Medhi Lacen : «Il faudra qu’ils nous passent sur le corps pour nous battre à Annaba»

Medhi Lacen : «Il faudra qu’ils nous passent sur le corps pour nous battre à Annaba»

Fidèle à sa franchise, Medhi Lacen a tenu à nous apprendre des vérités crues sur ce qu’il vit à Santander. Dans cette dernière partie, il est question de la face cachée de la Liga, mais aussi de quelques confidences sur le Mondial. Mais pas que ça, puisque Lacen revient sur le match du 27. «Je voudrais voir les Algériens fiers de nous au coup de sifflet final», nous a-t-il confié dans cet entretien extrêmement passionnant.

Vous vous sentez plus respecté en Algérie qu’en Espagne …

Oui, et je trouve que c’est normal. Ici en Espagne, même si je pense qu’aujourd’hui, je suis un joueur confirmé, après trois ans de Liga comme titulaire régulier, les gens, bien qu’ils me connaissent, je reste à leurs yeux comme un joueur de Santander, c’est tout. Et pour eux, ça ne vaut pas grand-chose.

C’est de la hogra, de l’injustice ?

Oui, mais ça se passe comme ça ici. Si tu mets en première page de As national où va signer Lacen l’an prochain, les gens s’en fichent. Le journal ne se vendra même pas.

C’est comme chez nous, il y a des clubs qui sont plus avantagés que d’autres médiatiquement parlant…

Eh bien, c’est pareil ici aussi. Si tu mets mon nom en première page, les uns vont te dire c’est qui ? Et les autres vont dire on s’en f… On préfère le people de Cristiano Ronaldo que de leur parler de l’avenir des autres joueurs de la Liga.

Vous comprenez au moins les besoins commerciaux des journaux ?

Je comprends, certes, mais franchement, ça me saoule cette médiatisation excessive du Barça et surtout du Real Madrid. Quand on prend le journal Marca, c’est 10 à 12 pages tous les jours qui sont consacrées au Real. C’est tout de même costaud d’écrire chaque jour 12 pages sur le même club, non ? Il faut en avoir des choses à raconter !

Vous les lisez au moins ces journaux ?

Franchement, ça ne m’intéresse même pas de lire ce qu’ils écrivent. Ça fait bien longtemps que je me suis déconnecté de ces choses-là. J’ai compris, si vous voulez, que je ne suis pas concerné par ce qu’ils écrivent. On n’existe que le jour où on joue contre le Real et le Barça, soit quatre matchs dans la saison. Ou alors en coupe du Roi, si tu vas loin, comme nous la saison dernière quand on a atteint les demi-finales. C’est tout.

Quand vous faites une passe décisive contre le Real Madrid, on la note au moins ?

Oui, mais vite fait. Ils te mettront : «Lacen a fait une passe D à Kennedy, contre le Real» et c’est tout. Quand on voit un journal qui s’appelle El Diario, qui écrit encore que Medhi Lacen est un Franco-Tunisien, alors que je suis en Espagne depuis trois ans et que j’ai joué la Coupe du monde avec l’Algérie, je me pose bien des questions. Si au moins j’étais en Espagne depuis trois semaines seulement, j’aurais peut-être compris. Ils ont bien vu que j’avais joué avec l’Algérie au Mondial et ils arrivent à mettre Franco-Tunisien ! Soit ils ne connaissent pas le football, soit ils font exprès. Ça fait tout de même trois saisons que je joue en Espagne !

Au Buteur, on a écrit un article sur cette passe décisive et certains nous l’ont même reproché ! On n’aurait pas dû le faire, selon vous ?

Moi, sans être demandeur, je dois reconnaître que ça me fait plaisir que mes compatriotes me soutiennent en mettant en exergue mes réalisations sur le terrain. Mais encore une fois, je ne vais pas chercher dans les journaux si on écrit sur moi ou pas.

