Medelci n’a rien dit et la nuit tous les chats sont gris

Medelci n’a rien dit et la nuit tous les chats sont gris
medelci-na-rien-dit-et-la-nuit-tous-les-chats-sont-gris.jpg

Il y a comme un rite cynique à toujours choisir les instants graves pour prendre les gens pour de bonnes pommes.

La dernière galéjade du régime, reprise en chœur par une poignée de souverainistes et quelques brigades cabochardes, voudrait que notre ministre des Affaires étrangères, s’exprimant sur la prise d’otages de Tigantourine, fut victime d’une erreur de traduction de la part de l’agence américaine Associated Press dont il ne serait pas superflu de rappeler qu’elle est à l’information planétaire ce que le FC Barcelone est au football mondial, c’est-à-dire le média le plus primé au Pulitzer avec un total de 45 récompenses. Jusqu’à ce samedi 25 janvier 2013, les 3000 journalistes de ce méga-média, implantés dans 80 pays dans le monde, travaillaient sans problème dans cinq langues, l’anglais, français, l’allemand, l’espagnol et l’italien, faisant d’Associated Press le plus grand réseau de radios des États-Unis, et donc du monde. Mais voilà que surgit Mourad Medelci pour dérégler cette belle horloge qui fonctionne sans pépins depuis 1846 et mettre la main sur un journaliste défaillant sournoisement infiltré de ce média multilingue.



L’incompétent reporter, à l’épreuve de l’interview de Medelci, se révéla dans toute sa nullité, déformant les propos de notre ministre des Affaires étrangères, provoquant un bel embarras politique et, pour finir, forçant AP à un mea-culpa ! My god ! Comment penser qu’un ministre algérien puisse être envoyé par son président de la république pour démolir l’image de sa propre armée ? Comme chacun le sait, les dirigeants algériens sont mondialement reconnus pour leur cohérence, ne travaillent pas en clans opposés, d’ailleurs il n’y a pas de clans qui s’opposent au sein du pouvoir algérien et la nuit, on le sait bien, tous les chats sont gris. (1)

Il faut sans doute rappeler que dans notre pays où l’on a l’indignation facile et la mémoire courte, que ce n’est pas la première fois que notre ministre des Affaires étrangères subit les aléas du porte-voix d’un Bouteflika en rivalité souterraine avec les généraux. Rappelons-nous : le 21 novembre 2007, alors que les chefs de l’armée n’avaient toujours pas acquiescé au troisième mandat pour Bouteflika, ce dernier renouvelle publiquement son offre à Sarkozy : il renonce officiellement à la repentance de la France pour ses crimes coloniaux, en échange d’un appui de l’Élysée pour un troisième mandat. Qui pour se charger de la besogne ? L’irremplaçable chef de la diplomatie Mourad Medelci, bien sûr ! Ce jour-là, à Paris, en conférence de presse conjointe avec Bernard Kouchner, il déclare en français, donc sans recours au traducteur d’Associated Press, que les excuses de la France, pour ses crimes de guerre, n’étaient plus une priorité pour le président Bouteflika. « Je pense que le plus sage est de laisser du temps au temps… »

LG Algérie

Ce jour-là, il n’était pas besoin de la présence d’un journaliste d’Associated Press pour déclencher le tollé général en Algérie. Le lendemain, rappelons-nous, les Affaires étrangères désavouaient leur propre ministre ! « Nous tenons toujours aux excuses de la France », avait alors rappelé le chargé de la communication, promu pour l’occasion aux hautes fonctions de censeur de son propre chef ! Quelques heures plus tard, c’était le ministre de la Communication, Abderrachid Boukerzaza, qui attaquait sans détour Medelci, fustigeant ceux « qui claironnent qu’il faut laisser le temps au temps », martelant que les excuses de la France étaient « un préalable non négociable avant toute idée de réconciliation. » Le secrétaire général de l’Organisation nationale des Moudjahidines (anciens combattants) Saïd Abadou très remonté, affirma, sans diplomatie, que le Président Nicolas Sarkozy « n’est pas le bienvenu » tandis que le président de l’Association du 8 Mai 1945, Mohamed Korso se faisait plus volcanique : « Nous pouvons nous passer de cette visite, car il existe d’autres pays que la France, comme la Chine, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, avec lesquels nous pouvons coopérer… »

Et pour ceux qui ne se rappellent toujours pas de cet épisode, précisons qu’il fut celui du scud Mohamed Chérif Abbès, ministre des Moudjahiddines, auteur de la fameuse sortie dans El-Khabar : « Vous connaissez les origines du président français et les parties qui l’ont amené au pouvoir, c’est le lobby juif qui a le monopole de l’industrie en France. » Si, si, vous vous en souvenez : la presse française, à l’image du Figaro, s’était alors indigné qu’on puisse accuser le président français « d’être un agent à la solde d’Israël » et nota que « le dérapage n’a guère ému les milieux politiques d’Alger » ; le Quai d’Orsay avait déploré, dans une sèche déclaration, des propos « qui ne correspondent pas au climat de confiance et de coopération dans lequel nous préparons la visite d’État du Président de la République » ; l’UMP s’était offusqué des propos « grotesques, inutilement blessants, totalement déplacés et extrêmement grossiers » et avait exigé « des éclaircissements avant la visite de M. Sarkozy à Alger »…

Comme toujours, l’esclandre se termina, comme avec l’affaire Medelci-API, par un lamentable démenti. Celui de Mohamed-Cherif Abbas, en l’occurrence : (« J’ai appris avec beaucoup d’étonnement et de mécontentement certains propos qui m’ont été attribués et qui contreviennent à mon obligation de réserve, celle de ne jamais porter atteinte à l’image d’un chef d’État étranger… »).

On le voit donc, il n’est pas nécessaire de travailler dans Associated Press pour se méprendre sur le profond vocabulaire des dirigeants algériens. Un simple poste de journalistes à El-Khabar suffit pour cela !