Sur le plateau de l’émission Controverse sur Dzair TV
Sur les 12 chaînes de télévision privées algériennes qui gravitent sur le satellite Nil Sat, seules trois ou quatre risquent de tirer leur épingle du jeu électoral de la présidentielle 2014.
Alors que l’avant-projet de loi sur l’audiovisuel est programmé à l’APN, les télés privées algériennes qui sont déjà sur le terrain s’activent pour la médiatisation de la présidentielle 2014. Ces télés n’obéissent à aucune tutelle gouvernementale et ont en principe les mains plus libres que la télévision publique qui est soumise, elle, à un cahier des charges très strict et à des directives venant du ministère de la Communication. Mais sur les 12 chaînes privées algériennes qui gravitent sur le satellite Nil Sat, seules trois ou quatre risquent de tirer leur épingle du jeu électoral de la présidentielle 2014. C’est le cas pour Ennahar TV, Dzair TV, Echourouk TV et Al Atalas TV. Les autres, comme Al Djazairia TV, Numédia News TV ou encore Hogar TV et surtout L’index Tv, n’ont pas les moyens financiers et le poids politique pour couvrir une élection présidentielle qui risque d’être longue et surtout risquée pour l’existence de ces chaînes.
Il faut dire que les télévisions publiques ou privées dans le monde jouent un rôle important dans une élection présidentielle. C’est d’ailleurs à travers le passage des candidats dans des émissions de débat et surtout les duels télévisés du second tour, que sera fixée l’élection présidentielle. C’est généralement ce qui se passe dans les grandes démocraties du monde, comme aux Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France ou plus récemment en Allemagne, avec l’élection d’Angela Merkel. En Afrique, le rôle de la télévision, lors d’une présidentielle, a connu une avancée considérable, notamment en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire lors du duel entre Gbagbo et Ouatara.
Comment va réagir la Cnisep face aux télés privées?
En Algérie, la culture de la médiatisation de la présidentielle par les télévisions privées va commencer en 2014, avec l’entrée en lice des chaînes off shore. «Officiellement» ces télévisions ne seront pas autorisées à accueillir un candidat en course pour la présidentielle. Seule la télévision publique, l’Eptv, qui dépend du ministère de la Communication, est autorisée par la Cnisep (Commission nationale indépendante de surveillance de l’élection présidentielle) à organiser des débats avec les candidats admis par le Conseil constitutionnel, mais rien n’interdit que des candidats s’expriment sur des télévisions étrangères. Les passages des candidats à la présidentielle ne peuvent se dérouler que sur le plateau d’une seule télévision: l’Eptv. Mais il n’est pas exclu que ces candidats s’expriment sur les télévisions étrangères. On se souvient que le candidat Bouteflika avait été interviewé par Ahmed Mansour sur Al Jazeera lors de la campagne de la présidentielle de 1999, tout comme le candidat du FFS, Hocine Aït Ahmed. La télévision publique française France 2 avait également joué un grand rôle lors des élections législatives de 1991, quand elle a interviewé Abassi Madani.
Mais la télévision des années 1990 n’est pas celle de 2014, donc il n’est pas exclu que les candidats s’expriment sur les nouvelles télévisions privées, du fait qu’elles sont de droit étranger.
De plus, avec l’arrivée des nouvelles technologies et la possibilité de filmer les erreurs des candidats et surtout la rapidité de diffusion des images via YouTube, cela va obliger les candidats à faire attention à leur image et à régler leur campagne plus sur l’image que sur le contenu des discours.
En 2004, la chaîne Khalifa News, qui était interdite à Alger et qui diffusait de Londres des images filmées «clandestinement» à Alger, s’était impliquée dans la campagne présidentielle, en favorisant la candidature de Benflis, mais cela n’a pas eu d’influence sur les choix des électeurs.