Si c’était Messi, Ronaldo ou Özil qui avait fait la même passe décisive que la vôtre, on aurait écrit quoi en Espagne ?

Ah, si c’est eux, elle repasse plusieurs fois par jour aux infos et on dira : «Regardez, le génie d’Özil ! Elle passe entre les jambes du défenseur qui n’a rien pu faire». Avec moi, ils diront : «Lacen a eu de la chance que le ballon soit passé entre les jambes du défenseur !», alors qu’avec Özil, ça va être uniquement le talent. C’est triste, mais c’est comme ça. (Il sourit).

On s’est amusé à noter ce que vous avez fait face au Real et ça a donné ceci : en première mi-temps, vous avez totalisé 9 bonnes passes, 5 ballons récupérés, 9 balles perdues. Par contre en seconde mi-temps, c’est beaucoup mieux. 12 bonnes passes, 6 ballons récupérés et deux balles perdues seulement, avec en prime une passe décisive. Un commentaire ?

En première mi-temps, c’était horrible ! Je n’ai pas été bon du tout. Je l’ai bien senti sur le terrain. C’est une question de confiance. Moi, j’aime bien être rassuré sur mes premiers ballons, faire des passes précises d’entrée et entrer tranquillement dans le match. Je me souviens contre le Real, je voulais contrôler mon premier ballon de la semelle mais il m’échappe, la deuxième balle aussi est ratée, la troisième c’est pareil. Forcément, on commence à douter un peu. Je faisais des choses que je ne fais jamais d’habitude. En première mi-temps, on a été tous horribles face au Real.

Qu’est-ce qui vous empêche de jouer contre le Real, c’est le nom du club ?

Déjà, c’est vrai, tu as le Real Madrid en face ! Ce n’est pas rien. Il y a aussi leur début de match qui a été impressionnant. Avec un pressing haut, d’entrée de jeu. On ne s’y attendait pas de la part du Real. Contre le Barça, on sait que le pressing est haut pendant tout le match, car c’est quasiment impossible de sortir le ballon face à Barcelone. Les joueurs du Real, ils te laissent un peu de répit en se mettant un peu derrière et te laissent ressortir le ballon.

C’est peut-être la même manière de presser que cherche à insuffler Mourinho au Real, non ?

Le Real joue différemment lorsque Cristiano Ronaldo n’est pas sur le terrain. C’est beaucoup plus fluide sans lui.

Vous auriez aimé que Cristiano Ronaldo joue contre vous ?

Personnellement, je préfère qu’il ne joue pas. Comme ça en moins, on a plus de chance de gagner (il sourit). Mais pour gagner contre le Real, il fallait faire beaucoup moins d’erreurs. Ce qu’on n’a pas su faire, malheureusement. Les mauvaises passes se sont enchaînées et ça a donné un mauvais rendement de l’ensemble. En deuxième mi-temps, ça allait un peu mieux, mais j’aurais aimé qu’on joue comme on l’avait fait contre Séville ou le Villareal. Mais là encore, ce n’était pas les mêmes joueurs en face. C’est beaucoup plus dur quand tu as le Real Madrid en face.

Qu’est-ce qui risque de changer au Racing avec l’arrivée de Mister Ali ?

Ce que je voudrais qu’il fasse d’abord, c’est de nous payer ! Le groupe s’est réuni avec le nouveau patron cette semaine, moi je n’y étais pas, et il leur a dit qu’on allait nous payer le mois de février, puis apparemment ce qu’il reste de la saison dernière…

Quoi ? Vous n’avez pas été payés la saison dernière ?

Moi, on me doit 70% de la saison dernière. On ne me les a pas encore payés.

Franchement, on tombe de haut, là. Un club qui joue dans la Liga espagnole et qui ne paie pas ses joueurs ?

