Mécanique, télécommunications, énergies renouvelables: « Les ratés de l’industrie algérienne »

Mécanique, télécommunications, énergies renouvelables: « Les ratés de l’industrie algérienne »

Le modèle de développement de l’Algérie du futur doit prendre en compte les ratages du passé pour ne pas les rééditer.

C’est avec un très grand enthousiasme que les Algériens ont appris que de grandes firmes automobiles ont décidé d’implanter des usines de montage dans leur pays. Ainsi, Volkswagen vient d’inaugurer son unité à Relizane où il compte assembler jusqu’à 200 véhicules par jour entre Golf, Ibiza Seat, Octavia Skoda et Caddy en attendant la Polo et la Fabia à partir de 2018.Cette perspective a électrisé les attentes des nouveaux riches du pays qui gagnent leur vie, pour une majorité d’entre eux, en écoulant des produits importés. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, voilà que l’ambassadeur du Japon à Alger a récemment annoncé que les constructeurs nippons trépignent d’impatience pour répondre à la même demande.

Cette soudaine inclination pour nos tropiques suscite des questions. La plus urgente est de savoir pour quel marché ces véhicules sont-ils destinés? Si c’est uniquement pour la consommation locale, non, merci! Il y a déjà trop de voitures, trop d’accidents, trop d’émissions à effet de serre et pas assez d’espace dans les faubourgs et les villes. Les importations des 10 dernières années ont déjà considérablement congestionné le réseau routier et si la tendance se poursuit nous allons vers un blocage.

Ailleurs, particulièrement en Amérique du Nord, la voiture est un outil de travail avant d’être un parement de prestige. En Algérie, où le carburant est parmi les moins chers au monde, elle sert avant tout de marqueur social et de symbole de réussite. En un mot, l’engouement pour ce secteur extrêmement polluant est-il judicieux ou s’agit-il d’une nouvelle lubie? Au moment où l’essence, le diesel sont sur le déclin et menacés d’être abandonnés au profit de l’électricité et de l’énergie solaire, l’Algérie semble vouloir revenir en arrière comme si la révolution industrielle n’a jamais eu lieu et qu’elle n’a pas provoqué les dégâts que l’on sait. On se croirait de retour à l’ère de «l’industrie industrialisante» propagée par un certain Gérard De Bernis.

Cet économiste moyen quoique plein de bonnes intentions, avait trouvé dans l’Algérie des années 1970 un banc d’essai pour ses idées qui se sont avérées plus tard contre-productives, pour ne pas dire nocives. En se basant sur sa théorie, l’Etat algérien avait acheté à tour de bras et en s’endettant des usines clés en main dotées, pour certaines, d’une technologie obsolète ou pas encore expérimentée. Résultat: cinquante ans plus tard, l’industrie hors hydrocarbures ne représente que 5% du produit intérieur brut.

Des avis soutiennent que l’automobile peut créer un effet d’entraînement sur les exportations vers l’Afrique. Le Maroc, par exemple, exporte maintenant la majeure partie de sa production et en tire plus de 5 milliards de dollars mais, bon, l’Algérie possède des atouts plus importants et diversifiés que son voisin pour se limiter à la vente de quelques véhicules par an.

D’ailleurs, l’histoire de l’industrie mécanique y est plus vieille. Entre 1960 et 1972, avant sa nationalisation et le changement de son activité au profit de dumpers et de bétonnières, l’usine Renault d’El Harrach montait des R8 Major et Gordini, des R4, des 4 CV, des Dauphines et des Ondines.

Ratage d’un tournant scientifique et économique

En parallèle, la Sonacome avait tenté et échoué, juste après sa création en 1967, de lancer la Mina 4 qu’avait conçue un certain Mokrani à la tête de 500 techniciens algériens. La société publique s’était consacrée plus tard à la fabrication de bus et de camions, les fameux K, dont un prototype avait gagné en 1980 le deuxième Paris-Dakar dans la catégorie des poids lourds. Plus de trois décennies plus tard, on revient, comme par fatalité, presque à la case départ.

Le principal problème de notre pays semble être, depuis toujours, la vision à long terme et le souffle pour maintenir le cap sur les projets porteurs d’avenir. Pourtant, à chaque étape de son histoire, il a toujours produit des esprits doués pour le décodage de l’évolution des paradigmes et pour l’anticipation prospective. Ainsi, l’Algérie avait raté un très grand tournant scientifique et économique à la fin des années 1970, perdant sa place au peloton de tête en informatique pour tomber dans le sous-développement cybernétique.

Le Centre d’études et de recherche en informatique, devenu par la suite Institut national d’informatique puis Ecole supérieure d’informatique a été l’un des premier créés au monde. A l’époque, la discipline était naissante et l’écart entre les pays assez minime.

L’Algérie a donc loupé une grande occasion pour prendre une place de choix parmi les champions dans ce domaine. Au lieu de cela, les ingénieurs et techniciens formés par l’établissement alors que le dinar était fort ont préféré s’exiler dans les capitales occidentales au grand bonheur des chasseurs de têtes. La même mésaventure était arrivée dans le domaine de la recherche en énergie renouvelable qui avait hérité d’Héliodyne, un four solaire de 40 tonnes créé en 1954.

L’agronomie disposait également de centres de recherche avancés et de la prestigieuse Ecole nationale d’agronomie et jusqu’à dernièrement les diplômés de Polytechnique ainsi que ceux de l’Usthb de Bab Ezzouar étaient accueillis à bras ouverts dans les laboratoires et les entreprises des pays développés.

Investir dans la matière grise!

Aujourd’hui, les grandes puissances ne s’encombrent plus de manufactures polluantes et bruyantes. Elles vendent du soft power, du pouvoir doux, de l’intelligence, des procédés, des solutions, des brevets et de la culture. Aujourd’hui, c’est la matière grise qui rapporte le plus et permet de prendre les positions dominantes.

D’autre part, le véritable développement s’inscrit dans la durée. Il est en phase avec la nature et augmente la qualité de vie des citoyens. C’est pourquoi, les fabriques et les ateliers qui rejettent des déchets toxiques sont délocalisés dans le Tiers-Monde. La Chine en sait quelque chose.

Le géant asiatique est certes devenu la deuxième puissance, mais au détriment de son air qui asphyxie plus qu’il ne permet de vivre. En conclusion, l’Algérie qui est une nouvelle fois à un carrefour important de son histoire doit peut-être s’arrêter pour réfléchir à son modèle de développement, ne pas retomber dans les erreurs du passé et rater ainsi de nouveaux virages. L’industrie automobile soit!

Mais le monde opte de plus en plus pour le moteur électrique. Alors retard pour retard, pourquoi ne pas commencer dès aujourd’hui à produire ce type d’engins en ce donnant le temps de réussir, quitte à se tromper et rectifier graduellement le tir?