Cette déviation éditoriale a freiné l’ouverture audiovisuelle aux chaînes de télévisions privées, mais avec la révolution satellite, les Algériens étaient obligés de prendre leur destin en main et créer des télévisions privées en louant simplement des faisceaux satellitaires. Mais l’erreur de Khalifa News ne risque pas d’être rééditée. C’est ainsi qu’avec l’arrivée depuis 2012, d’Ennahar TV, Echourouk TV et d’Al Dajzairia TV, les choses ont changé.
Eviter l’expérience de Khalifa Newsen 2004
La présidentielle 2014 sera donc le premier test pour ces télévisions privées pour tenter d’organiser des débats politiques de qualité et surtout assurer la couverture de la campagne électorale durant plus de 17 jours.
La gestion d’une télévision est lourde et surtout budgétivore. Les télévisions privées ne bénéficient d’aucune subvention gouvernementale et ne doivent leur survie qu’à la publicité. A part le mois sacré du Ramadhan où la publicité et les grands annonceurs, notamment ceux des opérateurs de la téléphonie mobile et de l’agroalimentaire, sont abondants, le reste de l’année la publicité se faire rare.
Du coup, seules trois ou quatre chaînes de télévision possédant une couverture publicitaire peuvent survivre à la bataille audiovisuelle de la présidentielle 2014.
Parmi elles, Dzair TV. C’est la seule télévision privée qui appartient à un riche homme d’affaires en l’occurrence, Ali Haddad, considéré comme le «Bouygues algérien». Même si la comparaison est osée, Dzair TV est à l’Algérie ce que TF1 est à la France.
Dzair TV dont les programmes s’améliorent, bénéficie de conseils précieux d’un ancien DG de l’Entv. Son émission de débat en français Controverse animée par l’ancien journaliste de la Radio internationale Khaled Drareni, concurrence de plus en plus l’émission de Canal Algérie Question d’actu de Ahmed Lahri.
D’autres émissions en arabe sont également prévues.
L’autre télévision privée à s’affirmer sur le champ audiovisuel est Ennahar, dirigée par Anis Rahmani.
Les émissions de débat et de témoignage animées par les deux journalistes confirmés, Youcef Battache et Habet Hannachi, battent tous les records d’audience sur Ennahar TV. Cette dernière qui avait fait un grand travail de médiatisation durant l’affaire Tiguentourine et qui avait diffusé des images exclusives sur son canal, pourrait jouer un rôle déterminant durant cette présidentielle. La troisième télévision qui aura son mot à dire dans cette élection c’est Al Atlas TV. Appartenant à un homme d’affaires inconnu, elle s’est offert les services de l’ex-journaliste d’El Arabiya et Med 1TV, Leila Bouzidi. Cette dernière prépare une émission de débat politique à l’américaine, qui fera le tour des partis et des candidats.
Ennahar Tv, Dzair Tv, Echourouk Tv et Atlas Tv en pointe
Enfin, la dernière télévision à avoir son mot à dire lors de cette présidentielle, c’est Echourouk TV. Cette dernière qui n’a pas été à la hauteur des attentes des téléspectateurs algériens et qui a perdu de nombreux animateurs et producteurs tentera de se rattraper avec l’élection présidentielle de 2014. Elle possède déjà une émission de débat politique assez importante Houna El Djazair, et est à la recherche d’une grande figure de la télévision pour animer l’émission de débat avec les candidats. Même si ces télévisions s’affirment de jour en jour sur le paysage audiovisuel, elles ont un grand handicap, elles ne possèdent pas de direct. Pour établir un direct, surtout pour annoncer le nom du nouveau président en 2014, ces télévisions doivent obtenir et payer les services du TDA, ce qui n’est pas une mince affaire.
Par ailleurs, d’autres chaînes privées se préparent à faire leur apparition durant cette présidentielle 2014, c’est le cas de Adjwa TV et d’El Khabar TV.
Enfin, reste à savoir comment va réagir le ministre de la Communication face à ces télévisions privées qui émettent de l’étranger, surtout que certaines d’entre elles adorent le scoop et risquent de perturber les tendances et donner le nom du futur président avant le ministre de l’Intérieur.