« Nous sommes peut- être le seul pays au monde qui enregistre plus de 85 candidats à la magistrature suprême. Cela devient de la caricature. Il faut manquer vraiment de lucidité et d’inspiration pour oser se porter candidat à l’élection présidentielle alors qu’on n’a pas du tout le profil », regrette le président de la CNCPPDH.
Pourquoi autant de candidats à l’élection présidentielle d’avril prochain ? La question est sur toutes les lèvres, d’autant que certaines candidatures suscitent l’étonnement. Est-ce à dire que toute personne peut se présenter au scrutin présidentiel ? Pour être éligible à la plus haute fonction de l’Etat, il faut remplir un certain nombre de conditions. « Tout citoyen ne peut pas se présenter à l’élection présidentielle », dira Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH).
Ce foisonnement de candidatures est loin d’être, selon lui, un signe de bonne santé politique. « Certaines d’entre elles sont fantaisistes. Quand un marchand de légumes ou un rappeur aspire à devenir président de la République, je ne crois pas que cela soit tout à fait sérieux », lâche-t-il, en estimant que certaines candidatures « sont farfelues et décrédibilisent l’élection ».
Me Ksentini reste convaincu que ces candidats ne réuniront jamais les signatures suffisantes pour passer le cap du Conseil constitutionnel. « Nous sommes peut-être le seul pays au monde qui enregistre plus de 85 candidats à la magistrature suprême. Cela devient de la caricature. Il faut manquer vraiment de lucidité et d’inspiration pour oser se porter candidat à l’élection présidentielle alors qu’on n’a pas du tout le profil », regrette le président de la CNCPPDH.
Pour lui, la candidature à la présidence de la République est une question extrêmement sérieuse. Ce qui le pousse à appeler « à l’élimination de ces candidatures folkloriques et peu sérieuses », surtout que matériellement et sur le plan organisationnel, le prochain scrutin se prépare « normalement ». Mme Benabou Fatiha, constitutionnaliste et professeur de droit parlementaire, va plus loin.
« Stratégiquement, autant de candidats à l’élection présidentielle décrédibilise la démocratie », estime-t-elle. A ses yeux, ces candidatures fantaisistes « ne pourront pas franchir le seuil des signatures requises par le Conseil constitutionnelle ». Collecter 60.000 signatures dans vingt-cinq wilayas du pays s’avérerait donc un écueil infranchissable, « d’autant qu’il n’est pas donné à tout le monde d’avoir une large base populaire ».
Il faut savoir que c’est le conseil Constitutionnel qui vérifie si les conditions sont remplies par les candidats et c’est à lui que revient la mission d’établir la liste officielle des candidats à l’élection présidentielle. Des critères doivent être remplis par le candidat, dont notamment la jouissance de la nationalité algérienne d’origine, la présentation d’une déclaration sur l’honneur légalisée justifiant sa foi musulmane ou encore l’attestation de la nationalité algérienne du conjoint.
Le candidat, qui doit avoir 40 ans révolus le jour du scrutin, doit, par ailleurs, jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques et justifier s’il est né avant 1942 de sa participation à la Révolution du 1er Novembre 54 ou justifier de la non-implication de ses parents dans des actes hostiles à la Révolution, s’il est né après 1942, tout comme il devra fournir la déclaration publique du patrimoine mobilier et immobilier, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Algérie.
Outre le dossier de candidature qui lui sera exigé et qui comporte notamment une copie de son programme, le candidat doit signer un engagement en langue nationale officielle portant sur 14 points.
Il s’agit, entre autres, de la non-utilisation des composantes fondamentales de l’identité nationale dans sa triple dimension, islamique, arabe et amazigh, à des fins partisanes, le refus de toute pratique féodale, régionaliste et népotique, la préservation de la souveraineté nationale ou encore le respect de l’alternance au pouvoir par la voie du libre choix du peuple algérien. En attendant la validation des candidatures par le Conseil constitutionnel, « le rêve » reste permis !
Karima Alloun Kordjani