Eh bien, figurez-vous que dans les ¾ des clubs de la Liga espagnole, c’est comme ça que ça se passe. Les joueurs ne sont pas payés régulièrement et on le fait souvent avec une année de retard. En fait, en Espagne, les clubs attendent d’avoir l’argent des droits télé pour payer les joueurs. Cette saison, par exemple, ils ont obtenu l’argent des droits télé au mois de septembre, pour payer une partie de la saison d’avant. Ils ne pouvaient donc pas tout payer. Et ça se passe pareil dans les ¾ des clubs de la Liga. Ils sont tous endettés. Il y a quelque chose comme 14 millions d’euros de dettes. Mais ici, c’est rien. Le jour où il y aura une direction européenne de contrôle et de gestion, beaucoup de clubs espagnols déposeront la clé sous le paillasson.

Pensez-vous que l’arrivée de Mister Ali vous permettra de rester au Racing Santander la saison prochaine ?

Je pense aussi que ça va dépendre aussi du discours du coach. Sur ce plan-là, je suis assez rassuré de sa part, puisqu’il m’a déjà dit qu’il voulait que je reste. Il m’a dit : «Je sais qu’il y a des clubs qui te veulent, mais moi, je te demande juste de patienter un peu, avant de signer ailleurs ; le temps que le club te fasse une autre proposition, car les choses vont bien changer au Racing.» C’est vrai que ça commence à bouger au Racing. Ils sont en train de construire un nouveau centre d’entraînement, mais ils ont dû arrêter les travaux, faute d’argent. Avec lui (Mister Ali), les travaux vont reprendre en principe. Ça va nous changer des préfabriqués qui nous servent de vestiaires, car les conditions dans lesquelles on s’entraînent, je ne les ai même pas vues dans une équipe de CFA 2 en France. Parfois, je suis obligé de rentrer chez moi pour me doucher, parce qu’il n’y a pas d’eau ! Ou alors, quand tu te douches en dernier, il n’y a plus d’eau chaude. Voilà la réalité au Racing.

Les Algériens vont être choqués d’apprendre cette face cachée de la Liga…

Oui, c’est bien de dire les choses comme on les vit au quotidien. Car les gens, en parlant de la Liga, pensent tout de suite au Barça, au Real, à Valence et à tout l’argent qu’ils dépensent. Mais ici, c’est Santander. Mais c’est vrai qu’on nous a promis que ça va changer. Si on a eu les préfabriqués, c’est parce que le club a voulu construire quelque chose qui soit digne d’un pensionnaire de la Liga. Mais faute d’argent, les travaux sont à l’arrêt. Et du coup, ça fait plus d’un an qu’on se change dans les préfabriqués. Ne croyez pas qu’en Espagne, c’est la belle vie, le soleil et l’argent. Ce n’est pas vrai pour tout le monde.

Qu’en est-il de l’information parue dans AS et qui vous donnait partant pour Getafe ?

Les journalistes de AS sont malins. Ils sortent cette information exprès la veille du match que je devais jouer contre Getafe. Ils pouvaient la sortir à un autre moment, mais ils ont préféré la sortir la veille du match contre Getafe.

Au Buteur, on a donné cette info il y a environ quatre mois. Vous confirmez au moins cet intérêt ?

Oui, l’intérêt de Getafe est bien réel. Je dirais même que c’est le club qui a été le plus clair avec moi en me faisant une offre sérieuse.

Vous avez discuté avec les responsables de Getafe ?

Oui, j’ai discuté avec eux.

Et vous trouvez leur offre à la hauteur de vos attentes ?

Je dirais, qu’au jour d’aujourd’hui, c’est Getafe qui m’a fait la meilleure offre. Elle est supérieure à celle de Santander.

Vous vous éloignez donc du Racing Santander ?

Après, cela dépendra du coach s’il reste et si on me fait une offre similaire à celle du Racing. Si c’est le cas, oui, je resterai à Santander, sinon…

Quels sont les clubs qui vous ont contacté jusque-là ?

