondiale.

Chose surprenante, les pays du Golfe ont poursuivi leur retrait progressif dans 13 pays de la région MENA, selon les experts du réseau Anima qui constate qu’«en 2007, ces pays étaient les premiers investisseurs de la région avec 22,2 milliards d’euros». Il faut rappeler que l’Algérie a attiré 2,5 milliards d’euros d’IDE sur les 8 milliards de l’ensemble des pays du Maghreb. Un rapport du Cercle des économistes arabes indique que «l’Algérie et le Maroc sont favorisés dans l’attractivité des IDE pour les années 2013 et 2014 parmi les pays de la MENA».

Si ces avantages plaident en faveur des monarchies du Golfe, pourquoi les intentions d’investissements ne se consolident-t-elles pas en projets concrets ? Dernièrement, le journal en ligne TSA a repris des informations faisant état de largesses accordées à des groupes comme le fonds émirati EIIC, promoteur du projet Dounia Parc. Une immense surface des Grands Vents, au niveau de la périphérie d’Alger, est accordée en concession à ce fonds émirati pour en faire un projet des plus rentables.

Mais on ne sait toujours pas comment ce projet sera piloté, et la levée de fonds des seules banques algériennes, paraît-il, poserait des contraintes quant au partage du risque de financement pour des projets coûteux. Du côté qatari, saoudien ou émirati, on ne semble guère embarrassé. Leurs intentions de s’implanter sont particulièrement avancées dans les secteurs du tourisme, de l’immobilier et des banques.

A LA RECHERCHE DE CRÉNEAUX JUTEUX

Les pays du Golfe cherchent des créneaux rentables pour leurs projets. Le tourisme, les banques et l’immobilier constitue, selon un décompte de l’ANDI, « près de 60 % des intentions d’investissements de ces pays». Pour séduire les autorités algériennes, les pays des pétrodollars jouent à fond la caisse les campagnes publicitaires en faveur des grands projets.

« En 2002 et 2003, plusieurs fonds d’investissements du Koweït, d’Arabie Saoudite et du Qatar ont promis des milliards de dollars pour des projets d’envergure, mais des années plus tard, les contrariétés ont été telles qu’aucun des projets n’a vu le jour», souligne un des analystes spécialisé dans les IDE. Dans ce registre, on retient singulièrement le projet de Dounia Park qui, sur une surface de 450 hectares, devait être «le plus grand parc urbain du monde», selon l’expression du ministre de l’Aménagement et de l’Environnement.

Un projet énormément coûteux, de 3,7 milliards d’euros, parrainé par le fonds d’investissement émirati EIIC basé à Dubaï mais dont le démarrage essuie des «critiques et réserves» de la part des défenseurs de l’environnement qui voient plutôt «un bétonnage inutile de la capitale». De même qu’un projet de logements haut standing, dont un promoteur Qatari détient 100% des parts, n’arrive pas encore à démarrer.

Selon des sources concordantes, «seuls 200 logements ont été réalisés aux environs de Chéraga, car les difficultés du foncier ont rendu la tâche difficile». Mais que cache cet argument face aux promesses de faire pleuvoir des «milliards de dollars» sur l’Algérie ? Sur ce chapitre, chacun part avec des considérations analysant le climat d’affaires, la concurrence des réseaux (Union européenne contre les pays arabes ou les réseaux américains contre l’UE).

«Un bilan fourni par le réseau européen Anima indique que ces cinq dernières années, le budget prévisionnel moyen des investisseurs du Golfe s’est situé aux alentours de 268 millions d’euros, contre 70 millions en moyenne pour les pays européens», observe Pierre Henry, chargé d’étude auprès de ce réseau.

Les pays du Golfe savent mettre le prix là où ils décident d’investir. «En 2007, l’Egypte a été la première destination des pays du Golfe, devant la Turquie, tandis que l’Algérie pointe loin derrière avec 1,5 milliard d’euros, au même niveau que la Jordanie et la Syrie.

La Tunisie (802 millions d’euros), le Maroc (455 millions d’euros) et la Libye (128 millions d’euros) sont distancés », résume une étude portant sur la délocalisation des investissements arabes dans les pays du Maghreb. Mais force est de constater que «les Emirats arabes unis sont les plus actifs. Ils distancent très nettement l’Arabie saoudite (3,8 milliards d’euros) et le Koweït (3,2 milliards d’euros).

