En Algérie, le rôle de l’Etat dans les affaires publiques est considérable
«La télévision est un instrument majeur du pouvoir. Elle doit demeurer une arme essentielle de la citoyenneté.»
Le rôle des médias a toujours été important à tel point qu’on a appelé les médias le «quatrième pouvoir» dont l’une des fonctions principales, à part d’informer, est d’observer de manière critique les trois autres pouvoirs: le législatif, l’exécutif et le judiciaire. En Algérie, où le rôle de l’Etat dans les affaires publiques est considérable, le rôle des médias comme instrument critique du pouvoir a été d’autant plus grand. Notre pays a admirablement réussi l’aventure de la presse écrite caractérisée par une liberté d’expression et de ton unique dans le Monde arabe. Aujourd’hui dans le sillage des réformes politiques décidées par le Président Bouteflika, notre pays est en voie d’ouvrir le champ audiovisuel à l’initiative privée. Le processus prendra du temps car c’est un secteur très sensible, mais une chose est certaine: des chaînes privées algériennes, dans le cadre d’une loi algérienne et appartenant à des Algériens et en Algérie, seront bien là.
En attendant, pourquoi ne pas libéraliser notre chère unique Entv de son modèle de fonctionnement actuel et de la transformer en puissant groupe de télé public? Une télé qui sera avec les futures autres chaînes privées nationales le puissant bras médiatique qui fait défaut présentement à notre Pays.
L’exemple de Al Jazeera est à méditer. Voilà une chaîne qui est devenue un nom commun, une marque Monde, qui a contribué au rayonnement du petit Emirat, cet Etat-entreprise qu’est le Qatar. Rien qu’à voir les programmes de cette chaîne, on a l’impression que le Qatar est une grande démocratie alors que dans l’absolu, à l’instar des autres monarchies du Golfe, c’est un pays politiquement fermé et qui est très loin d’être un modèle de démocratie et de liberté.
Chez nous, on n’a pas attendu «le Printemps arabe» pour instaurer la démocratie, on y est depuis plus de vingt ans avec des hauts et des bas, mais hélas, notre Télévision nationale n’a pas su accompagner ce processus mis à part durant la période du regretté Abdou B. où cette télé avait joué son rôle de média public avec beaucoup de professionnalisme et de dextérité.
L’Entv doit se transformer en un groupe de télévision public comme l’a été en France la chaîne publique Antenne 2 qui est devenue aujourd’hui le puissant groupe France Télévisions qu’on connaît, dont le capital est exclusivement détenu par l’Etat français comme l’est notre Etat dans le capital de l’Entv.
Pourquoi pas un groupe Télévision algérienne qui sera le groupe audiovisuel public, éditeur de plusieurs chaînes de télé avec des offres foisonnantes par des ouvertures sur divers sujets absents ou peu exploités aujourd’hui?L’Entv est à la croisée des chemins; elle doit retrouver son prestige et son rayonnement d’antan.
Le dernier changement qualitatif opéré avec la nomination d’un nouveau patron à la tête de l’Unique en la personne du talentueux Toufik Khelladi, va dans ce sens. L’homme n’est pas un novice, il connaît parfaitement les arcanes du monde des médias, il a les qualités morales et professionnelles pour sortir l’Entv de sa torpeur et de sa léthargie.
Faire de notre télé publique un puissant groupe médiatique qui sera le défenseur des intérêts stratégiques de notre pays et le digne porteur de ses valeurs sacrées, voilà le grand chantier qui attend le nouveau patron de l’unique.
L’éventuel futur groupe de télé publique aura un rôle indispensable de créateur de lien social; il doit être un élément fédérateur et surtout un garant de l’expression démocratique de la Nation, et doit être le reflet des mutations de la société tout en s’adaptant au nouvel environnement international. Oui, il y a de la place pour un groupe audiovisuel public avec de véritables chaînes d’information en continu, de divertissement, de connaissance et de sport.
La Télévision algérienne, version Khelladi, est très attendue avec beaucoup d’espoir. Le nouveau patron de l’Unique est conscient qu’une mue s’impose et qu’il doit faire usage de toute son habileté légendaire et de son talent de bon communicant pour convaincre l’actionnaire unique et exclusif de l’Entv, à savoir l’Etat, de l’urgence d’un nouveau modèle de fonctionnement de ce stratégique et sensible média et des transformations radicales qui s’ y imposent.