De manière sérieuse, il n’y a que Getafe qui m’a fait une proposition claire, avec des chiffres et des dates. Après, il y a d’autres clubs qui se sont rapprochés de moi, mais qui veulent attendre la fin de la saison pour se décider. Pour ma part, je préfère me concentrer sur le concret.

Vous a-t-on contacté aussi de l’étranger ?

Oui, j’ai eu des touches de clubs grecs, comme l’Olympiakos et l’AEK.

Ce sont de bons clubs, non ?

Oui, mais le problème avec la Grèce, c’est qu’il y a eu huit agents différents qui m’ont appelé de la part de ces clubs. Et là, ça devient moins sérieux. J’ai aussi reçu une offre venant d’un club d’Ukraine que dirige l’ancien entraîneur de Séville et du Real Madrid, Juande Ramos (le Dnipro Dnipropetrovsk, ndlr), en plus d’un autre club russe où évolue actuellement Cesar Navas, un ancien joueur du Racing. Je crois que c’est Rubin Kazan. Mais si on me fait les mêmes offres en Espagne, je préfèrerai rester ici, ça c’est sûr. D’un autre côté, après trois ans passés à Santander, si j’ai mieux ailleurs, franchement, ça ne me dérangerait pas de bouger. Si je n’ai pas prolongé au Racing, il y a un an et demi, c’est la faute du club, pas la mienne.

Pourquoi ?

Si les dirigeants du Racing m’avaient fait la même offre que celle d’aujourd’hui, j’aurais signé les yeux fermés. Mais ils ne l’ont pas fait. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Bien des choses ont changé depuis. Il y a eu l’offre de Getafe, la Coupe du monde que j’ai jouée et plein d’autres trucs qui ont évolué et qui me poussent aujourd’hui à rester sur cette position. On verra bien comment ça va se passer dans les semaines à venir.

Quand allez-vous trancher la question de votre avenir ?

Dans un mois et demi au maximum, je déciderai de mon avenir. Je trancherai de manière définitive, après avoir étudié les offres les plus sérieuses. Je n’attendrai pas la fin de la saison, ça c’est sûr.

On va dire que, dans un mois et demi, soit vous prolongez avec le Racing, soit vous partez à Getafe, c’est ça ?

Non, parce que si entretemps, l’Espagnol de Barcelone me fait une proposition, je l’étudierai.

L’Espagnol de Barcelone ? Ils vous ont fait une offre eux aussi ?

Non, pas du concret comme Getafe. La seule offre sérieuse émane de Getafe pour le moment…

A quand remontent les contacts avec Getafe ?

La première approche remonte pendant la Coupe du monde. On était en Afrique du Sud et un intermédiaire m’a appelé pour me faire savoir que Getafe voulait me faire signer.

Vous en parlez entre vous, les joueurs de la sélection de ces contacts ?

Oui, on en parle un peu. En fait, on s’échange les informations entre nous. Genre, quelqu’un va dire qu’en Allemagne ou en Italie, c’est bien, parce qu’il y a tels avantages pour le joueur.

Est-ce qu’un joueur parmi vos coéquipiers des Verts vous aurait déjà proposé d’aller le rejoindre dans son club ?

Non, jamais. Franchement, je ne crois pas que je pourrais trouver un championnat meilleur que la Liga, malgré tous les problèmes qu’on y rencontre.

Malgré un statut de figurant du championnat ?

Oui, car il y a aussi des choses qui compensent cela. Le plus important, c’est de trouver un club qui te fasse confiance. Un footballeur doit d’abord chercher un club qui le fasse jouer, sinon, il sera triste pendant toute la saison. Même si tu es dans le meilleur club du monde, à un moment donné, si tu ne joues pas, il faut que tu partes ailleurs pour jouer. Moi, en tout cas, je cherche toujours un club qui me fasse confiance. C’est ma priorité.

Reparlons encore de ce match du 27. Les Marocains semblent persuadés de gagner à Annaba. Vous répondez quoi ?