Les groupes émiratis, notamment de services (Dubaï Ports Authority, Emirates Bank international), les sociétés immobilières (Emaar) ou les fonds d’investissement (Mubadala Development Company, Dubaï Holding, Emirates International Investment Company) sont les fers de lance d’ambitieuses politiques d’internationalisation et de prises de participations à l’étranger», souligne la même source.

L’économiste Nachida Bouzidi reprend minutieusement le bilan des investissements arabes qui, selon elle, représentent depuis 2007 «264 projets, soit 60 % du montant total des IDE à destination de l’Algérie». Entre 2001 et 2007, un montant global de 524 milliards de dinars (7,2 milliards de dollars) a été investi par les monarchies du Golfe, selon un autre bilan fourni par le ministère de l’Industrie et de la Promotion de l’investissement.

L’ALGÉRIE ATTEND TOUJOURS SES PROJETS

L’économiste Nachida Bouzidi considère que dans un tel contexte fait «d’annonces, de retraits, de nouvelles annonces, il est très difficile d’évaluer avec exactitude l’investissement direct arabe en Algérie, même si l’on sait que l’intention de «participer au développement de l’économie algérienne est régulièrement réaffirmée par les dirigeants des groupes émiratis, koweitiens et même égyptiens».

Ces derniers, selon la spécialiste, viennent en tête des investisseurs arabes avec 27 projets pour un montant de 136 milliards de dinars, soit 1,9 milliards de dollars, suivis des Emirats arabes unis avec 5 projets (1,1 milliards de dollars) et le Koweït avec 2 projets (1,2 milliards de dollars). Toutefois, l’ampleur de ces projets ne pouvait pas s’attendre à un quitus des responsables en charge de l’investissement.

Des retards sur certaines réalisations ne font qu’enfoncer les clés de l’inquiétude. Il y va ainsi de la construction d’une aluminerie à Beni Saf pour 5,1 milliards de dollars et d’une station touristique au niveau de la plage Colonel-Abbès d’Alger par le groupe émirati Emaar, qui est actuellement en difficulté financière, ainsi que du projet d’une cité de la santé à Staouéli (Est d’Alger) qui n’a pas encore vu le jour.

Pour l’heure, l’un des projets qui est venu à bout des résistances est celui de la concession du port d’Alger, dont l’attributaire n’est autre que Dubaï Port World (DPW), qui dispose de 30 ans de concession. Le but du partenariat étant de moderniser le port et le terminal des conteneurs avec en sus l’extension de ports secs. Mais celui du port de Djendjen n’est pas facile à acquérir, d’autant que les partenaires n’ont rien signé comme acte officiel.

«Ces pays disposent en quelque sorte de matelas financiers abondants et de fonds souverains qui leur permettent d’avoir de l’épargne disponible à tout moment», indique une source du Cercle des économistes arabes pour lesquels «les pays du Golfe cherchent à investir dans des projets à retour sur investissement rapide». Selon certaines indiscrétions, les engagements de certains projets émiratis s’élèvent à près de 20 milliards de dollars.

On peut évoquer, dans ce sens, les difficultés du géant émirati Emaar qui aurait déjà mis en veilleuse certains de ses projets de construction de complexes immobiliers. «Le saoudien Sidar, qui envisageait d’aménager de nouveaux complexes touristiques sur la côte algérienne, aurait cédé le pas à d’autres groupes mais qui n’ont pas également l’intention d’investir», analyse Walid Kefi, dans le magazine «Les Afriques», édition du 14 juin.

La même source cite «plusieurs professionnels de l’immobilier qui estiment, toutefois, que l’inadéquation entre les exigences de rentabilité élevée des investisseurs du Golfe et la bureaucratie parfois tatillonne au Maghreb seraient à l’origine du gel de certains projets».

L’autre raison, et non des moindres, est celle liée à l’incidence négative de la crise financière mondiale. Le chef de la diplomatie koweïtienne, cheikh Mohammad Sabah al-Salem al-Sabah, avait annoncé récemment que la crise a coûté aux monarchies pétrolières du Golfe une perte de 2 500 milliards de dollars depuis octobre dernier.

Dossier de Faycal Abdelghani