La protestation sociale semble durablement réglée sur le mode émeute. Partout, dans les bourgades les plus reculées du pays comme au cœur de la capitale, les mécontentements sont exprimés de manière violente.
Sofiane Aït-Iflis – Alger (Le Soir)- Dresser la barricade sur fond de pneus brûlés est en passe de structurer un comportement social. Tout est prétexte à soulèvement populaire, du ralentisseur que les autorités tardent à ériger jusqu’à l’opération de relogement jugée mal pensée en passant par le démantèlement, comme il arrive, de marchés informels. Samedi et dimanche, l’émeute a éclaté du côté de Oued-Ouchayah, dans le sillage de la grande opération de relogement annoncée à coups de renforts publicitaires par les autorités.
Les habitants de la cité les Palmiers, dans la banlieue Est- algéroise, se sont en effet soulevés deux jours durant pour réclamer leur intégration dans cette opération de recasement. Les forces anti-émeutes ont fait pleuvoir les bombes lacrymogènes. Et, au terme de ces deux jours d’affrontements violents entre forces de l’ordre et émeutiers, une délégation mandatée par les habitants de la cité est reçue par le wali délégué d’El-Harrach.
Après d’âpres négociations, la délégation lui arrache une vague promesse d’une intégration dans une future opération de relogement. C’est quasiment toujours de la sorte que le dialogue entre citoyens et autorités est noué, c’est-à-dire après émeute. Lorsque vous interrogez les citoyens sur le recours systématique au soulèvement, vous vous entendez souvent rétorquer que c’est le seul moyen de se faire entendre.
Terrible constat de ce que les citoyens ne croient plus aux possibilités de dialogue social sans user de l’émeute en guise de préliminaire. Et s’ils sont arrivés à ne plus concevoir de règlement de leurs problèmes sans passer par la barricade, c’est qu’ils ont dû certainement été souvent confrontés à des attitudes bureaucratiques tout autant hautaines qu’inaccessibles. Les oreilles au niveau des administrations sont rarement attentives aux doléances des citoyens. Aussi, face à l’obstruction des canaux de communication entre administrateurs et administrés, entre gouverneurs et gouvernés, le citoyen se trouve amené à percevoir l’émeute comme le seul moyen de se faire entendre et écouter.
D’ailleurs, il en use jusqu’à l’abus. Comme à Boudouaou, la veille de l’Aïd el-Kebir lorsque, mécontents suite à un jugement rendu contre des jeunes impliqués dans une émeute précédente, des citoyens ont barricadé l’autoroute, causant les pires désagréments aux usagers. Mais cette récurrence dans la provocation de l’émeute dénote, outre d’un malaise social profond et étendu, d’un échec de la gouvernance. Les politiques sociale et économique du gouvernement ont raté de produire le bien-être citoyen, en dépit des budgets colossaux alloués.
S. A. I.