(Il sourit). Ils sont obligés de dire cela. Nous aussi pouvons dire que nous sommes persuadés de gagner ce match. Mais ils savent parfaitement que ça va être très, très difficile de nous battre chez nous. Ils savent qu’on va jouer notre qualification sur ce match et qu’on sera surtout devant nos supporteurs. Ils savent très bien qu’ils vont beaucoup souffrir dans ce match, c’est pour cela qu’ils parlent de la sorte.

Vous allez jouer aussi votre honneur sur ce match, non ?

Oui, c’est sûr ! Et c’est pour cela qu’on ne va rien lâcher, soyez en sûrs.

Pourquoi vos adversaires ne vous respectent plus comme avant, allant jusqu’à dire qu’ils sont capables de gagner, même en Algérie ?

Je ne pense pas qu’on ne nous respecte pas aujourd’hui. C’est plus de la provocation qu’autre chose. Ils tentent de nous intimider avec ces mots, alors que je suis certain qu’au fond d’eux, ils savent parfaitement qu’ils ne sont jamais à l’abri face à l’Algérie. Ils savent qu’il suffit d’un rien pour que l’Equipe d’Algérie retrouve son vrai football. Il y a aussi le fait de jouer contre un récent mondialiste qui fait que nos adversaires veulent tout faire pour montrer qu’ils ont le niveau des mondialistes.

Vous avez sans doute des potes marocains. Ils vous disent quoi à propos de ce match ?

Oui, j’ai des potes marocains que j’ai connus à l’époque où je jouais à Laval. C’est sûr que ça chambre entre nous. Ils me disent : «Tu vas voir, on va venir, on va gagner et on va rentrer tranquillement chez nous». Je pense que les Marocains savent très bien que ça va être extrêmement difficile de nous battre chez nous. C’est vrai que dans le football, tout peut arriver, mais je suis sûr d’une chose, c’est que les Marocains vont beaucoup souffrir dans ce match. J’en ai l’intime conviction. Il faudra qu’ils nous passent sur le corps pour nous battre chez nous à Annaba.

Quand on évoque le nom de Yazid Mansouri, qu’est-ce qu’il vous vient à l’esprit aujourd’hui ? Vous culpabilisez toujours ?

Non, je ne culpabilise pas, mais je suis déçu. Très déçu pour lui.

Ça va vous rester à vie cette histoire, non ?

Oui, c’est sûr que ça va nous rester à vie. C’est vrai que ça me fait mal que ce soit passé de la sorte pour lui. Mais d’un côté, je n’y pouvais vraiment rien. Ça me fera toujours mal en y repensant. Même lui, il le sait. Je lui en ai déjà parlé.

Vous en avez parlé, après le Mondial ?

Oui, mais même pendant le Mondial, on en avait parlé. On est toujours en contact. On s’envoie des messages. Yazid, c’est quelqu’un que j’aime bien. Je n’ai jamais eu à me plaindre de lui. Il n’est jamais venu me dire : «Tu es venu prendre ma place ou des chose de ce genre.» Il a toujours été très correct et aimable avec moi. C’est un vrai gentleman.

Même en vieillissant, vous allez en reparler et il vous dira : «C’est à cause de toi que je n’ai pas joué le Mondial… »

Ah oui, il pourra toujours me le dire, c’est sûr. Mais d’un autre côté, je ne suis pas le coach et ce n’est pas moi qui ai fait le onze durant le Mondial. Je suis déçu par rapport à tout ce qu’il a apporté à l’Equipe nationale.

Vous aviez vécu cela comment, pendant le Mondial ?

J’ai essayé de rester solidaire avec lui, même si j’avais le mauvais rôle pour cela. Par exemple, moi, je voulais vraiment que Yazid puisse jouer au moins le dernier match contre les USA. Je vais vous faire une confidence. Eh bien, avant ce match, en apprenant que j’allais jouer encore titulaire et que lui allait être mis sur le banc, j’ai été voir Yaz pour lui dire que j’étais prêt à dire au coach de me sortir pendant le match pour qu’il joue.

