Avancée par un ministre de souveraineté qui a l’oreille du président, cette déclaration annonce-t-elle des changements imminents au sein du gouvernement?
Alors qu’il s’exprimait en tant qu’invité exceptionnel lors du débat «Bibliothèque Medicis» de la Chaîne parlementaire française, diffusé vendredi soir, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a affirmé qu’il ne voyait pas comment Alger pourrait ne pas avoir un regard «plus qu’attentif» sur ce qui se passe dans le Monde arabe. Et d’enchaîner qu’un système ne peut être viable s’il n’intègre pas le changement en son sein.
«Ce changement est inévitable intra-muros, il est encore plus inévitable quand on observe ce qui se passe à l’extérieur», a-t-il lâché lors de cette émission.
Si la revendication du changement a été avancée par un opposant ou tout au plus un autre personnage politique, elle serait passée inaperçue. Mais affirmée par un ministre de souveraineté qui a surtout l’oreille du chef de l’Etat, elle prend un autre sens. Aussi, cette déclaration n’annonce-t-elle pas un changement imminent d’abord au sein de l’Exécutif ensuite une redistribution des cartes au sein même du régime? Cela d’une part, de l’autre, cette déclaration intervient quelques jours après la déclaration de Jean-Pierre Raffarin, envoyé spécial du président Sarkozy, à Alger. Evoquant sa rencontre avec le Président Bouteflika, M.Raffarin a affirmé que le président algérien «est attentif notamment aux problèmes de la jeunesse et naturellement l’aspiration à des changements est très forte en Algérie», ajoutant «qu’il va y avoir des mouvements importants dans les jours qui viennent».
Lors de la même émission sur LCP, Mourad Medelci a également abordé les mesures prises lors du dernier Conseil des ministres laissant entendre, sans langue de bois, qu’elles sont des mesures de vigilance avant d’être un simple cadeau pour les jeunes. Le diplomate algérien reconnaît, «très honnêtement», que la réaction du gouvernement a été influencée par la révolte populaire dans le Monde arabe. L’invité de la Chaîne parlementaire française, M.Medelci avoue que la levée de l’état d’urgence et les autres mesures décidées par le Conseil des ministres ont été influencées par «ce qui se passe dans d’autres pays». «Très honnêtement, je ne répondrais jamais non», que la situation régionale n’a pas influencé la prise de ces décisions.
Le ministre algérien explique que la situation interne du pays et le développement des événements dans le Monde arabe ont bien guidé le gouvernement algérien à être performant et surtout vigilant. «Il est évident que nous devons voir dans les signaux à l’intérieur du pays et dans les signaux qui sont, dans le voisinage de notre pays, des éléments qui doivent nous conduire à être, pas seulement plus vigilants, mais plus performants pour nous-mêmes», a souligné le ministre.
Ainsi, M.Medelci témoigne qu’à travers ces mesures, le gouvernement a affiché une certaine vigilance par rapport aux événements régionaux. Se référant aux déclarations du ministre, certains observateurs n’ont pas manqué d’ interpréter les décisions du Conseil des ministres comme moyens destinés à calmer la rue, à faire avorter une éventuelle révolte. La réaction du gouvernement algérien s’explique par l’effet domino. C’est la peur de contagion. Ainsi, la révolte populaire dans le Monde arabe, en Tunisie et en Egypte notamment, a été bénéfique aussi bien pour le gouvernement qui s’est montré vigilant, que pour la jeunesse algérienne qui va profiter de ces mesures. C’est ce qu’a expliqué le ministre affirmant que le changement est inévitable vu la situation régionale. «Je crois que de ce point de vue-là, l’Algérie a pris sa part de «bénéfice» de cette opération qui est née en Tunisie, et qui se développe en Egypte», a-t-il estimé. Après avoir affirmé que l’échec de la mobilisation populaire en Algérie s’explique par la sérénité du peuple algérien, «meurtri par une guerre civile qui a duré dix ans», le chef de la diplomatie algérienne a rappelé que l’Algérie a eu ses mouvements de révolte 20 ans bien avant la Tunisie, l’Egypte et quelques pays du Monde arabe.
«Je voudrais rappeler qu’en 1988 en Algérie, il y a eu un mouvement qui ressemble beaucoup aux mouvements que nous avons observés en Tunisie et en Egypte. Et le fait que nous ayons démarré ce mouvement il y a un peu plus de 20 ans indique bien la spécificité du cas algérien», a-t-il dit. Le ministre a aussi rappelé que l’Algérie vient de sortir d’une guerre civile qui a duré dix ans et qui a «laissé des traces extrêmement importantes dans la mémoire des Algériens et dans leur physique».
Tahar FATTANI