Liberté : Que vous inspire l’interpellation des non-jeûneurs à Béjaïa ?
Me Noureddine Benissad : De tels événements ne m’inspirent guère, bien au contraire. Nous sommes dans le déni total de liberté. Il est difficile d’imaginer qu’il existe encore en Algérie des intrusions policières dans des espaces pourtant fermés. C’est tout simplement un abus, sinon un excès de zèle. Et cela, ne peut pas continuer ainsi. Il y a eu par le passé des événements similaires. Nous pensions que de tels actes et comportements étaient terminés. Le sujet était censé être clos après les dérives et les interpellations du Ramadhan 2013. Mais voilà que ça recommence.
Y a-t-il une loi qui permet à la police d’intervenir de la sorte ?
Il n’y a aucune loi qui permet à quelqu’un de faire intrusion dans la vie personnelle de quelqu’un d’autre et de s’ériger, par conséquent, en conscience morale collective. Il y a deux suppositions : ou bien ce sont des intimidations individuelles ; auquel cas, leur hiérarchie se doit de prendre les mesures de sanction nécessaires. Ou ce sont des instructions hiérarchiques, auquel cas, il faudra nous dire clairement que les pouvoirs publics s’immiscent désormais dans la vie privée des gens. Ce qui relève d’une grave atteinte à la liberté individuelle des citoyens.

Sur quel chapitre mettriez-vous, personnellement, ces agissements ?
Ce sont des politiques inspirées par des groupes informels et qui tendent à s’institutionnaliser. Nous ne sommes plus dans une logique de droit. Nous sommes dans des pratiques moralisatrices qui se substituent à la loi. Ces pratiquent ouvrent la voie à des milices informelles qui s’érigeront en police des mœurs. Nous avons eu, d’ailleurs, à le vérifier à Béjaïa pendant la saison estivale passée. Dans ce cas précis, à savoir celui de l’interpellation de non-jeûneurs à Béjaïa, nous faisons exactement le jeu des groupes informels. Si le pouvoir n’est pas ferme lorsqu’il s’agit de respecter et faire respecter la loi, il y a un sérieux problème qui se pose. Cela ouvre la voie à toutes les dérives.
M. M.