Médicament ,gouvernement Le lobby ,l’importation impose son diktat

Médicament ,gouvernement Le lobby ,l’importation impose son diktat

Des pratiques irrégulières sont enregistrées sur le marché au détriment de la production nationale.

Les opérateurs pharmaceutiques dénoncent le lobby des importateurs qui continue, selon eux, à exercer son diktat sur le marché national du médicament. En dépit de la décision du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, d’interdire l’importation de tout produit pharmaceutique fabriqué localement, mesure entérinée par le ministre de la Santé, Djamel Ould-Abbès, ce groupe de pression a su comment déjouer cette réglementation.

Il a ainsi imposé, faisant fi de cette règle gouvernementale, le principe de la nécessité d’existence de trois fabricants locaux d’une même DCI (dénomination commune internationale) pour prétendre à cette interdiction d’importation. Pis, il n’a même pas tenu compte des capacités de couverture des besoins nationaux. Une nouvelle liste de médicaments interdits à l’importation circule actuellement sous le manteau.

“Même si ce principe a été déjà appliqué partiellement à la liste de 2008, suivant une note de l’ex-directeur de la pharmacie, datant de mars 2009, il n’en demeure pas moins que celle-ci (la liste de 2008) a été soumise, de nouveau, à ce principe”, indique un des opérateurs. Dans cette note adressée à tous les intervenants sur le marché, l’ex-directeur de la pharmacie au ministère de la Santé, rappelle-t-on, fixait les critères d’interdiction à l’importation des produits fabriqués localement. La première condition indique que pour “plus de deux ou trois fabricants locaux satisfaisant le marché, le médicament concerné est interdit à l’importation”, lit-on dans cette note. La deuxième exige que pour “un seul fabricant local, même s’il satisfait les besoins nationaux (année 2009), nous impose, dans le but de sécuriser le marché, d’importer un stock stratégique”, souligne le courrier de l’ex-directeur de la pharmacie. Le troisième critère affirme que si un seul producteur “satisfait le marché mais pour des produits de niche (moins de

100 000 unités-ventes), le médicament en question est interdit à l’importation”. Les premiers à subir les effets négatifs de cette nouvelle situation sont les fabricants locaux qui ont consenti beaucoup d’investissements et créé des centaines de postes d’emploi. Ceux-là mêmes qui disposent de capacités importantes et avérées, notamment en ce qui concerne leur large gamme et leur aptitude à couvrir la demande nationale. L’on peut citer le groupe Saïdal et les laboratoires privés tels que Salem, Lam, Lad Pharma, Isopharm… “Des médicaments produits à profusion en Algérie comme le fer ou ferriques donneront de ce fait la possibilité aux importateurs de reprendre leur importation ou continuer à les introduire sur le marché national aux dépends de l’industrie pharmaceutique locale”, déplore notre source. Notre interlocuteur regrette aussi le fait que ce lobby défie le gouvernement en portant un coup dur au programme présidentiel en matière de médicament. Il s’interroge sur le sort que réserveront les producteurs locaux, asphyxiés par de tels agissements des importateurs, aux centaines de postes d’emploi qu’ils ont créés.

Confusion totale

sur les listes de produits interdits à l’importation

Il est à noter que la liste des produits pharmaceutiques interdits à l’importation suscite toujours moult réactions parmi les acteurs du marché en Algérie. Si une liste de 102 médicaments concernés par cette mesure a été arrêtée en décembre dernier par le ministère de la Santé au cours d’une rencontre avec les opérateurs, les mécanismes de son application, en revanche, restaient encore flous. Des producteurs contactés avouaient ne pas appréhender de manière claire les modalités de mise en œuvre de cette décision. Le lot des 102 médicaments est scindé, en fait, en trois listes. La première, frappée d’une interdiction d’importation totale, est établie dans le cas où trois fabricants se seraient engagés pour la production de ces médicaments.

La tutelle ne précise pas, cependant, les quantités exigées. “Comment allons-nous nous répartir les quantités à fabriquer entre producteurs ?”, s’est interrogé un des opérateurs, qui a mis l’accent sur les zones d’ombre qui entourent ce dispositif. La deuxième liste est élaborée lorsque deux producteurs se sont manifestés. Devant pareille situation, l’interdiction est partielle. En termes plus exacts, les 2/3 des produits sont fabriqués localement et le 1/3 sera importé. Les opérateurs, qui ont pris part à cette réunion, ne sont pas informés, par contre, sur les quantités exigées de cette deuxième catégorie.

La troisième est fixée pour les médicaments dont la fabrication intéresse seulement un producteur. À ce moment-là, les 2/3 de ce lot sont autorisés à l’importation et le 1/3 interdit. Les industriels déplorent le fait de ne pas être destinataires des listes et des quantités de produits pharmaceutiques ciblés dans toute cette opération. “On nous a parlé de répartition de 1/3 ou de 2/3 sans plus de précision”, regrettent-ils. De telles “imprécisions et irrégularités laissent la porte ouverte à tous les excès”, souligne un autre fabricant. Or, a-t-il suggéré, les quantités peuvent être déterminées aisément. “Il suffit de demander aux importateurs des données sur leurs importations. Ce qui peut être fourni par les factures domiciliées aux banques des deux derniers exercices. Par le biais de ces informations, l’on peut fixer une moyenne de consommation annuelle d’un produit”, a-t-il proposé. Cette demande pourra être un “préalable pour la signature du programme d’importation si l’importateur refuse de fournir ces renseignements”, a-t-il ajouté. Ce travail peut facilement être accompli et ne peut durer plus d’une journée.