Pour insérer la sphère informelle au sein de la sphère réelle, le Professeur Mebtoul préconise que l’Etat lance un emprunt national, assainisse les domaines par la délivrance des titres de propriétés et libère les énergies créatrices.
De notoriété publique, la prestation récente à une télévision privée du nouveau Ministre des Finances a largement déçu l’opinion publique, n’ayant pas répondu aux questions du journaliste, versant dans la phraséologie et le populisme, oubliant que dans la pratique des affaires, n’existent pas de sentiments et que la population algérienne exige la vérité, rien que la vérité.
1.- Les plus grosses fortunes en Algérie ne sont pas forcément dans la sphère réelle mais au niveau de la sphère informelle notamment marchande avec une intermédiation informelle à des taux d’usure. Ici existe des données contradictoires, le Premier ministre annonçant pour 2014, 37 milliards de dollars et le nouveau ministre des Finances dans plusieurs déclarations publiques avant sa nomination entre 40/50 milliards de dollars.
Selon Deborah Harold, enseignante américaine de sciences politiques à l’université de Philadelphie et spécialiste de l’Algérie, se basant sur des données de la banque d’Algérie, l’économie informelle brasserait 40/50 % de la masse monétaire en circulation soit 62,5 milliards de dollars soit plus de quatre fois le chiffre d’affaires de toutes les grandes entreprises du FCE réunies.
Ces données sont corroborées par un document du Ministère du commerce algérien de 2012 pour qui existeraient 12.000 sociétés écrans avec une transaction qui avoisinerait 51 milliards d’euros au cours de 2012 soit 66 milliards de dollars au cours de l’époque. Cette sphère contrôle au niveau de la sphère réelle 65% des segments des produits de première nécessité : fruit/légumes, marché du poisson, marché de la viande blanche/rouge et à travers des importations informels le textile/cuir, avec une concentration du capital au profit de quelques monopoleurs informels.
Cette sphère liée à la logique rentière tisse des liens dialectiques avec des segments du pouvoir expliquant qu’il est plus facile d’importer que de produire localement.
2.-Les dernières mesures tant des chèques que de l’obligation de déposer l’argent de la sphère informelle obligatoirement au niveau des banques algériennes qui sont actuellement de simples guichets administratifs, ignorent le fonctionnement de la société algérienne. On n’impose pas par la contrainte des mesures. Je préconise cinq actions au gouvernement
– Premièrement, la suppression de la taxe des 7% car si cet argent sert à dynamiser le secteur productif, à terme, c’est plus bénéfique par l’accroissement future de l’assiette fiscale.
– Deuxièmement, un large emprunt national sous couvert de bons anonymes, dont les taux rémunérateurs approchent le taux d’inflation et la dépréciation du dinar par apport aux devises fortes, devant forcément dynamiser la bourse d’Alger .
– Troisièmement, un décret exécutif, afin de redonner confiance aux citoyens, et éviter les erreurs des décrets de 2005 et 2011 qui n’ont jamais vu le jour, de séparer la fonction bancaire du contrôle fiscal qui ne devra se faire qu’après une exécution judiciaire (cas de recyclage de l’argent de la drogue par exemple) pour la vérification des comptes, les contrôleurs fiscaux ou services de sécurité n’ayant pas à s’immiscer dans la gestion bancaire normale.
– Quatrièmement, l’insertion de la sphère informelle au sein de la sphère réelle implique la refonte du système financier, la dynamisation de la bourse des valeurs, et la délivrance des titres de propriétés dans les différentes sphères qui auront un impact important sur les rentrées fiscales futures. Si chaque propriétaire algérien payait 10.000 dinars par an au trésor, le montant serait important. C’est une mesure urgente, les domaines comme la fiscalité fonctionnant selon les méthodes du début des années 1960.
Cinquièmement, il ne faut pas se tromper de stratégie par des mesures conjoncturelles de court terme. L’essentiel pour l’insertion de la sphère informelle au sein de la sphère réelle implique avant tout d’abord d’avoir une vision cohérente et transparente de la politique socio-économique, tout changement dans l’arsenal juridique ayant un impact négatif sur ceux qui investissement à moyen et long terme, renvoyant à l’Etat de Droit et à la bonne gouvernance.
En résumé, l’Algérie recèle de nombreux entrepreneurs dynamiques tant dans la sphère réelle qu’informelle, ces derniers acquis à la logique de l’économie de marché qu’il s‘agit d’introduire dans la sphère réelle et non par des mesures administratives autoritaires. Cela implique une vision stratégique, de nouveaux mécanismes économiques de régulation et libérer les énergies créatrices passant par le développement DES LIBERTES au sens large. Le véritable nationalisme à l’avenir face à la baisse des recettes de SONATRACH (34 milliards de dollars fin 2015 au cours de 60 dollars , probablement environ 140 milliards de dollars de réserves de change et moins de 30 milliards de dollars de fonds de régulation des recettes) qui peut conduire le pays à une cessation de paiement horizon 2020, en cas de non changement de la trajectoire socio-économique, supposant de profondes réformes structurelles, se mesurera par la contribution de tous les Algériens, sans exclusive, à la valeur ajoutée locale, évitant de diaboliser le privé national et international pour des intérêts idéologiques.
Professeur Abderrahmane Mebtoul