Vous vouliez simuler une blessure et vous sacrifier pour lui ?

Non, pas simuler une blessure, mais juste demander au coach de sortir pour une raison ou une autre et lui permettre au moins de participer à la Coupe du monde.

En complicité avec Mansouri et sans le faire savoir à Saâdane ?

Non, je voulais qu’on fasse cela sans que le coach ne s’en aperçoive de rien, car je voulais vraiment que Yazid joue la Coupe du monde. A ce moment, il ne s’entendait pas bien avec le coach et c’est normal. Cela faisait dix ans qu’il était en sélection, il avait tout joué et il arrive au meilleur de sa carrière, il se retrouve bloqué.

Comment ça s’est passé par la suite ?

Et bien c’est Yaz qui a refusé. Il m’a dit : «Laisse tomber». Et puis, il savait que même si je me sacrifiais pour lui, il était certain que le coach n’allait pas le faire jouer, préférant quelqu’un d’autre à ma place.

Guedioura ?

Oui. Il savait qu’il n’allait pas rentrer.

Il vous a dit : «Si ça se trouve, tu vas le faire pour rien» ?

Oui, c’est ça… C’est mon grand regret dans cette Coupe du monde. Il s’est sacrifié grave pour cette équipe et au moment de la grande récompense, il n’y a pas goûté.

Comment aviez-vous vécu le moment où Mansouri avait décidé de faire ses valises et rentrer chez lui en plein Mondial ?

Ah, c’était vraiment dur pour tout le monde. Mais moi, j’ai tenu à garder une certaine distance par rapport à cela. Les anciens sont allés le voir pour lui dire de rester. Mais moi, je me voyais mal, dans ma position, d’aller le voir et lui parler…

C’est parce que vous lui preniez sa place ?

Oui, mais aussi parce que je venais d’arriver en sélection. Les nouveaux sont tous restés à l’écart de cette histoire. Aucun de nous ne s’est permis d’aller le voir pour lui dire :  «Non, il faut que tu restes».

Qui vous a appris que Mansouri voulait quitter le Mondial et renter chez lui ?

Je ne me rappelle pas vraiment. Je crois qu’il a pris cette décision juste après avoir appris qu’il n’allait pas être titulaire contre la Slovénie. On était en train de manger et j’ai entendu quelqu’un dire : «Yazid prépare ses valises et il veut partir». Par la suite, j’ai vu plusieurs joueurs, parmi les anciens, aller le voir dans sa chambre pour lui parler et lui demander de revenir sur sa décision de quitter le groupe. Apparemment, ils l’ont raisonné et il a décidé de rester avec nous.

Avec qui vous avez échangé votre maillot en Coupe du monde ?

Vous allez être surpris, mais je n’ai pas échangé mes maillots. Je les garde tous les trois précieusement  chez moi. Un maillot de Coupe du monde, ça se garde à vie.

Qu’est-ce que vous gardez de cette aventure avec les Verts ?

Tout, absolument tout. J’ai encore la tête pleine de bonnes choses. On a été vraiment gâtés par le président. Quand je pense qu’il nous a ramené des hélicoptères… C’était vraiment top à tous les niveaux. Ce qu’on a vécu avec l’Equipe nationale, je ne crois pas qu’un joueur parmi l’avait vécu avec son club. L’ambiance entre nous aussi était exceptionnelle. On a passé vraiment des moments inoubliables.

Le match face au Maroc va vous permettre de renouer avec cette ambiance. Vous y pensez beaucoup ?

Constamment. J’ai hâte d’y être, très sincèrement. J’ai envie que toute l’équipe se fouette pour arracher cette victoire. J’ai envie de tout donner dans ce match pour revoir le sourire sur les visages des Algériens. J’espère qu’on y arrivera à la fin du match. Je veux voir les gens fiers de nous, quand l’arbitre aura donné le coup de sifflet final.