Les producteurs affiliés au Syndicat algérien de l’industrie pharmaceutique (Saip) décident de poursuivre leur politique d’investissement sans jamais exiger quoi que ce soit de la part de l’État.
Ils maintiennent ainsi leur position prônée il y a deux décennies où la situation sécuritaire et financière de l’Algérie était des plus défavorables. Au moment où les résidants étrangers fuyaient et les investisseurs d’outre-mer mettaient notre pays sur la liste noire, ces fabricants locaux continuaient à investir et créaient des usines et des emplois dans le secteur du médicament.
Maintenant que l’environnement socioéconomique du pays s’est amélioré, marqué par une stabilité politique et sécuritaire, une embellie financière inouïe et un marché prometteur, des multinationales se découvrent à brûle-pourpoint un intérêt soudain, voire un amour fou pour l’Algérie. Parmi ces étrangers, l’on observe les intentions des Américains qui projettent l’édification d’un pôle de biotechnologie à Sidi-Abdallah.
Or, les opérateurs du pays de l’Oncle Sam traînent toujours leur complexe de premier inventeur et de détenteur de technologie qu’ils traduisent en exigences un peu exagérées pour venir investir et transférer leur savoir-faire en Algérie. C’est le cas des laboratoires pharmaceutiques US qui comptent lancer le pôle. Dès le départ, ils exigent des autorités algériennes la création d’un comité interministériel composé des départements de la Santé, du Travail, du Commerce, de l’Industrie et des Finances, lié directement au Premier ministre. Rien que ça ! Ils conditionnent également leur venue par la mise sur la table d’une enveloppe financière conséquente, des parcelles de terrain et la levée de tous les blocages bureaucratiques… Leurs conditions semblent disproportionnées par rapport à ce que demande un tel projet. En plus, la biotechnologie, est-ce vraiment une priorité actuellement en Algérie quand on sait que les simples antibiotiques, anti-inflammatoires… ne sont pas disponibles en quantités suffisantes de manière régulière ? “Est-il logique qu’un père de famille promette à ses enfants du caviar alors qu’il n’arrive même pas à leur garantir un simple repas ?” s’interroge avec un brin d’ironie un des membres de Saip.
Pôle de biotechnologie : quelle opportunité ?
Pour celui-ci, la biotechnologie a été d’ores et déjà introduite en Algérie en 2004 par le laboratoire Lad Pharma à travers la commercialisation de produits cubains, notamment le facteur de croissance épidermique (Fce) issu de la biotechnologie cubaine. Quatre années plus tard, il a placé sur le marché national un deuxième produit émanant de la biotechnologie du même pays pour le traitement de l’ulcère du pied diabétique. “Naturellement, l’Algérie peut fabriquer ces produits avec des molécules issues de la biotechnologie. Il me semble encore tôt, en revanche, de créer un pôle dédié entièrement à la biotechnologie compte tenu du fait que notre pays reste dépendant à 80% de l’étranger pour les médicaments classiques”, estime cet adhérent du Saip. Il ne rate pas l’occasion, en outre, pour dénoncer ces quelques “importateurs qui, après avoir endossé le costume de fabricants locaux, mettent la robe d’avocat afin de défendre les intérêts des multinationales…”, déplore-t-il. Aujourd’hui, la technologie, explique-t-il, n’est plus l’apanage des pays du Nord exclusivement.
Car, ces derniers s’approvisionnent eux aussi en tous produits de l’Asie. “Il faut au contraire lutter contre la rupture de stock qui demeure un souci majeur pour notre pays”, ajoute-t-il. L’Algérie accuse un retard énorme, pourtant elle dispose de tous les atouts en comparaison à la Tunisie. Ce pays continue à protéger son économie et sa production locale en dépit de son adhésion à l’OMC. La production locale tunisienne a, en l’espace de 7 années, réussi à couvrir, précise notre interlocuteur, environ 60% des besoins nationaux en médicaments.
“Maintenir la liste des produits interdits à l’importation”
Leur politique est fondée sur le principe : un produit fabriqué localement est interdit à l’importation. Le même topo est observé chez les voisins marocains où les producteurs locaux assurent un taux de couverture de la demande estimé à 80%.
En Algérie, 50 ans après l’Indépendance, la production nationale couvre à peine 30% de ses besoins. Une chose est certaine, le Saip, de la bouche de ce membre, ne pose aucune condition, contrairement aux multinationales, pour lancer des projets d’investissement dans l’industrie pharmaceutique. Toutefois, la seule chose que le syndicat demande, dans la mesure du possible, et qui constitue d’ailleurs “une preuve d’encouragement à l’égard de l’investisseur local, c’est de continuer à enrichir la précédente liste de produits fabriqués localement interdits à l’importation”, affirme-t-il. Tout en reconnaissant que le recours au marché international est inévitable pour une meilleure disponibilité des médicaments, il souhaite, néanmoins, que les responsables concernés optent pour des importations utiles.
“On ne peut pas se passer des importations mais il faut importer des produits majeurs et vitaux qui ne sont pas fabriqués localement afin d’éviter une asphyxie à la production nationale”, suggère-t-il.
B K